Herbert Kickl est-il un roi nu ? Au lendemain de la victoire historique de la droite nationaliste, les tractations en coulisses ont déjà commencé lundi pour former une coalition, mais le chef du FPÖ risque fort d’être exclu du pouvoir.
« Vainqueur, et maintenant ? », titre le quotidien Kurier, car personne ne veut s’allier à ce politicien de 55 ans jugé bien trop radical : portant un agenda illibéral et anti-européen, il est opposé aux sanctions contre la Russie.
Face à ce barrage, il pourrait connaître le même sort que Geert Wilders aux Pays-Bas, qui a dû renoncer à ses ambitions de Premier ministre, ou que le Rassemblement national (RN), écarté par le front républicain.
« Une lame de fond »
À l’étranger, les félicitations des autres formations de droite nationaliste ont afflué.
Marine Le Pen parle des victoires des droites nationalistes en Europe comme d’« une lame de fond qui porte la défense des intérêts nationaux, la sauvegarde des identités et la résurrection des souverainetés, (et qui) confirme partout le triomphe des peuples ».
« Les temps changent », s’est félicité M. Wilders après l’annonce des résultats, citant onze pays européens où les nationalistes ont le vent en poupe. Dans la Hongrie voisine, le dirigeant Viktor Orban a salué une « nouvelle victoire pour les patriotes ». En Italie, le dirigeant de la Ligue Matteo Salvini a parlé d’une « journée historique en faveur du changement ».
Herbert Kickl a fait mieux que ses prédécesseurs, Jörg Haider et Heinz-Christian Strache. « Savourez ce résultat. C’est un morceau d’histoire que nous avons écrit ensemble aujourd’hui », a lancé le chef du Parti de la Liberté (FPÖ) à ses partisans enthousiastes réunis à Vienne. « Ce que nous avons accompli dépasse mes rêves les plus fous ». Il a obtenu 28,8% des suffrages, soit un bond de près de 13 points par rapport au scrutin de 2019, selon le décompte de la quasi totalité des bulletins.
Herbert Kickl a repris à son compte le terme de « remigration », un concept bâti par le mouvement identitaire, consistant à déchoir de leur nationalité et expulser les Autrichiens d’origine étrangère « qui pensent ne pas devoir respecter nos règles », précise Le Figaro. Les détracteurs du FPÖ rappellent qu’un de ses anciens présidents était un ancien dirigeant SS (Friedrich Peter).
Sans provoquer la même réaction dans les rues : cette fois, pas de grandes manifestations. « Nous nous y attendions, alors nous ne sommes ni choqués ni ravis », confie à l’AFP Isabella, une quinquagénaire viennoise qui a refusé de donner son nom de famille.
Certes, le fond de l’air est « révolutionnaire », comme l’écrit la Kronen Zeitung, le tabloïd le plus puissant du pays. Mais « le jeu de poker qui commence sera dur, long et turbulent ». Sachant que les tractations durent en moyenne 62 jours, avec un record de 124 jours en 1999-2000.
« Déni de démocratie »
La balle est désormais dans le camp du président de la République, Alexander Van der Bellen, issu des écologistes. « La tradition veut qu’il remette le mandat au parti arrivé premier », rappelle Andreas Eisl, chercheur à l’institut Jacques Delors. Mais il n’a pas caché ses réticences envers Herbert Kickl et a prévenu : le gouvernement doit obtenir le soutien d’une majorité de 92 députés, et ne remettre en cause ni les fondements de la démocratie, ni les engagements de l’Autriche à l’étranger.
Le chef d’État a aussi le pouvoir de confier la tâche aux conservateurs de l’ÖVP (26,3%), même s’ils enregistrent la plus lourde défaite de leur histoire. « C’est un vrai enjeu », note M. Eisl : dans ce cas, il prêterait le flanc aux critiques de M. Kickl qui a déjà commencé à se plaindre d’un « déni de démocratie ».
Ce serait alors le chancelier sortant Karl Nehammer qui serait à la manoeuvre, avec la possibilité de pactiser avec le FPÖ, comme en 2000 et 2017.
Les scandales à répétition ont rendu les conservateurs prudents et contrairement à son mentor Jörg Haider en 2000, Herbert Kickl ne semble pas avoir l’intention de se mettre en retrait, selon l’expert.
Une formule inédite pourrait voir le jour selon cet analyste, avec « une coalition tripartite » alliant l’ÖVP, les sociaux-démocrates du SPÖ (21,1%) et le petit parti libéral Neos (9,2%). « Entre l’ÖVP et le SPÖ, les divergences sont grandes », souligne Johannes Reiter, un retraité de 74 ans. « Ils vont devoir trouver un terrain d’entente mais en fin de compte, cela se fera », veut-il croire.
Le parti social-démocrate, très affaibli et divisé, n’a pas de très bonnes cartes pour négocier, même si le bastion de Vienne et les villes se maintiennent.
Un élément devrait faciliter la tâche au chancelier : les petits partis, comme l’iconoclaste « Parti de la bière » ou les communistes, n’ont pas récolté suffisamment de voix pour rentrer au Parlement.
Selon le quotidien Der Standard, M. Nehammer pourrait faire traîner en longueur les discussions avec les autres, avant de finalement se tourner vers le FPÖ, son partenaire désormais naturel.
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