ENTRETIEN – Le géopolitologue et fondateur du Monde Décrypté, Gérard Vespierre livre son regard sur la victoire de Donald Trump.
Epoch Times : Le candidat républicain Donald Trump a remporté l’élection présidentielle face à la démocrate Kamala Harris. Êtes-vous surpris par le retour du milliardaire à la Maison-Blanche ?
Gérard Vespierre : On ne peut qu’être surpris par ce résultat, d’autant plus que le succès de Donald Trump est total. Pour la première fois, il a remporté la majorité des grands électeurs et le vote populaire. Ce qui n’avait pas été le cas en 2020, et même en 2016 ! À l’époque, le candidat républicain avait été élu avec 2.7 millions de voix de moins qu’Hillary Clinton. C’est donc une double performance pour le milliardaire.
Par ailleurs, cette élection est un triomphe pour le Parti républicain. Selon les dernières projections disponibles, il a gagné la majorité des sièges au Sénat et devrait également remporter la Chambre des représentants.
Je pense que les Américains n’ont pas tenu compte du passif de Donald Trump, notamment les multiples procès et les événements du 6 janvier 2021. Toute cette structure rationnelle n’a pas fait le poids devant la communication extrêmement bien rodée du candidat ainsi que sa pugnacité.
C’est un très grand communicant, il renverse le rapport avec les électeurs, c’est-à-dire qu’il ne se présente pas devant eux en avançant telle idée ou telle proposition, mais en leur demandant pratiquement ce qu’ils attendent de lui pour qu’il puisse, à la fin, obtenir leur voix. Il ne promet pas ce qu’il pense faire, mais promet de faire ce que les gens attendent. Une stratégie d’une redoutable efficacité qui lui a permis d’effacer son passif depuis 2020.
N’oublions pas également la dimension psychologique : c’est un homme qui se réveille tous les matins pour gagner, il ne pense qu’à ça.
Comment expliquez-vous le faible score de la candidate démocrate ? C’est une personnalité qui a un parcours politique derrière elle. Elle est l’actuelle vice-présidente de Joe Biden.
Quand vous êtes vice-président aux États-Unis, vous restez dans l’ombre du « commander in chief ». Cette fonction a d’ailleurs été créée au cas où il arriverait quelque chose à ce dernier. Les vice-présidents sont, certes, informés de tout, mais ils n’ont pas de vie publique. Leur plus grande responsabilité est sans doute d’être « à la tête » de la NASA. En effet, l’administrateur de cette agence fédérale dépend du vice-président. En dehors de cette tâche, ils n’ont pas de rôle particulier.
Par ailleurs, la désormais ex-candidate démocrate vient du secteur judiciaire. Elle n’a pas occupé pendant des dizaines d’années des postes au Congrès et n’a pas rayonné au sein de son parti. Kamala Harris n’a donc pas un grand parcours politique derrière elle.
Malheureusement, au cours de la campagne, elle n’a pas été non plus en mesure de dégager un programme clair face à celui de son adversaire républicain. Et puis, Donald Trump est entré en campagne bien avant elle, avec l’expérience des deux élections précédentes. Cela faisait donc beaucoup de handicaps pour la démocrate !
Après, on peut s’étonner que les instituts de sondages aient pronostiqué des résultats très incertains et serrés. Mais comme j’ai eu l’occasion de le dire quelques heures avant la diffusion des résultats, il n’est pas impossible qu’au regard du nombre de segments de la population américaine (jeunes, femmes, Afro-américains, latinos…) le vecteur se déplace à la fin en faveur d’un seul candidat, et que nous nous retrouvions devant des résultats rapides avec des écarts importants. Finalement, c’est ce qu’il s’est passé.
Emmanuel Macron et Ursula Von der Leyen ont félicité Donald Trump pour son élection. Qu’implique-t-elle pour l’Europe ?
Maintenant, l’Europe doit s’attendre à des pressions militaires, diplomatiques et économiques. Il est assez consternant d’entendre certains experts relier le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche à l’isolationnisme, alors que nous sommes devant une stratégie de domination accrue des États-Unis.
Washington ne compte d’ailleurs fermer aucune de ses 105 bases militaires à l’étranger, de détruire son réseau de satellites qui observe en permanence le monde, ou encore de supprimer ses investissements gigantesques en Europe qui existent depuis 80 ans. Il faut s’attendre à une détermination conquérante des États-Unis en leur faveur.
De leur côté, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu ont également félicité le républicain pour sa victoire. Le retour de Donald Trump va-t-il réellement changer la donne pour l’Ukraine ? Et quid du Moyen-Orient ?
Pour l’Ukraine, il y aura très certainement des changements. Donald Trump s’est engagé à régler le conflit très rapidement. Nous nous dirigeons vers le chemin des négociations de paix.
Cependant, les Américains ont aussi des intérêts économiques, stratégiques et militaires en Europe, plus particulièrement en Europe de l’Est. Ainsi, faire cesser les combats entre Kiev et Moscou, ne veut pas dire que Washington va baisser la garde !
D’ailleurs, pour aboutir à un cessez-le-feu, il faut que l’autre partie soit d’accord. Je rappelle que l’objectif russe le 24 février 2022 était très clair : il s’agissait de prendre le contrôle de l’entièreté du territoire ukrainien. Celui-ci est toujours d’actualité même si les troupes du Kremlin n’y sont pas parvenues. Le cessez-le-feu n’est pas évident puisqu’il nécessite que la Russie abandonne cet objectif.
Concernant le Moyen-Orient, il ne faut pas aller trop vite en besogne et ne pas confondre l’élection d’un homme et la politique d’un pays, surtout celle de la première puissance mondiale.
Pour filer la métaphore, l’Amérique est comme un immense navire. Elle avance lentement et changer le cap nécessite beaucoup de temps. Il y a des stratégies qui sont mises en place au nom des États-Unis et non pas au nom d’un homme. Ce sont à la fois le Pentagone et le département d’État qui formalisent et mettent en œuvre la diplomatie américaine.
Ce n’est pas un homme qui va changer un cours. J’en veux pour preuve le fait que l’administration Biden n’ait pas nié les accords d’Abraham lancés par Donald Trump lors de son premier mandat. Il y a eu un continuum, et d’ailleurs, l’administration « Trump II » va poursuivre des politiques entamées par les démocrates en ayant pour objectif de faire cesser les combats qui durent depuis un an, entre Tsahal et le Hamas.
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