Les « vagues », la stupéfaction, puis l’attente : un « torrent » d’eau a déferlé jeudi sur Annonay, dont le centre-ville s’est retrouvé noyé en quelques minutes, touché comme le reste de l’Ardèche par un épisode cévenol exceptionnel.
Une eau marronnasse et agitée, d’où dépassent les toits de quelques malheureux véhicules, recouvre encore en milieu d’après-midi les rues de cette ville de 17.000 habitants. Un hélicoptère sillonne le ciel lourd et gris, deux personnes suspendues à son flanc.
Traversée par deux rivières, la Deûme et la Cance, les eaux y sont montées brusquement lorsque le barrage de Ternay, au nord de l’agglomération, a débordé dans la matinée.
C’est simple : « Je n’ai jamais vu ça », relate Patricia Montagne qui vit dans le centre-ville : « en l’espace de dix minutes il y avait de l’eau de partout (…) ça commençait à faire des vagues, et les trombes ont commencé à arriver », charriant « des quantités de bois effarantes ».
À quelques enjambées, la place des Cordeliers s’est transformée en piscine géante, et les locaux de Chérie FM Vallée du Rhône, situés à proximité, n’ont pas été épargnés. L’eau a eu raison des fenêtres et portes calfeutrées, et maintenant « la radio est hors-service », souffle son directeur Philippe Ducreux.
Installé ici depuis 30 ans, lui aussi a été surpris. « On le voit souvent ailleurs, mais on ne pense pas que ça peut nous arriver ! », affirme-t-il, tout en s’attelant déjà à la mise en place d’un « studio provisoire », qu’il espère opérationnel dès lundi.
Fred Valery restaurateur d’un établissement situé en sous-sol, fait grise mine. « Le restaurant est plein jusqu’au plafond », décrit-il depuis la place centrale, où des riverains observent la scène stupéfaits. « J’avais une promesse de vente mais là on repart à zéro. »
« C’est absolument massif »
La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a qualifié jeudi l’épisode des pluies torrentielles qui frappent certaines zones de l’Ardèche d’« absolument massif » et a évoqué une « situation inédite ».
« Nous faisons face à une situation qui est inédite par son ampleur. 600 millimètres d’eau sur l’Ardèche, c’est du jamais vu de mémoire d’homme », a indiqué la ministre lors d’un point presse. « 600 millimètres, c’est plus de 60 centimètres d’eau qui sont tombés en 48 heures. C’est absolument massif. » « Je rappelle qu’Annonay avait fait l’objet d’un plan de prévention des risques renforcé suite à l’inondation de 2014 », a indiqué Mme Pannier-Runacher. Mais « tous les calculs, toutes les installations qui visaient à prévenir une inondation ont été dépassées par l’impact des précipitations ». Elle a appelé à « la prudence et au respect des consignes des services de secours ».
L’hélicoptère mobilisé
Jeudi, des pluies « exceptionnelles » se sont abattues sur le Centre-Est de la France, où six départements ont été placés en vigilance rouge inondations ou crues par Météo-France. En Ardèche, où tous les établissements scolaires resteront fermés jusqu’à vendredi soir, les pompiers sont intervenus à plusieurs centaines de reprises, notamment par hélicoptère pour secourir des automobilistes en difficulté.
Depuis sa fenêtre, Anne-Lise Dorel a assisté à un de ces sauvetages de haute voltige. « Tout à coup, l’hélicoptère est resté stationnaire, et quelqu’un est descendu d’une corde pour aller chercher une personne dans l’inondation. C’était vraiment impressionnant », raconte-t-elle à l’AFP.
Une poignée d’habitants ont pu se réfugier dans un gymnase, situé en contre-haut de la Deûme et mis à disposition par la mairie, en attendant de pouvoir regagner leurs pénates. C’est le cas de Noémie Bonnet, conduite ici après s’être retrouvée piégée par la « marée » dans un supermarché, et qui réside sur une avenue inondée. « Mon fils de 15 ans est seul à la maison et je ne sais pas combien de temps je vais rester là », s’inquiète-t-elle. « Maintenant il n’y a plus qu’à attendre. »
La décrue tant attendue s’est amorcée dans l’après-midi, mais à la caserne locale des pompiers on redoute un nouvel épisode de pluie en fin de journée.
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