Trois jours après le second tour des législatives, le président de la République a demandé, au nom de l’intérêt supérieur de la Nation, aux « forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines » de former une « majorité solide » afin qu’il puisse décider la nomination d’un premier ministre.
Dans une lettre aux Français publiée dans la presse quotidienne régionale, Emmanuel Macron estime qu’aucun parti n’a emporté les élections législatives mais que les Français avaient cependant “clairement” refusé que le RN accède au Gouvernement. Reste, selon lui, à « inventer une nouvelle culture politique » face à la coexistence inédite de trois blocs dans l’hémicycle.
En déplacement à Washington pour un sommet de l’OTAN, le Président a appelé les partis à se donner « un peu de temps » pour se mettre d’accord autour de « quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible ».
Du côté des oppositions, on reproche à Emmanuel Macron de pointer un blocage institutionnel qu’il a lui-même contribué à créer.
À propos de l’intérêt supérieur de la Nation
Selon l’article 410-1 du code pénal, les intérêts fondamentaux de la Nation concernent son indépendance, l’intégrité de son territoire, sa sécurité, la forme républicaine de ses institutions, les moyens de sa défense et de sa diplomatie, la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et les éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel.
L’intérêt supérieur de la Nation, Nicolas Sarkozy en parlait lors d’une conférence aux médias en juin 2011, pour expliquer les efforts budgétaires nécessaires pour résorber la dette et couper dans les dépenses publiques.
Expression reprise également, il y a deux mois, par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire lors de sa présentation devant le Sénat de son programme de rétablissement des finances publiques, envoyé par le Gouvernement à la Commission européenne.
Une fin de non recevoir du NFP et du RN
« Le président de la République doit respecter son devoir de républicain, respecter le suffrage universel et respecter le vote des Français », a répondu le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, réagissant à la lettre du Président. « C’est le retour du droit de veto royal sur le suffrage universel […] C’est le retour des intrigues de la IVe République », a dénoncé le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
Marine Le Pen s’est insurgée contre le « bourbier » consécutif aux législatives anticipées. La lettre aux Français du Président? Un « cirque indigne », a-t-elle commenté. « Emmanuel Macron propose de faire barrage à LFI qu’il a contribué à faire élire il y a trois jours et grâce à qui les députés Renaissance ont été élus, il y a également trois jours ».
Jordan Bardella a pour sa part estimé que le chef de l’État « organise la paralysie du pays en positionnant l’extrême gauche aux portes du pouvoir, après d’indignes arrangements », l’eurodéputé estimant « irresponsable » que « son message (soit) désormais : ‘Débrouillez-vous’ ».
Les dernières tractations pour sortir du blocage institutionnel
Cette prise de parole intervient au moment où le camp présidentiel se démène à l’Assemblée nationale pour dégager une majorité. Les macronistes tentent de convaincre que le Nouveau Front populaire, arrivé en tête des législatives mais dont un hypothétique gouvernement serait frappé d’une motion de censure immédiate de la part de la droite.
Dans un communiqué, les députés Renaissance ont ainsi plaidé pour « des alliances programmatiques » au sein d’une « coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement » – sans LFI. Mais plusieurs lignes se chevauchent au sein des rangs macronistes sur la stratégie à adopter.
Certains, menés notamment par Gérald Darmanin, regardent à droite pour trouver des alliés. Il rejoint la position de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, qui plaide pour la signature d’un « accord technique » avec Les Républicains, en vue « d’avancer et de gérer les affaires du pays pendant au moins un an ». Le président du groupe Horizons à l’Assemblée, Laurent Marcangeli, a évoqué un gouvernement « le plus large possible, qui partirait des LR pour aller jusqu’aux sociaux-démocrates […], voire le Parti communiste et les écologistes ».
Désaccord de François Bayrou, pour qui « on ne peut faire un gouvernement d’union nationale avec un seul camp » et qui plaide pour nommer d’abord un Premier ministre consensuel pour faire ensuite des coalitions.
Au sein de l’aile gauche Renaissance, on voit plus large. Sacha Houlié, ex-président de la commission des Lois, a annoncé qu’il ne « siégera pas » au groupe, préférant tenter d’en créer un « qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste ». Au moins « quarante » députés macronistes ne se sont pas encore rattachés au futur groupe Renaissance à l’Assemblée – dont, selon plusieurs sources, l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, l’ex-ministre Stéphane Travert, la ministre Agnès Pannier-Runacher ou encore la députée Stella Dupont, suivraient cette ligne.
En interne, le NFP bataille entre ses deux principales composantes, des Insoumis à peu près stables entre 70 et 80 élus, et un PS revigoré qui espère faire jeu égal avec de nouveaux ralliements pour proposer un chef de gouvernement issu de ses rangs, par exemple son premier secrétaire Olivier Faure. Marine Tondelier a estimé, quant à elle, que « la logique institutionnelle dicte d’appeler les chefs de parti du NFP » afin qu’ils lui proposent le « nom d’un Premier ministre ».
Le président du groupe LR à l’Assemblée, rebaptisé « Droite républicaine », Laurent Wauquiez a indiqué que « nous ne participerons pas à des coalitions gouvernementales ». Cependant, il n’écarte pas un « pacte législatif » pour la « revalorisation de la France qui travaille ».
Les Français massivement « insatisfaits » par les législatives
Sept Français sur dix se disent insatisfaits de la nouvelle composition de l’Assemblée nationale, 65% d’entre eux estimant que la décision de dissoudre la chambre basse fut finalement « mauvaise », selon un sondage Elabe pour BFMTV paru le 10 juillet.
Après les résultats de dimanche qui ont mis en évidence trois blocs – alliance de gauche, macronie, RN – dans le nouvel hémicycle, 74% des personnes interrogées considèrent que le pays est ingouvernable.
À propos des contours des coalitions qui pourraient diriger le pays, une alliance entre la macronie, les partis de gauche – PS, PCF, EELV, mais sans LFI – et Les Républicains est plébiscitée par 39 % des Français. Une alliance entre macronie et LR, sans personnalités de gauche, arrive en seconde position (34 %), suivie d’un gouvernement « exclusivement de personnalités de gauche », y compris insoumises (30 %). Une coalition entre le camp présidentiel et l’ensemble du NFP – LFI compris – mais sans LR est réclamée par 25 % des Français, enfin, une coalition comprenant l’ensemble du NFP, la macronie et LR est vue favorablement par 24 % des sondés.
Parmi les personnalités pour s’installer à Matignon, le sortant Gabriel Attal recueille le plus d’approbation (38 %), suivi de Jordan Bardella (35 %), Raphaël Glucksmann (31 %), François Ruffin (26 %), Olivier Faure (24 %) et François Bayrou (24 %), même si l’on se dirige plutôt vers un Premier ministre technique et apolitique.
Le maintien du Gouvernement un « certain temps »
Dans sa lettre aux Français, le Président laisse également entendre que le gouvernement de Gabriel Attal, dont il a demandé le maintien, sera prochainement « en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine ».
Une hypothèse, évoquée selon plusieurs sources par Emmanuel Moulin le directeur de cabinet du Premier ministre, serait que le gouvernement Attal démissionne au plus tard le 17 juillet, potentiellement après un dernier Conseil des ministres.
Emmanuel Macron pourrait décider de maintenir ce gouvernement un « certain temps » pour qu’il expédie « les affaires courantes », notamment pendant les JO, pour se donner ensuite rendez-vous en septembre au Parlement pour le vote du budget.
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