Ce fut aussi silencieux et pesant qu’une fin d’oraison. Les 442 pages du rapport de la commission Sauvé sur « les violences sexuelles dans l’Église catholique », suivies de 208 pages de témoignages de victimes, ont atterri – se sont écrasées – dans l’actualité de la semaine passée avec le bruit étouffé d’une chute dans la neige. Très vite, la gravité des constats faits par la Commission a été éclipsée dans la sphère médiatique par un débat sur le secret de la confession, opposant le représentant de la conférence des évêques au ministre de l’Intérieur. Utile sujet de détail qui a permis, aussi, de passer rapidement à autre chose.
Le lecteur attentif qui fera l’effort de consulter le rapport Sauvé et ses témoignages ne peut sortir de cette lecture qu’affligé et avec un grand besoin de trouver de l’air frais. C’est presque l’autopsie sociologique de la religion catholique, deux mille ans après que celle-ci a structuré la civilisation occidentale autour de l’enseignement miséricordieux de Jésus. On y voit décrit un monde qui, à partir de 1950, change à une vitesse telle que c’est un « bouleversement des référentiels de jugement […], tant du fait de l’évolution des normes de la société civile que de celui des choix opérés par l’Église catholique elle-même et ses fidèles. »
C’est à cette période où le rôle social de l’Église vole en éclats et où les théories progressistes de « libération » envahissent le monde, que l’éducation catholique s’écroule et que les abus sexuels explosent. Parmi les théories progressistes qui infiltrent le clergé lui-même à la fin des années 1960, celle qui veut que « l’enfant, déjà pleinement une personne, est doté à ce titre d’une sexualité et, par conséquent, apte à poser des choix pour lui-même ». C’est dans cette logique, poursuit le rapport, « qu’ignorante des rapports sociaux d’âge, que s’engouffre un certain ‘mouvement pro-pédophile’ ».
Le rapport dénonce avec la dernière vigueur une église « centrée sur la protection de l’institution, longtemps sans aucun égard pour les personnes victimes » et qui depuis des décennies fait tout pour minimiser l’ampleur et la gravité du phénomène. Il condamne « les dévoiements, les dénaturations et les perversions auxquels ont donné prise la doctrine et les enseignements de l’Église catholique, susceptibles d’avoir favorisé la survenue des violences sexuelles ».
Comment ne pas comprendre une société qui chaque jour s’athéise et rejette l’idée même de Dieu quand ceux qui en France devaient la porter, l’ont trahie : 13 000 paroisses en France et 330 000 victimes d’abus sexuels. Le phénomène est endémique. Le rapport Sauvé va plus loin et décrit des prêtres chez qui « le recours à des termes connotés positivement est tenté, comme pour échapper à la condamnation morale ».
« Le pardon et les excuses aux victimes, très fréquents dans les propos de ces prêtres, sonnent ainsi souvent aux oreilles de l’enquêteur comme des éléments de langage, davantage que comme les signes d’un véritable repentir. Ils procéderaient d’un apprentissage par l’agresseur de ce que ses différents interlocuteurs, judiciaires et thérapeutiques, veulent entendre. La reconnaissance des actes coexiste ainsi avec le rejet de la faute, et cet écart nourrit le sentiment d’un discours du pardon largement formel ».
Qu’il est loin l’évêque de Digne des « Misérables », offrant ses dernières richesses pour racheter l’âme du bagnard Jean Valjean ! La « honte » affichée publiquement par le Pape François après la publication des travaux de la Commission, finirait par passer pour un autre numéro d’acteur quand on sait que les précédents rapports, dans d’autres pays, ont vite été rangés sous la soutane. Tout le respect qu’on doit à la chrétienté dans son ensemble, et en son sein au catholicisme, ne permet plus de garder indemne sa structure politique.
« Je ne veux pas de silence », disait l’une des victimes à la commission Sauvé. Voici pourtant, après quelques jours seulement, ce silence qui retombe, comme si la brève mise en lumière des crimes suffisait à les absoudre. Que devrait conclure le Pape François, qui disait récemment que derrière chaque abus de ce type, il y a Satan ? Peut-être, au vu des chiffres, que Satan a trouvé les clés du Vatican. Si le Christ était présent, il est difficile de l’imaginer traiter le clergé catholique autrement que comme il traitait les marchands du temple.
De manière dramatique, ces abus criminels poussent vers l’athéisme aussi bien les victimes que la société dans son ensemble : « Le rapport des personnes agressées à l’Église en tant qu’institution, ou aux prêtres, a été bouleversé », explique la commission Sauvé. Qui pourrait, en effet, ne pas voir l’opposition entre la bonté du message de Jésus et ces loups cachés sous des toisons d’agneaux ? Ceux-ci, pourtant, n’ont aucune légitimité pour revendiquer un droit d’intermédiation avec le divin. Ils sont tout au plus en train de briser le lien avec Dieu et de créer un monde de déracinés.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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