La Coordination rurale (CR), deuxième syndicat agricole, entend bien ravir « un maximum » de chambres d’agriculture à la FNSEA majoritaire lors des élections professionnelles de janvier : pour cela, elle assume une stratégie de l’escalade, de son congrès aux actions coup de poing du terrain.
« La finalité de cette mobilisation, c’est de récupérer un maximum de chambres et d’avoir du pouvoir à Paris, de peser dans la prise de décision », a dit à l’AFP Amélie Rebière, présidente de la CR en Corrèze et troisième vice-présidente nationale du syndicat.
Les élections professionnelles, auxquelles moins d’un agriculteur sur deux avait participé en 2019, détermineront la gouvernance des chambres d’agriculture – qui représentent les intérêts agricoles auprès des pouvoirs publics – et le financement public dévolu aux syndicats.
Un scrutin crucial pour le syndicat qui dirige aujourd’hui trois chambres d’agriculture (Lot-et-Garonne, Vienne et Haute-Vienne) et estime pouvoir en « prendre 15 à 20 » supplémentaires, selon Lionel Candelon, éleveur de canards et président de la CR dans le Gers, qu’il voit basculer.
« Mieux vaut mourir pendu sur la place publique que pendu dans nos fermes »
La stratégie de la CR est l’inverse de celle de son rival de la FNSEA : le syndicat majoritaire prône des actions d’abord symboliques, partout en France, une façon de montrer sa capacité à mobiliser sur l’ensemble du territoire, tout en contrôle ; la CR, moins ancrée, où l’autonomie des sections prime lors des actions de terrain, compte frapper les esprits par des coups d’éclat.
Certains sont prêts à aller loin. « Mieux vaut mourir pendu sur la place publique que pendu dans nos fermes », a déclaré Jean-Baptiste Bourin, manifestant dans les Ardennes.
Dans leur fief du Sud-Ouest, les « bonnets jaunes » ont affirmé vouloir « provoquer le chaos » pour se faire entendre, avec un barrage filtrant à la frontière espagnole puis des blocages de centrales d’achat et du port de commerce de Bordeaux.
À Chasseneuil-du-Poitou, dans la Vienne, au 31e congrès du syndicat né d’une scission de la FNSEA après des désaccords sur la Politique agricole commune (PAC) de 1992, le mot d’ordre était clair : « Organisez-vous pour renverser le pouvoir de la FNSEA ! », avait lancé mardi Christian Convers, secrétaire général du syndicat.
« En un an, tout a changé », a-t-il dit, rappelant le chemin parcouru : le président de la République Emmanuel Macron « humilié au Salon de l’agriculture », le convoi lancé pour bloquer Rungis, le grand marché de frais alimentant l’Île-de-France, l’occupation de l’Arc de Triomphe à Paris…
Un « agricide » : 100.000 fermes disparues en dix ans
Monté sur l’estrade sur l’air de « Eye of the Tiger » composé pour le film « Rocky », hymne à la résilience d’un boxeur qui revient de l’enfer pour gagner, il a désigné l’ennemi, fustigeant la « co-gestion » de l’agriculture entre FNSEA et gouvernement, qui n’a eu comme conséquence, selon lui, que la disparition de 100.000 fermes en dix ans en France.
Un « agricide », selon le syndicat, qui défend une « exception agriculturelle » française dans un pays de traditions, avec une majorité de petits exploitants qu’il estime broyés par le libre-échange.
Le combat est existentiel pour sa présidente Véronique Le Floc’h, qui a adopté mercredi le ton martial de ses troupes, appelant en clôture du congrès à « gagner le dernier assaut » lancé. « S’il faut nous monterons jusqu’à l’Élysée, nous n’avons plus rien à perdre », a-t-elle ajouté, avec un grand sourire.
Interrogée sur la suite du mouvement, elle avait prévenu auparavant qu’il n’y aurait « pas de pause », se démarquant à nouveau de la FNSEA qui a prévu une trêve à Noël. Pas de pause non plus sur les réseaux sociaux, où pas un jour ne passe sans un tweet hostile à la FNSEA.
Une stratégie de l’escalade payante selon un ancien président de chambre, qui assume « le ménage » fait au sein du syndicat, avec l’éviction des « tièdes », au profit d’une ligne dure tenue par le président de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne Serge Bousquet-Cassagne. Cette figure locale, qui a affiché son vote pour le Rassemblement national aux législatives, revendique « 18 procès en 30 ans ».
Le syndicat se voit progresser surtout en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, avec un mode d’action qui séduit les jeunes « déçus » par l’alliance FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA).
En Gironde, des membres des JA ont rejoint mercredi les troupes aux bonnets jaunes sur un blocage de centrale d’achat : « C’est mal vu, on me considère un peu comme un collabo », a dit l’un d’eux à l’AFP. « Mais on est agriculteurs avant tout. »
Jeudi sur le port de Bordeaux, certains manifestants regrettaient la division syndicale. « On est obligé de faire brûler des pneus pour qu’on s’intéresse à nous », lâchait, amer, un bonnet jaune anonyme.
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