Il a tué Prince et des dizaines de milliers d’Américains : le fentanyl est dans le collimateur de Donald Trump, qui a obtenu une promesse de la Chine de mieux contrôler cette substance 50 fois plus puissante que l’héroïne. Mais les experts sont dubitatifs. Lors de leur rencontre de samedi à Buenos Aires destinée à apaiser leur différend commercial, le président américain et son homologue chinois Xi Jinping avaient à l’ordre du jour une marchandise un peu particulière : le fentanyl, un produit synthétique mis en cause dans une épidémie de surdoses de l’Amérique du Nord à l’Australie, et dont la Chine serait l’un des plus gros producteurs mondiaux.
M. Xi a promis de classer tous les types de fentanyl en tant que substances réglementées, un geste salué par le milliardaire new-yorkais. « Si la Chine s’en prend à cette drogue horrible et applique la peine de mort aux distributeurs et aux revendeurs, les résultats seront sensationnels », s’est félicité Donald Trump. Mais Pékin aura du mal à contrôler cette industrie « compte tenu de l’énorme demande en provenance des États-Unis », pronostique Mike Vigil, ancien responsable des Affaires internationales auprès de l’Agence anti-drogue américaine (DEA).
La production de fentanyl est devenue « très rentable » pour les trafiquants chinois, déclare-t-il à l’AFP. Se procurer du fentanyl d’une rive à l’autre du Pacifique n’a rien de sorcier : les acheteurs en commandent sur internet, payent avec leur carte de crédit ou en cryptomonnaie et reçoivent leur envoi par la poste, comme l’a relevé un rapport du Congrès américain. La substance en elle-même n’est pas forcément illégale : elle peut être utilisée comme sédatif pour des malades du cancer en grande souffrance.
Mais des laboratoires chinois, clandestins ou non, n’hésitent pas à commercialiser le produit au tout venant, par appât du gain : un kilo de fentanyl peut produire 50 kilos d’héroïne, transformant un investissement initial de 10 000 dollars en un rendement d’un demi-million, selon M. Vigil. Si le gouvernement chinois combat la production clandestine, il le fait jusqu’à présent en s’attaquant à des formules spécifiques du produit. Il suffit aux laboratoires de modifier légèrement leur composition pour mettre sur le marché un nouveau produit avant qu’il soit interdit à son tour par les autorités.
Ce jeu du chat et de la souris se traduit par une forte augmentation des morts aux États-Unis, une simple erreur de dosage pouvant être fatale. Pas moins de 28 000 Américains ont été tués en 2017 par le fentanyl ou des drogues équivalentes, selon des statistiques de santé publiées la semaine dernière. Pour les autorités chinoises, le combat s’annonce colossal, le pays comptant quelque 400 000 entreprises de production ou de distribution de produits chimiques, selon un rapport du Département d’État américain de 2015.
« L’industrie chimique et pharmaceutique chinoise est énorme, il y a tout simplement trop d’entreprises à contrôler et pas assez de policiers », relève Bryce Pardo, spécialiste de la drogue au centre de réflexion américain Rand Corporation. La Chine compte aussi un nombre inconnu de laboratoires clandestins qui produisent différents types de drogue synthétique. En 2015, Pékin a détruit 259 laboratoires et arrêté 1 570 suspects, selon Washington. Mais les intérêts du gouvernement central et des autorités locales ne coïncident pas toujours : Pékin impose les règles mais leur application est laissée à la discrétion des responsables provinciaux « qui ont tout intérêt à exporter le plus possible », dénonce M. Pardo.
Sur la défensive avant Buenos Aires, le ministère chinois des Affaires étrangères a assuré la semaine dernière que Pékin avait pris des mesures pour combattre 25 types de fentanyl, échanger des renseignements avec les autres pays et mieux contrôler les envois par courrier. « Le gouvernement américain doit à l’évidence en faire davantage pour réduire la demande », a estimé le porte-parole du ministère, Geng Shuang, assurant que Washington n’avait jamais soumis de preuves démontrant que la Chine serait l’une des principales sources du trafic. Et même si la Chine parvenait à enrayer la production, les consommateurs pourraient se tourner tout simplement vers d’autres pays, comme l’Inde, avertit M. Pardo.
D.C avec AFP
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