Le Président français Emmanuel Macron et le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane, demandent de « mettre rapidement un terme à la vacance politique » au Liban, a indiqué vendredi soir l’Élysée après une rencontre entre les deux dirigeants où la guerre en Ukraine a aussi été abordée.
Emmanuel Macron a accueilli pour un déjeuner de travail, « MBS », surnom du jeune (37 ans) dirigeant de facto du riche royaume pétrolier. Après le nouvel échec du Parlement libanais à élire un président, la situation du pays du Cèdre, où Ryad conserve une influence cruciale, a été au centre des discussions.
Volonté d’un « apaisement durable des tensions » au Liban
L’absence de président depuis huit mois, « reste l’obstacle majeur à une résolution de la sévère crise socio-économique » du Liban, a relevé la présidence française dans un communiqué publié à l’issue de la rencontre.
Emmanuel Macron et le prince saoudien ont également rappelé « leur attachement partagé en faveur de la sécurité et de la stabilité au Proche et Moyen-Orient » et « marqué leur volonté de poursuivre leurs efforts conjoints en faveur d’un apaisement durable des tensions », a ajouté la présidence française. Il s’agit de la deuxième visite du prince, après celle de juillet 2022, qui avait suscité l’indignation des défenseurs des droits humains et de la gauche française.
MBS revenait alors à Paris pour la première fois depuis l’assassinat en 2018 en Turquie du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, imputé au prince héritier notamment par le renseignement américain, et qui lui vaut une réputation sulfureuse en Occident. La question de l’Ukraine a aussi été abordée vendredi alors qu’Emmanuel Macron tente de convaincre les pays émergents de condamner l’invasion russe. Le président français a exprimé au prince saoudien « sa profonde préoccupation face à la guerre d’agression de la Russie (…), son impact désastreux sur les populations civiles et ses répercussions sur la sécurité alimentaire », a indiqué l’Élysée.
Sur le plan bilatéral, la France est disposée à aider l’Arabie Saoudite « dans le renforcement de ses capacités de défense » et les entreprises françaises souhaitent « continuer de l’accompagner dans la mise en œuvre de son ambitieuse Vision 2030 », un vaste programme de réformes, a-t-on ajouté.
« Un contexte international et moyen-oriental mouvant »
« La rencontre est importante pour les deux côtés dans un contexte international et moyen-oriental mouvant », souligne Ziad Majed, professeur à l’université américaine de Paris. La France, « seul acteur occidental qui préserve des liens avec l’Iran tout en étant un allié des monarchies du Golfe », s’efforce « depuis un moment » de revenir sur la scène moyen-orientale, explique-t-il à l’AFP.
MBS s’est, lui, clairement positionné comme soutenant un ordre et une stabilité régional, même si cela passe par « l’étouffement de la contestation », ajoute le professeur. En témoigne le sort de sept jeunes Saoudiens, condamnés à mort pour « de soi-disant crimes » commis quand ils étaient mineurs, selon Amnesty international. Le plus jeune avait, selon l’ONG, 12 ans au moment des faits.
Pour la secrétaire générale d’Amnesty France Agnès Callamard, Emmanuel Macron doit « tout faire » pour leur sauver la vie. L’Élysée rappelle à cet égard que la France est opposée en toutes circonstances à la peine de mort.
« Contre-productif » et « regrettable »
L’Arabie Saoudite est le pays qui, avec les autres monarchies du Golfe, peut soutenir financièrement le Liban plongé dans une crise historique alors que les Européens sont focalisés sur l’Ukraine.
Mais, pour Amnesty international, il est « absolument contre-productif » de solliciter Ryad. « Ce n’est pas parce qu’ils ont de l’argent que l’on peut leur demander de s’investir dans un pays dont ils ont kidnappé le Premier ministre », estime Agnès Callamard.
En 2017, le Premier ministre Saad Hariri avait annoncé sa démission depuis Ryad, accusée par la classe politique libanaise de le retenir en otage. Une intervention de la France l’avait sorti d’affaires. Jean-Yves Le Drian, nouvel envoyé spécial d’Emmanuel Macron pour le Liban, n’était pas présent vendredi lors de la rencontre à l’Élysée.
Ahmed Benchemsi, de l’ONG Human Rights Watch, déplore lui aussi cette visite. « Je trouve regrettable de serrer la main d’un dirigeant dont la responsabilité dans l’assassinat barbare d’un journaliste a été démontrée, en faisant comme si de rien n’était », relève-t-il.
MBS prévoit de rester longtemps en France où il possède plusieurs demeures, dont un somptueux château à Louveciennes, près de Paris. Il entend notamment défendre les intérêts économiques du royaume et pousser sa candidature à l’exposition universelle de 2030, soutenue par Paris. Il assistera à la réception officielle de présentation de candidature.
Il participera aussi les 22 et 23 juin au sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé par l’Élysée.
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