ENTRETIEN – Le verdict est clair. Les Américains ont choisi pour 47e président, le candidat républicain Donald Trump. Un retour magistral et une revanche pour l’ancien homme de téléréalité qui avait été battu par Joe Biden en 2020. Le journaliste spécialiste des États-Unis, Gérald Olivier revient sur ce come-back politique presque unique dans l’histoire de l’Amérique.
Epoch Times – Gérald Olivier, Donald Trump a été élu 47e président des États-Unis. Comment analysez-vous cette victoire nette du candidat républicain alors que les derniers sondages le donnaient au coude-à-coude avec son adversaire démocrate ?
Gérald Olivier – C’est déjà une victoire personnelle extraordinaire, une revanche sur ses adversaires démocrates, les juges, les procureurs, et les journalistes qui ont tout fait pour lui nuire depuis quatre ans. Mais c’est aussi un come-back politique presque unique dans l’histoire de l’Amérique. Le dernier président américain à avoir été élu à deux mandats non consécutifs fut le démocrate Grover Cleveland à la fin du XIXe siècle ! Et il n’était surtout pas aussi controversé que Donald Trump.
Je dirai également, qu’au-delà de la victoire personnelle de Trump, le Parti républicain est l’autre grand gagnant de cette élection : il a en effet pris la Maison-Blanche, le Sénat avec une avance confortable, et il est fort probable qu’il parvienne à conserver une majorité à la Chambre des représentants. Les républicains gagnent sur toute la ligne. C’est une sorte de Grand Chelem !
On assiste à l’émergence d’une Amérique conservatrice que beaucoup de gens détestent, c’est-à-dire des personnes qui ont souvent une surface pour s’exprimer et qui tendent à donner une fausse image des États-Unis.
Je pense que cette élection remet les pendules à l’heure : l’élite progressiste libérale, qui vit d’ailleurs dans les grandes villes et qui est à l’avant-garde de la révolution des valeurs, est confrontée au pays réel, qui travaille, qui a du mal à boucler ses fins de mois et qui va à l’église ou au temple le dimanche. Ce qui constitue en somme, l’Amérique de toujours.
C’est une confrontation de gens déconnectés avec le réel. Et pour une fois, c’est le réel qui l’a emporté. C’est une élection aux conséquences majeures.
Au-delà de ces symboles, derrière le vote Trump, il y a une forme de réalignement. C’est-à-dire que le vote de la classe ouvrière n’est pas allé majoritairement au Parti démocrate. On nous disait aussi que les femmes iraient voter Kamala Harris à cause de la question de l’avortement, ce qui est vrai, mais certainement pas dans les proportions que les démocrates imaginaient.
Par ailleurs, les minorités ethniques, en particulier la minorité noire, n’ont jamais aussi peu voté pour le Parti démocrate. On est loin des 97 % en faveur de Barack Obama. On doit même tomber en dessous des 80 % pour les hommes noirs de moins de 30 ans. Ces derniers ont clairement manifesté leur rejet de la politique d’assistanat du Parti démocrate. Il y a une adhésion à la politique pro-entrepreneuriat, pro-travail, pro-revenus de Donald Trump. C’est une sorte de révolution. Idem pour les Hispaniques qui n’ont jamais autant voté pour le candidat républicain. Nous sommes au-dessus de 40 %. C’est énorme !
Pour la première fois, Donald Trump a remporté le vote populaire. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Cela signifie qu’il a une assise extrêmement étendue. En 2016, il avait réussi à l’emporter grâce aux particularités du système électoral, mais il n’avait pas gagné le vote populaire. En 2020, il avait rassemblé énormément de gens contre lui, à savoir 81 millions d’électeurs qui avaient choisi Joe Biden.
D’ailleurs, cette année, même si tous les bulletins n’ont pas encore été dépouillés, la participation semble plus basse qu’il y a quatre ans !
On est à 15 millions en dessous des chiffres de 2020 alors qu’à l’époque, souvenez-vous, les gens étaient supposés rester chez eux et ne pas pouvoir aller voter en raison de la crise sanitaire.
Pour l’instant, nous sommes retombés au niveau de la participation de 2016. Nous verrons le résultat final.
Lors de sa prise de parole, le républicain a dressé des louanges à Elon Musk. « Nous avons une nouvelle star. Elon. C’est un type incroyable », s’est-il exclamé. Pensez-vous que le milliardaire et président de Tesla ait joué un rôle dans la victoire de Donald Trump ?
Elon Musk a joué un rôle majeur pour attirer l’électorat jeune, et on a vu que ceux de moins de 30 ans ont voté en très grand nombre pour Donald Trump. Il a su les attirer parce que c’est un homme focalisé sur le futur : il a des rêves que certains pourraient considérer comme impossibles ou improbables, notamment celui d’aller sur Mars.
Par ailleurs, ce qui est très intéressant, c’est qu’on nous dit souvent que Donald Trump veut renvoyer l’Amérique à un passé idéalisé qu’elle ne pourra jamais retrouver, alors qu’il a derrière lui des gens comme le fondateur de Space X qui se projettent dans l’avenir.
En plus, Elon Musk a un talent scientifique tout à fait extraordinaire. Pour moi, il va jouer un rôle clé dans la futur administration Trump.
Est-ce une défaite historique pour Kamala Harris et les démocrates ?
Ce n’est pas historique parce que la défaite n’est pas honteuse, mais il est clair que sa campagne a été mauvaise. Elle n’a jamais réussi à convaincre et s’est bercée d’illusions. L’une des nombreuses leçons de cette campagne, c’est que la franchise et l’authenticité payent plus que les phrases vides. Kamala Harris s’est toujours refusée à parler franchement de ce qu’elle ferait au pouvoir. D’ailleurs, je ne sais même pas si elle savait ce qu’elle allait faire. Elle n’avait pas du tout de vision ni de programme à imposer comme Trump.
Son problème est qu’elle est une progressiste de la côte Ouest, avec des idées bien à gauche, et si elle s’était présentée devant le peuple américain avec ces positionnements, elle n’aurait eu aucune chance d’être élue et aurait sans doute réaliser un score inférieur à celui qu’elle a fait.
Ainsi, pour ne pas se révéler telle qu’elle est, la candidate démocrate s’est inventée un personnage. Mais, elle n’a jamais été capable de l’incarner tout simplement parce que ce n’est pas elle. In fine, elle n’a pas été en mesure de répondre de manière précise à des questions concrètes. Nous pouvons d’ailleurs reprocher aux médias, autres perdants de ce scrutin, d’avoir trop longtemps joué le jeu avec la candidate.
Maintenant, même si la défaite de Kamala Harris n’est pas historique en termes de chiffres, je crains que son avenir politique soit compromis. En me penchant sur les précédents scrutins présidentiels, je constate que tous les Vice-Présidents sortants candidats, que ce soit Al Gore en 2000, Walter Mondale en 1984 ou Hubert Humphrey en 1968, se sont retirés de la vie politique après leur défaite.
En plus, elle avait déjà été candidate à la primaire démocrate en 2020, sans succès. Je ne pense pas qu’elle portera les couleurs du parti dans quatre ans.
Que vont devoir faire les démocrates pour les prochaines échéances électorales ?
Ils vont déjà devoir se redéfinir. En perdant l’élection, le Parti démocrate a explosé. Cette explosion est notamment due à sa triple identité. C’est-à-dire qu’il prétend toujours être le défenseur des classes moyennes et populaires, mais ce n’est plus le cas. En réalité, il est le parti de certains syndicats au sein de corporations, qui sont d’ailleurs, même aux États-Unis, très minoritaires.
Le Parti démocrate est également le mouvement politique des élites urbaines, intellectuelles, et des gens issus des universités qui gagnent énormément d’argent (architectes, avocats, médecins, chirurgiens, élite médiatique etc).
Je dirai aussi qu’il est le parti du sous-prolétariat urbain : une partie de la population qui dépend de l’assistance du gouvernement et qui va toujours voter pour lui parce qu’il lui permet de vivoter.
À cela, s’ajoutent les minorités ethniques et sexuelles qui se retrouvent pour la plupart d’entre elles dans les élites urbaines, et pour certaines minorités ethniques, dans le sous-prolétariat urbain. Mais cette coalition n’est plus gagnante aujourd’hui. Les classes moyennes, historiquement démocrates, se sont tournées vers le candidat républicain.
Donald Trump a su récupérer ce ressentiment de cette classe moyenne blanche, déclassée économiquement, marginalisée sur le plan culturel, et surtout méprisée par ses élites.
D’ailleurs, la semaine dernière, Joe Biden a qualifié les électeurs de Trump d’« ordures ». Sa parole a dépassé sa pensée, mais elle a clairement exprimé ce qu’il pense de ces gens-là.
Il y a 20 ans, Barack Obama disait déjà que les électeurs républicains étaient des gens amers, accrochés à leur fusil et leur religion. En 2016, Hillary Clinton a dit qu’ils étaient « déplorables ». Ces trois ténors démocrates n’ont cessé d’afficher leur mépris à l’égard de ces électeurs, et aujourd’hui, ils en payent le prix.
Désormais, le Parti républicain a une base extrêmement importante qui s’exprime par la victoire au Congrès, à travers le succès au vote populaire et qui pourrait d’ailleurs faire gagner le prochain candidat républicain à l’élection présidentielle de 2028.
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