La semaine du petit monde médiatique a été marquée par la démonétisation des pages internet de France Soir, média accusé depuis longtemps d’avoir un trop grand goût pour les informations non-consensuelles, voire non vérifiées. Si, pour France Soir, « tout le monde mérite d’avoir accès à une information libre, de qualité, dans l’intérêt général de la population », les accusations de désinformation contre le média en ligne vont bon train. Celui-ci a beau affirmer que la manière dont il traite les sujets est « exempte de préjugés ou d’intérêts particuliers » et que « les analyses que nous publions sont réalisées sans crainte des éventuelles pressions de ceux qui ont le pouvoir », ceci n’a pas convaincu : Google a supprimé à France Soir toute possibilité de recevoir des revenus publicitaires.
Plusieurs collègues de la presse écrite supposent que l’action de Google fait suite à une récente émission « Complément d’enquête » sur France 2, dans laquelle le responsable des relations publiques de Google France se fait malmener par l’équipe du magazine, dans un interview scénarisé de manière à laisser penser que Google soutiendrait, pour des raisons bassement financières, les sites dits de « fake news. »
Ce serait donc la pression médiatique plutôt qu’une entorse aux règles qui sous-tendrait cette démonétisation. Le modèle de la presse en ligne étant crucialement dépendant de ces revenus, la décision équivaut à une mise à mort de France Soir. Celle-ci est-elle justifiée ? Elle le serait peut-être en cas d’atteintes graves à l’ordre public, mais on peine à détecter ces risques en visitant le site de ce média. S’il est difficile de tomber d’accord avec tout ce qui y est publié, il l’est tout autant de voir ce qui justifierait de le censurer par asphyxie financière.
Un peu plus tôt dans son émission, Complément d’Enquête reprochait à la start-up Tipeee, spécialisée dans le financement participatif des projets culturels, d’accepter de constituer des cagnottes participatives pour France Soir et autres projets, dont certains effectivement douteux. Les fondateurs ont eu beau expliquer qu’ils n’avaient pas le droit de s’arroger un rôle d’inquisiteurs, et que tout projet respectueux de la loi a le droit de s’exprimer et de chercher les moyens de le faire, ceci n’a pas convaincu : sur son fil twitter, la journaliste de Complément d’Enquête a depuis annoncé boycotter Tipeee. Plusieurs jeunes collègues journalistes la soutiennent en s’indignant que les fabricants de « fake news » génèrent des revenus tandis qu’eux peinent à trouver un emploi stable dans la profession.
Moralement, on peut comprendre leur position : les exemples de sites fabriquant volontairement des fausses informations à « haut potentiel de clic », dans le seul but de faire de l’audience et du revenu sont profondément choquants. Le fondateur de Nord Presse par exemple, explique dans Complément d’Enquête avec une certaine fierté son succès dans la monétisation de la bêtise humaine. Pour autant, les collègues indignés se laissent malheureusement emporter d’un fait réel – l’existence d’escrocs de l’information – à une interprétation quasi-totalitaire selon laquelle seule des informations conformes à leur propre vision du monde auraient le droit d’exister. Une bonne intention de départ – la lutte contre les messages haineux et les manipulateurs d’opinion, se transforme ainsi en un absolutisme de pensée où tout ce qui ne rejoint pas une opinion dite « juste » (la sienne propre) doit être combattu et étouffé. Il y a dans cette attitude, tristement, d’une part le même refus de la diversité et du débat d’idées que celui qu’on retrouve dans l’affreux « wokisme», et d’autre part les biais psychologiques et la vision en tunnel que subissent les victimes des théories du complot.
Il faudra sans doute un jour accepter que, depuis les journalistes de gauche mondialistes jusqu’aux conservateurs localistes, chacun ne lit l’actualité qu’avec le prisme de sa propre subjectivité. C’est ensuite l’éthique et la déontologie professionnelle qui font qu’on est, ou pas, capable de prendre du recul sur sa propre vision des choses, capable ou pas de s’ouvrir à celle des autres, et enfin capable ou pas de reconnaître et corriger les erreurs et excès que provoquent l’émotion et le militantisme.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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