Il est reproché aux « écoles libres », très majoritairement des institutions catholiques, d’accueillir moins d’élèves défavorisés que l’enseignement public. Selon la publication des indices de position sociale du ministère de l’Éducation nationale, les établissements privés représenteraient moins de 4% des 10% des collèges les plus défavorisés du pays, mais près des deux tiers des 10% les plus favorisés. Sur ce constat, une offensive de la gauche est menée pour soumettre les écoles privées à des quotas de mixité sociale.
Après un premier essai de LFI lors du dernier débat budgétaire, un sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, a déposé ce 11 avril une proposition de loi pour « autoriser la puissance publique à conditionner les subventions accordées aux établissements privés sous contrat à des critères de mixité sociale et scolaire ». Pap Ndiaye évoque les moyens de pression qu’il pourrait utiliser contre les écoles privées sous contrat. Il a répondu le 14 avril au Figaro : « L’État finance les trois quarts du budget de ces établissements. Nous attendons donc de leur part un engagement pour aller vers davantage de mixité sociale et scolaire, particulièrement dans les grandes villes, où l’évitement scolaire est maximal. » Depuis la réforme Debré en 1959, 20% des enseignants du primaire et du secondaire sont pris en charge par l’État et Mais il est désormais rappelé sous forme de menace que cette règle n’est pas intangible. Les rectorats ont la maitrise des ouvertures et fermetures de classes sous contrat dans le privé !
Un petit Napoléon
M. Macron qui a sciemment choisi un ministre de l’éducation de gauche, voire plus radical encore, voudrait-il une fois de plus plagier Napoléon ? Alors que la Révolution, malgré tous ses excès, n’avait pas remis en cause la liberté d’enseignement (Cf. le discours de Talleyrand à La tribune de la Constituante en septembre 91, les projets de Condorcet ou le plan Bouquier du 19 décembre 1793). Pour sa part, Napoléon n’eut pas de plus grand empressement que de soumettre tout l’enseignement à l’État. Il y parvint en créant l’Université impériale à laquelle un décret du 17 mars 1808 donna un pouvoir sans partage :
« ARTICLE 1er. – L’enseignement public, dans tout l’Empire, est confié exclusivement à l’Université.
ARTICLE 2. – Aucune École, aucun établissement quelconque d’instruction ne peut être formé hors l’Université impériale, et sans l’autorisation de son chef.
ARTICLE 3. – Nul ne peut ouvrir une École, ni enseigner publiquement, sans être membre de l’Université impériale, et gradué par l’une de ses Facultés. […] ».
Il fallut ensuite des décennies de batailles homériques pour tenter de rétablir la liberté de l’enseignement avec la loi Guizot du 28 juin1833 pour les écoles primaires, la loi Falloux reconnaissant la liberté d’enseignement dans le second degré, puis enfin la loi Dupanloup du 12 juillet 1875 affirmant le principe de la liberté de l’enseignement supérieur.
Mais la gauche laïque n’a pas désarmé. Elle a cantonné dès 1880 la liberté de l’enseignement supérieur aux cinq seules universités catholiques créées depuis 1775 et leur a retiré la possibilité de se désigner comme universités et de délivrer leurs diplômes. Puis en 1904 Émile Combes interdit aux religieux d’enseigner, ce qui supprima de très nombreuses écoles libres.
La liberté ne se divise pas
Les manœuvres actuelles de l’État visent à nouveau à réduire la liberté de l’enseignement libre. Le SGEC, syndicat de l’enseignement libre, oppose à Pap Ndaye que pour permettre à l’école libre d’accueillir plus d’enfants défavorisés, il faudrait que l’État traite les enfants de toutes les écoles de la même manière, notamment en payant la cantine des enfants du privé comme il le fait pour ceux du public. Il faut surtout en profiter pour demander que tous les élèves, toutes les familles soient traitées de la même manière en bénéficiant de l’État d’un chèque scolaire, le même pour chacun selon le cout moyen d’un élève de la classe considérée, à remettre à l’établissement de leur choix. Ce serait le moyen de satisfaire à la fois à l’égalité et à la liberté.
Au-delà des aspects financiers, la liberté ne saurait exister sous contrainte. Les écoles libres ne sont pas redevables à l’État du paiement de leurs enseignants. Il s’agit d’une restitution légitime et juste de l’argent des contribuables aux contribuables. C’est l’État qui est redevable aux écoles privées de prendre en charge des élèves et d’alléger ainsi la dépense publique. Car les élèves du public coûtent à l’État 30 à 50% de plus que ceux du privé en tenant compte du nombre de salariés par élève, des dépenses de retraite supérieures pour les fonctionnaires, des locaux…
Plus généralement, l’État doit respecter le libre choix des parents d’inscrire leurs enfants dans des écoles proposant des modèles éducatifs qui leur conviennent. La volonté de Pap Ndaye de forcer les écoles privées sous contrat à accepter une mixité sociale est une atteinte à la liberté scolaire au travers de laquelle il espère rassembler les gauches et masquer l’échec de l’État en matière d’éducation. À défaut de pouvoir élever le niveau des élèves de l’État, il vaut abaisser ceux du privé selon la conception habituelle de l’égalité socialo-marxiste en forme de nivellement par le bas. De même que pour éviter la fuite des élèves du public vers le privé, l’État a instauré un quota de fait qui interdit aux écoles privées sous contrat d’accueillir plus de 20% des élèves.
Il faut pourtant des écoles différentes dans leurs diverses composantes pour accueillir tous les enfants de manière adaptée à leurs profils. Les élèves n’ont pas tous les mêmes capacités intellectuelles, pas plus que les mêmes aptitudes physiques. Il n’y rien de discriminatoire à vouloir des écoles qui sont plus exigeantes et donc peut-être moins « mixées », voire pas du tout. La bonne mixité sociale est celle qui se fait en permettant aux élèves défavorisés d’accéder aux meilleures écoles par le travail et le talent.
Mais peut-être que Pap Ndaye veut, lui, imiter Robespierre qui avait demandé le 13 juillet 1793 à la Convention de décréter « que depuis l’âge de cinq ans jusqu’à 12 ans pour les garçons et jusqu’à 11 ans pour les filles, tous les enfants sans distinction et sans exception, seront élevés en commun aux dépens de la République, et que tous, sous la sainte loi de l’égalité, recevront mêmes vêtements, même nourriture, même instruction, mêmes soins. » Sa proposition n’avait pas été suivie. Résistons de même à la proposition de Macron/Pap Ndaye.
Article écrit par Jean-Philippe Delsol. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.
L’IREF est un « think tank » libéral et européen fondé en 2002 par des membres de la société civile issus de milieux académiques et professionnels dans le but de développer la recherche indépendante sur des sujets économiques et fiscaux. L’institut est indépendant de tout parti ou organisation politique. Il refuse le financement public.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.