Les Bélarusses votaient dimanche dans une élection présidentielle opposant l’autoritaire Alexandre Loukachenko à une jeune candidate inattendue qui a mobilisé les foules malgré la répression, le président promettant de ne pas « perdre le contrôle » de la situation.
Le scrutin de dimanche, prévu jusqu’à 20H00 (17H00 GMT), a été précédé d’un vote anticipé, dénoncé par l’opposition comme favorisant les fraudes. A 12H00, les autorités faisaient part d’une participation de 50,3%.
« Personne n’autorisera une perte de contrôle », a promis le président Loukachenko après avoir glissé son bulletin dans l’urne, affirmant qu’il n’y avait « aucune raison » que le pays soit plongé « dans le chaos ».
Qui est Svetlana #Tikhanovskaïa cette mère au foyer qui aujourd’hui défie Alexandre Loukachenko, l’homme fort de la #Biélorussie? #vidéo
— Maurice Martin ♦️ (@MauriceMartin01) August 9, 2020
Le pouvoir bélarusse a redoublé d’efforts pour enrayer l’essor de Svetlana Tikhanovskaïa, arrêtant samedi des manifestants et la cheffe de son QG de campagne, interpellant brièvement le même jour une alliée de l’opposante et dénonçant un complot fomenté par l’opposition et des mercenaires russes.
Quitte son appartement samedi pour des raisons de sécurité
Mais Svetlana Tikhanovskaïa, enseignante d’anglais de formation de 37 ans, a tenu bon malgré la « peur » quotidienne, a-t-elle confié à l’AFP vendredi. Selon des médias russes et locaux, elle a a quitté son appartement samedi pour raisons de sécurité.
Dimanche, des partisans de l’opposition votaient munis de bracelets blancs, en signe de reconnaissance à la demande de Mme Tikhanovskaïa qui les a invités à envoyer des photos de leurs bulletins afin d’organiser un comptage indépendant.
A Minsk, les mesures de sécurité ont été renforcées, des contrôles de police mis en place et la circulation limitée, tandis que des véhicules blindés et des militaires ont été déployés.
L’accès à internet a également été fortement limité, rendant impossible l’utilisation de certains réseaux sociaux, de messageries et la consultation de sites d’informations proches de l’opposition, mais aussi du site de la commission électorale.
Programmateur constate des fraudes
Artiom, programmateur de 33 ans, affirme à l’AFP avoir constaté des fraudes: « dans mon bureau de vote, il y a une participation de près de 100% (…) je ne sais pas comment c’est possible ».
« Je pense que les gens sont fatigués de ce marasme. De cette litanie sans fin de bons mots à la télé, de la propagande », se plaint Alexandre, ouvrier de 47 ans.
Cette photo n’est pas tirée d’une série américaine. Ce sont 3 femmes qui peuvent incarner le changement au #Bélarus.#election #Lukashenko #Minsk pic.twitter.com/fLaSCsUTqN
— Antoine (@Presqueprsiden1) August 6, 2020
« Réveillons-nous dans un nouveau pays! », a lancé Mme Tikhonovskaïa à ses partisans samedi.
Elle affirme ne pas avoir d’illusions quant au résultat, dénonçant des « fraudes éhontées », d’autant que le nombre d’observateurs indépendants a été réduit au minimum.
Appel à un scrutin « libre et équitable »
Se disant « inquiets », plusieurs pays européens ont appelé à un scrutin « libre et équitable ».
Les résultats doivent être annoncés dans la nuit ou lundi.
Des manifestations de détracteurs du pouvoir ne sont pas à exclure, si l’opposition juge le scrutin falsifié. M. Loukachenko a clairement laissé entendre qu’il n’hésiterait pas à les disperser.
Interrogé par l’AFP à Minsk, Vadim, un ingénieur de 37 ans, prévoit que « tout va mal se passer, il y aura un resserrement des vis, un effondrement économique, des sanctions, une non-reconnaissance des élections par les organisations internationales ».
⚪️?⚪️ Aujourd’hui se déroule l’élection présidentielle au Bélarus. Seule certitude: la victoire truquée de Lukashenka. Pour le reste, advienne que pourra.
Quelques éléments de contextualisation? pic.twitter.com/iWllIVck43
— Romain LE QUINIOU (@rlequiniou) August 9, 2020
Le procureur général, Alexandre Koniouk, a pour sa part demandé aux électeurs d’être « raisonnables » et de ne pas participer à des manifestations non autorisées.
Avant l’émergence surprise de Mme Tikhanovskaïa, M. Loukachenko, un ex-directeur de sovkhoze de 65 ans, a éliminé ses principaux concurrents: deux d’entre eux sont incarcérés, un troisième est en exil.
Trois femmes fortes
Trois autres candidats sont en lice, mais aucun n’a su mobiliser.
Svetlana Tikhanovskaïa a remplacé au pied levé son mari, Sergueï Tikhanovski, un blogueur incarcéré en mai alors qu’il faisait campagne.
#Bielorussie ?? À deux jours d’une élection présidentielle inédite, l’autocrate Alexandre #Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, n’est plus assuré de conserver son poste.
Face à lui, trois candidates, dont la très populaire Svetlana #Tikhanovskaïa, ne cessent de gagner du terrain pic.twitter.com/q7GNQWwRSl
— FRANCE 24 Français (@France24_fr) August 7, 2020
Qualifiée de « pauvre nana » par M. Loukachenko, elle a réussi à rassembler alors que le Bélarus n’a jamais vu émerger d’opposition unie et structurée.
Pour cela, Mme Tikhanovskaïa s’est alliée à Veronika Tsepkalo, compagne d’un opposant exilé, et Maria Kolesnikova, directrice de campagne de Viktor Babaryko, ex-banquier emprisonné alors qu’il souhaitait se présenter.
Le temps de libérer « les prisonniers politiques »
En cas de victoire, elle a promis de ne rester au pouvoir que le temps de libérer « les prisonniers politiques » et d’organiser une réforme constitutionnelle et de nouvelles élections.
Le Bélarus n’a pas organisé de scrutin jugé libre depuis 1995. A plusieurs reprises, les manifestations y ont été matées par la force et de lourdes peines d’emprisonnement. Pour cette présidentielle, Minsk n’a pas invité d’observateurs de l’OSCE, première depuis 2001.
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