Droits de douane : après la sidération, la riposte et la tempérance

Par Germain de Lupiac
8 avril 2025 08:19 Mis à jour: 8 avril 2025 22:29

Après la sidération, les principaux partenaires commerciaux des États-Unis ont cherché a faire face au coup de massue des nouveaux droits de douane de Donald Trump, qui a provoqué un vent de panique lundi sur les marchés – surtout pour les entreprises dépendantes des importations en provenance d’Asie.

Stupéfaits par l’ampleur des changements économiques qui rebat les cartes du commerce mondial, la plupart des partenaires commerciaux des États-Unis se sont abstenus de jeter immédiatement de l’huile sur le feu.

Tous, non, un village d’irréductibles Gaulois a réagi de façon quasi immédiate. Emmanuel Macron a annoncé une salve de ripostes progressives et a réuni les plus grandes entreprises françaises pour leur demander de ne pas aller investir aux États-Unis.

Du côté de la tempérance, le ministre du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin a plaidé pour le chemin des discussions et des négociations. Même son de cloche du côté de l’Union européenne à l’issue d’une réunion avec les ministres européens du commerce le 7 avril. Ursula von der Leyen a appelé à des négociations plutôt qu’à une escalade commerciale en demandant « une exemption de droits de douane totale et réciproque ».

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Une tempête sur les marchés

Les marchés en Asie-Pacifique ont dévissé le 7 avril, quelques jours après l’annonce des nouveaux droits de douane américains.

Les mouvements boursiers sont d’autant plus spectaculaires que la Chine a répliqué rapidement et annoncé renchérir avec ses propres droits de douane, alimentant des risques d’escalade destructrice pour l’économie mondiale. « Il ne s’agit plus seulement d’un conflit commercial, mais d’une refonte systémique de l’ordre économique mondial » a estimé Stephen Innes, analyste chez SPI Asset Management.

Au même moment, une cinquantaine de pays ont cherché, chacun de leur côté, à négocier plus de réciprocité dans les droits de douanes avec Donald Trump. Ce dernier reproche aux partenaires économiques des États-Unis de les « piller », c’est pourquoi il a imposé un taux universel de 10 % de taxe douanière sur tous les produits importés aux États-Unis.

« Nous avons des déficits commerciaux massifs avec la Chine, l’Union européenne et beaucoup d’autres », a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social. « La seule manière de régler ce problème, ce sont les droits de douane, qui vont rapporter des dizaines de milliards de dollars aux États-Unis », a-t-il ajouté.

L’addition pourrait être encore plus lourde dès le 9 avril pour des dizaines de pays qui exportent plus vers les États-Unis qu’ils n’importent de produits américains. +54 % au total pour la Chine (visée en plusieurs temps), +20 % pour l’Union européenne (UE), +46 % pour le Vietnam, +24 % pour le Japon.

Emmanuel Macron prend le risque d’une escalade commerciale

Quelques heures après l’annonce de Donald Trump, Emmanuel Macron a énuméré les premières graduations de « la riposte » à ce qu’il a défini comme une décision « grave et infondée ».

Le 3 avril, le président français recevait des membres du gouvernement, du patronat et des filières les plus exposées – aéronautique, agriculture, viticulture, chimie, électronique, métallurgie, santé, cosmétiques, dramatisant le tableau en parlant d’un « impact massif ».

Il a appelé à une première riposte mi-avril, avec « des réponses sur le paquet acier et aluminium », déjà surtaxé par les États-Unis. « La deuxième réponse, plus massive […] se fera à la fin du mois », a-t-il promis.

En 2023, les États-Unis étaient le 4e marché à l’exportation de la France, derrière l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, selon les douanes françaises. Parmi les secteurs les plus exposés, figurent l’aéronautique (avec 9 milliards d’euros en 2024, il représente un cinquième des exportations de la France vers les États-Unis), le luxe (parfums, maroquinerie, etc.), les vins et le cognac.

Les entreprises françaises appelées à suspendre les investissements aux États-Unis

Lors de cette réunion, Emmanuel Macron a demandé aux grandes entreprises françaises de suspendre les investissements prévus aux États-Unis. « Ce qui est important, c’est […] que les investissements à venir ou annoncés ces dernières semaines soient un temps suspendus tant qu’on n’a pas clarifié les choses », a-t-il déclaré.

« Certains d’entre nous sont tombés de leur chaise », a confié au Figaro l’un des quelque 50 dirigeants d’entreprises français présents. « On n’est pas en économie administrée », a commenté le dirigeant d’un mouvement patronal. « Ce que dit Macron, je n’en ai rien à cirer », a dit un autre grand patron du CAC 40.

Plusieurs groupes français ont déjà annoncé des investissements massifs aux États-Unis avant l’officialisation des droits de douane visant l’Union européenne, à commencer par l’armateur CMA CGM, dont le patron Rodolphe Saadé avait annoncé 20 milliards d’investissements aux États-Unis prévus sur quatre ans, lors d’une conférence de presse auprès de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Le géant des matériaux Saint-Gobain, qui a annoncé en février un investissement de 40 millions de dollars pour la construction d’une usine dans l’État de New York, a répondu à l’AFP : « Pas de suspension ». Le groupe explique que ces investissements n’ont pas été décidés dans le contexte des hausses des droits de douane.

En effet, indépendamment des nouveaux droits de douane, installer des usines aux États-Unis permet de bénéficier d’une énergie peu chère, de peu de taxes locales et de réglementations, contrairement à l’Europe.

« Attention à la surenchère », prévient le président du Medef

« L’Europe doit bien sûr parler d’une seule voix. Elle a besoin d’être ferme, réactive sans insulter l’avenir. Attention à la surenchère. La riposte a besoin d’être graduée », a estimé le président du Medef Patrick Martin dans un entretien sur Ouest-France, le 5 avril.

Toutefois selon lui, si « les mesures annoncées par Donald Trump sont d’une extrême gravité pour l’économie européenne », « ce n’est pas la fin de l’histoire » car « les Américains [sont] très pragmatiques ».

Il a également estimé que dans ce contexte, l’urgence pour la France était « d’abaisser de manière très volontariste nos dépenses publiques ».  « Nous sommes recordman du monde des dépenses publiques avec en regard des performances médiocres en termes d’emploi, de croissance, de balance commerciale et d’efficience des dépenses publiques et donc des dépenses sociales. La pression financière est telle que nous ne pouvons plus nous dérober », a-t-il martelé.

Vers le chemin de la réciprocité 

Le ministre du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin a donné une touche d’optimisme lors de la rencontre à l’Élysée : « Il y a toujours un chemin de discussion et de négociation » avec les États-Unis, a-t-il déclaré au Parisien, espérant des « ajustements dans les 15 prochains jours » dans les nouveaux droits de douane américains.

« Rien n’est définitif » et les 20 % de taxes supplémentaires infligées aux produits de l’Union européenne, « c’est le postulat de base », a-t-il indiqué. Le ministre du Commerce plaide néanmoins pour « une diplomatie économique très musclée », fondée sur de nombreux déplacements, car « c’est indispensable dans le moment ». « La France est un pays apprécié dans le monde », a-t-il fait valoir.

Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS), a également estimé qu’il fallait « une désescalade, même si cela doit passer par une phase de rapports de forces ».

Le 7 avril, l’Union européenne a d’ailleurs proposé aux États-Unis une exemption de droits de douane totale et réciproque pour les produits industriels, dont les voitures, a indiqué la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, ajoutant que l’Europe était prête « à répondre par des contre-mesures et à défendre ses intérêts ».

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