Tout le soutien de la France est acquis à l’Ukraine… mais les détails en resteront flous. La brutale invasion russe a déclenché une réaction historiquement forte des pays membres de l’Union Européenne, avec d’un côté des sanctions financières lourdes et l’exclusion du système international SWIFT de plusieurs banques russes, de l’autre des mouvements de troupes européennes en Pologne, en Roumanie, en Finlande, en Estonie, et de multiples livraisons d’armes à Kiev.
Pour contribuer à la défense ukrainienne, la petite Belgique envoie des milliers de mitrailleuses et de fusils, des milliers de tonnes de carburant ; les Tchèques promettent armes de poing, munitions, obus, les Pays-Bas des fusils de précision et des missiles Stinger. La Suède exportera des armes anti-chars, l’Allemagne déroule la liste des lance-roquettes, blindés, missiles Stinger qu’elle est en train d’envoyer. Même la Finlande, aux portes du conflit puisque frontalière de la Russie, a pris la décision historique de s’engager : le pays, non membre de l’OTAN, expédiera des milliers de fusils d’assaut et de lance-roquettes ainsi que des centaines de milliers de munitions.
Au niveau européen, ce sont plus de 500 milllions d’euros qui seront mobilisés pour livrer des armes létales et des équipements à l’Ukraine. Beaucoup est évidemment attendu de la France, notre pays étant le troisième producteur mondial d’armements. Pourtant l’Elysée se contente d’annoncer « la livraison additionnelle d’équipements de défense aux autorités ukrainiennes ainsi qu’un soutien en carburant. » Sont cités des casques, des gilets pare-balles, des équipements de déminage. « La demande des autorités ukrainiennes est de disposer de matériel défensif. Aussi, on n’équipe pas une armée comme ça du jour au lendemain de matériel sophistiqué ou de matériel, disons, plus offensif », explique l’Élysée, cité par Les Échos. Lors de son dernier point presse, le Ministère des Armées reste mystérieux sur la nature et l’ampleur des livraisons prévues.
La France est-elle plus stratège que tous ses voisins européens, ou cette discrétion masque-t-elle sa lenteur et sa faible implication réelle ? Le site internet du ministère des Armées ne semble pas vivre la même situation que le reste de l’Europe. Sa une est occupée par deux articles : « Cinq anecdotes sur la vie de Josephine Baker », suivi d’un « Le saviez-vous ? Les saints patrons militaires » Malgré la brûlante actualité, ce n’est que bien plus loin que l’on trouve l’adresse aux Armées du Président de la République et l’annonce d’une livraison de munitions… aux soldats français en Pologne.
La question d’une possible duplicité vis-à-vis de la Russie se pose presque, alimentée par la lecture des rapport annuels au Parlement sur les exportations d’armement. Le ministère des Armées y constate, depuis plus de dix ans, « le retour à des politiques de puissance de la part de grands États », formule polie pour mentionner le danger représenté par la Chine et par la Russie. Malgré cela, seuls les embargos internationaux ont forcé à un ralentissement des ventes d’armements à ces puissances : en 2010, 160 exportations d’armes ont eu lieu vers la Chine, et 130 agréments de vente lui ont été accordés. La même année, la Russie recevait 76 cargaisons de matériel militaire venant de France et bénéficiait de 74 agréments. La Biélorussie voisine trouvait la même année dans sa boîte aux lettres des fusils et des « prestations de sécurisation d’entrepôts militaires. » En 2011, la Russie recevait encore une centaine d’envois d’armes françaises, pour une valeur de 100 millions d’euros, puis de 120 millions d’euros en 2012.
Malgré l’embargo sur les armes de l’Union Européenne, qui a fait suite à l’invasion de la Crimée en 2014, la France a réussi à vendre pour 1,4 milliard d’euros d’armements à la Russie depuis 2011, soit plus de dix fois ce qu’a reçu l’Ukraine durant cette même période. Depuis 2015, soit après l’invasion de la Crimée, 75 licences d’export d’armement ont encore été accordées : les commandes ont cessé, mais pas les livraisons.
Avec le prisme de l’actualité 2022, ces informations sont douloureuses. Aujourd’hui à Kiev, Marioupol, Kharkiv, combien de civils ukrainiens sont tués avec des armes françaises ? L’annulation en 2015 de la vente de porte-hélicoptères Mistral à la Russie protège partiellement d’une honte totale, car si celle-ci avait eu lieu, le pilonnage actuel du Sud de l’Ukraine et de Marioupol aurait été permis par des navires français. Ceci ne permet malheureusement pas d’oublier que cette annulation n’est pas le fait spontané de la France, mais de la pression internationale qu’elle a reçu.
Les immeubles éventrés, la multiplication des morts civiles illustrent, face au « retour à des politiques de puissance de la part de grands États » le besoin d’une vision à plus long terme que celle qui conduit l’industrie française de l’armement. Alors seulement on pourra considérer qu’elle participe à la défense nationale.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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