Il avait été élu en promettant la « révolution ». Et annoncé une « méthode nouvelle » après sa réélection. Mais à travers ses choix sur la réforme des retraites, s’esquisse le portrait d’un Emmanuel Macron isolé et rattrapé par les vieilles recettes politiques.
La cour d’honneur de l’Élysée était calme vendredi. Changement de décor après le ballet de voitures qui avait scandé, la veille, quatre réunions de crise pour un résultat décrié de toutes parts : un 49.3 pour imposer son projet phare sur lequel il n’aura réussi à convaincre ni les Français, ni les syndicats, ni les députés. « On est dans la décompression », glisse-t-on dans l’entourage du président. Il va s’exprimer sûrement, pour dessiner la suite de ce second quinquennat qui a si mal commencé et se retrouve, au bout de 10 mois, englué dans une atmosphère de crise.
Quand ? Comment ? Pour annoncer quoi ? Difficile à prédire, tant Emmanuel Macron rechigne à trancher sous la pression des événements. Au moment d’arbitrer pour ou contre un vote à l’Assemblée nationale, ce quadragénaire qui aime marteler qu’il « assume » ses choix s’est comme réfugié derrière sa Première ministre. « Je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège », a-t-il lâché devant ses ministres, comme pour signifier le rôle de fusible d’Élisabeth Borne, tandis que la Macronie faisait le récit d’un 49.3 presque concédé par le président à la cheffe du gouvernement. « Ce n’est pas très élégant », soupire un conseiller ministériel.
« Peu de sujets où il apparaît novateur »
La raison invoquée dans le huis clos élyséen, « des risques financiers » en cas d’échec de la réforme, fait aussi grincer des dents un dirigeant syndical, sans indulgence face au chef de l’État, « déconnecté de la réalité ». L’ironie de l’histoire, c’est que cet outil constitutionnel est un souvenir amer pour Emmanuel Macron : jeune ministre de l’Économie, persuadé de pouvoir arracher un vote favorable sur « sa » loi pour la croissance, il n’avait pas digéré que le Premier ministre Manuel Valls lui impose en 2015 un passage par le 49.3.
L’épisode avait contribué à la mue de l’ex-banquier d’affaires en candidat à l’Élysée, porteur d’un programme « disruptif », de gauche « et en même temps » de droite, ainsi que d’une promesse de « nouveau monde » pour tourner la page de l’ancien. « Une des raisons qui ont fait le succès de Macron en 2015-2017, c’est qu’il promettait que sur toute une série de sujets, il allait s’y prendre différemment », estime le secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès, Gilles Finchelstein. Or selon lui, cette réforme voulue pour reculer l’âge de la retraite et faire des économies, ou le discours sur la « valeur travail », c’est « de l’hyper-classique ». Ce politologue social-démocrate constate qu’il y a « peu de sujets où il apparaît novateur ». Et de relever une « forme d’isolement » : de tous les intellectuels qui, comme lui, étaient autour d’Emmanuel Macron à ses débuts en politique, « il n’y en a plus aucun ».
Ceux qui sont restés proches du président ne sont pas forcément plus tendres. Dans un sourire, un visiteur régulier du palais explique que le bilan du premier quinquennat, c’est certes « la remise à niveau de la compétitivité du pays », mais « pas une grande transformation ». Un ancien conseiller décrit un chef de l’État qui, de sa position centrale, s’est déporté vers la droite et n’a plus vraiment grand monde, autour de lui, pour lui tenir tête, hormis l’ex-président de l’Assemblée Richard Ferrand, toujours présent mais en retrait depuis sa défaite aux législatives. « Le président, il est excellent… mais il est nul en communication », ose aussi un influent conseiller de l’exécutif. « Il connaît tout, trop même. Il en perd parfois la vision politique. »
Échec de l’alliance
Critiqué pendant son premier mandat pour sa verticalité « jupitérienne » et ses sorties clivantes, Emmanuel Macron a endossé après les élections de 2022 l’habit d’un « président nouveau », faisant miroiter une « méthode refondée », faite de « compromis » et « associant » tout le monde. Il a aussi revendiqué une « humilité » nouvelle. Mais sur les retraites, il n’a pas dévié face à des syndicats unanimement opposés au recul de l’âge. Et les rares fois où il s’est exprimé depuis janvier sur ce sujet sensible, quelques formules ont rallumé les procès en arrogance, comme lorsqu’il a invoqué le « bon sens » des Français, défendu des « économies intelligentes », ou affirmé que sa réforme avait été « démocratiquement validée » par sa réélection, pourtant obtenue en bonne partie par un front républicain face à Marine Le Pen.
Là où, dans un pays comme l’Allemagne, la construction de coalitions de gouvernement sont négociées pendant de longues semaines, Emmanuel Macron, après les législatives de juin qui l’avaient privé de majorité absolue, avait donné 48 heures aux oppositions pour lui dire oui ou non. Avant de finalement pencher pour la construction de majorités variables, au gré des textes.
Un choix éclairé d’une lumière crue par l’échec de l’alliance avec la droite sur les retraites. Son entourage minimise les inquiétudes sur sa capacité de rebond, martèle qu’il n’y pas de « crise » et promet « un grand mouvement d’ampleur » sur les institutions, le travail, l’écologie, l’école ou l’hôpital. Un dirigeant macroniste rappelait récemment qu’il avait su surprendre par le passé pour sortir de la crise des gilets jaunes, ou par sa gestion de la pandémie ou encore son implication diplomatique depuis la guerre en Ukraine. « Je ne l’ai jamais vu déprimé », disait-il, « il a une capacité à remonter en selle ultra vite ».
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