Élections professionnelles : la Coordination rurale veut « renverser le pouvoir de la FNSEA » grâce à sa stratégie de l’escalade

Par Epoch Times avec AFP
21 novembre 2024 16:45 Mis à jour: 21 novembre 2024 16:46

La Coordination rurale (CR), deuxième syndicat agricole, entend bien ravir « un maximum » de chambres d’agriculture à la FNSEA majoritaire lors des élections professionnelles de janvier : pour cela, elle assume une stratégie de l’escalade, de son congrès aux actions coup de poing du terrain.

« La finalité de cette mobilisation, c’est de récupérer un maximum de chambres et d’avoir du pouvoir à Paris, de peser dans la prise de décision », a dit à l’AFP Amélie Rebière, présidente de la CR en Corrèze et troisième vice-présidente nationale du syndicat.

Les élections professionnelles, auxquelles moins d’un agriculteur sur deux avait participé en 2019, détermineront la gouvernance des chambres d’agriculture – qui représentent les intérêts agricoles auprès des pouvoirs publics – et le financement public dévolu aux syndicats.

Un scrutin crucial pour le syndicat qui dirige aujourd’hui trois chambres d’agriculture (Lot-et-Garonne, Vienne et Haute-Vienne) et estime pouvoir en « prendre 15 à 20 » supplémentaires, selon Lionel Candelon, éleveur de canards et président de la CR dans le Gers, qu’il voit basculer.

« Mieux vaut mourir pendu sur la place publique que pendu dans nos fermes »

La stratégie de la CR est l’inverse de celle de son rival de la FNSEA : le syndicat majoritaire prône des actions d’abord symboliques, partout en France, une façon de montrer sa capacité à mobiliser sur l’ensemble du territoire, tout en contrôle ; la CR, moins ancrée, où l’autonomie des sections prime lors des actions de terrain, compte frapper les esprits par des coups d’éclat.

Certains sont prêts à aller loin. « Mieux vaut mourir pendu sur la place publique que pendu dans nos fermes », a déclaré Jean-Baptiste Bourin, manifestant dans les Ardennes.

Dans leur fief du Sud-Ouest, les « bonnets jaunes » ont affirmé vouloir « provoquer le chaos » pour se faire entendre, avec un barrage filtrant à la frontière espagnole puis des blocages de centrales d’achat et du port de commerce de Bordeaux.

Des membres de la Coordination Rurale assis sur un pneu de tracteur devant le barrage autoroutier de nuit sur l’autoroute A9 au péage du Boulou dans le département des Pyrénées-Orientales, le 19 novembre 2024. Des agriculteurs opposés à l’accord du MERCOSUR ont décidé de bloquer les camions en provenance d’Espagne vers la France à la frontière française pendant 3 jours. (Photo JC MILHET/Hans Lucas/AFP via Getty Images)

À Chasseneuil-du-Poitou, dans la Vienne, au 31e congrès du syndicat né d’une scission de la FNSEA après des désaccords sur la Politique agricole commune (PAC) de 1992, le mot d’ordre était clair : « Organisez-vous pour renverser le pouvoir de la FNSEA ! », avait lancé mardi Christian Convers, secrétaire général du syndicat.

« En un an, tout a changé », a-t-il dit, rappelant le chemin parcouru : le président de la République Emmanuel Macron « humilié au Salon de l’agriculture », le convoi lancé pour bloquer Rungis, le grand marché de frais alimentant l’Île-de-France, l’occupation de l’Arc de Triomphe à Paris…

Un « agricide » : 100.000 fermes disparues en dix ans

Monté sur l’estrade sur l’air de « Eye of the Tiger » composé pour le film « Rocky », hymne à la résilience d’un boxeur qui revient de l’enfer pour gagner, il a désigné l’ennemi, fustigeant la « co-gestion » de l’agriculture entre FNSEA et gouvernement, qui n’a eu comme conséquence, selon lui, que la disparition de 100.000 fermes en dix ans en France.

Un « agricide », selon le syndicat, qui défend une « exception agriculturelle » française dans un pays de traditions, avec une majorité de petits exploitants qu’il estime broyés par le libre-échange.

Le combat est existentiel pour sa présidente Véronique Le Floc’h, qui a adopté mercredi le ton martial de ses troupes, appelant en clôture du congrès à « gagner le dernier assaut » lancé. « S’il faut nous monterons jusqu’à l’Élysée, nous n’avons plus rien à perdre », a-t-elle ajouté, avec un grand sourire.

Interrogée sur la suite du mouvement, elle avait prévenu auparavant qu’il n’y aurait « pas de pause », se démarquant à nouveau de la FNSEA qui a prévu une trêve à Noël. Pas de pause non plus sur les réseaux sociaux, où pas un jour ne passe sans un tweet hostile à la FNSEA.

Une stratégie de l’escalade payante selon un ancien président de chambre, qui assume « le ménage » fait au sein du syndicat, avec l’éviction des « tièdes », au profit d’une ligne dure tenue par le président de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne Serge Bousquet-Cassagne. Cette figure locale, qui a affiché son vote pour le Rassemblement national aux législatives, revendique « 18 procès en 30 ans ».

Le syndicat se voit progresser surtout en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, avec un mode d’action qui séduit les jeunes « déçus » par l’alliance FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA).

Des membres de la Coordination Rurale de Gironde (CR 33) déchargent des déchets devant la Mutualité sociale agricole (MSA) au deuxième jour d’une manifestation nationale contre l’accord UE-Mercosur, à Bordeaux, le 19 novembre 2024. (Photo PHILIPPE LOPEZ/AFP via Getty Images)

En Gironde, des membres des JA ont rejoint mercredi les troupes aux bonnets jaunes sur un blocage de centrale d’achat : « C’est mal vu, on me considère un peu comme un collabo », a dit l’un d’eux à l’AFP. « Mais on est agriculteurs avant tout. »

Jeudi sur le port de Bordeaux, certains manifestants regrettaient la division syndicale. « On est obligé de faire brûler des pneus pour qu’on s’intéresse à nous », lâchait, amer, un bonnet jaune anonyme.

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