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En Indonésie, un refuge réapprend à vivre aux enfants du jihad

juillet 4, 2019 6:56, Last Updated: juillet 12, 2019 8:40
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Projetée à terre depuis la moto sur laquelle ses parents se sont fait exploser, Mila, neuf ans, est la seule rescapée d’un attentat suicide perpétré l’an dernier en Indonésie lors d’attaques inédites impliquant des familles entières à Surabaya.

Après ce traumatisme, l’orpheline a été prise en charge par les autorités. Elle suit un programme de déradicalisation qui cherche à donner un avenir à ces enfants issus de milieux terroristes. Mila – un nom fictif pour protéger son identité – vit dans un refuge à Jakarta créé pour des jeunes dont les parents ont commis des attentats suicide ou eux-mêmes impliqués dans des attaques.

Hijab rose et air joyeux, les questions de la petite fille fusent lors des leçons dispensées au refuge, constate l’AFP. Mila n’a jamais été scolarisée auparavant. « Ses progrès ont été très importants. Maintenant, elle peut interagir avec les gens », selon la travailleuse sociale Sri Musfiah Handayani. La petite fille baise la main de la journaliste de l’AFP, une façon respectueuse de saluer en Indonésie.

« Nous enseignons (aux enfants) que le Coran est à la base de tout et qu’ils doivent y croire. Mais que si l’on viole les droits d’autrui, ce n’est pas acceptable », explique l’éducatrice. Aujourd’hui Mila doit se reconstruire et vivre avec l’idée que ses parents voulaient qu’elle les suive dans la mort.

L’Indonésie, pays musulman le plus peuplé au monde, fait face à ce nouveau type d’attaques perpétrées par les membres d’une même famille mais aussi au retour de jihadistes et de leurs proches après la défaite de l’organisation Etat islamique (EI) en Syrie. Un défi qu’affrontent aussi plusieurs pays d’Europe et les Etats-Unis.

« Ce n’est pas simple de s’occuper (de ces enfants) radicalisés, ils pensent que les attentats sont une bonne chose », explique Neneng Heryani, la responsable du refuge. « On leur a appris que le jihad était indispensable pour aller au paradis et qu’on devait tuer les mécréants. C’est vraiment difficile de changer cet état d’esprit. »

Des travailleurs sociaux et des psychologues s’efforcent de ramener les enfants à la vie sociale avec une routine incluant des leçons, des visites à la mosquée et des moments de récréation. Ces enfants endoctrinés pendant des années ont souvent été confrontés à un flot de vidéos de propagande violente.

Les éducateurs recherchent leur confiance avec une méthode qui met l’accent sur les héros nationaux indonésiens et les principes du Pancasila, la philosophie officielle du pays qui prône la bonne cohabitation des communautés. Ce pays de 260 millions d’habitants, à près de 90% musulman, reconnaît six religions officielles.

Mais ce programme de déradicalisation d’enfants est encore une expérimentation. « C’est une première », les attaques impliquant des familles étaient « inédites », souligne Sidney Jones, directrice de l’institut d’analyse des conflits (IPAC) basé à Jakarta.

Les enfants sont des proies faciles pour les extrémistes et « cette vulnérabilité peut fournir un point de départ pour le traitement », souligne Haula Noor, qui étudie les familles radicalisées à l’Université nationale d’Australie (ANU). « Nous devons voir ces enfants comme des victimes mais aussi de potentiels dangers. »

Longtemps considérée comme un exemple de tolérance religieuse, l’Indonésie fait aujourd’hui face à la montée de courants musulmans conservateurs et extrémistes.

En mai 2018, Mila était assise entre ses parents sur une moto quand ils ont déclenché des explosifs devant un poste de police de Surabaya, deuxième ville d’Indonésie. La veille, une autre famille, dont deux filles de 9 et 12 ans, y avait commis des attentats suicides dans des églises, faisant plusieurs dizaines de victimes.

Ces familles kamikazes étaient liées au mouvement radical Jamaah Ansharut Daulah (JAD). Les attaques ont été revendiquées par l’EI. En mars cette année, l’épouse d’un homme suspecté d’appartenir à la même organisation s’est fait exploser avec son enfant dans une maison de l’ouest de Sumatra assiégée par la police.

Ces incidents semblent montrer que les femmes et les enfants prennent désormais un rôle plus actif dans le terrorisme. « Il va y avoir deux tendances à l’avenir, les attaques perpétrées par des familles et aussi par des loups solitaires », observe Stanislaus Riyanta, un expert en terrorisme de l’Université d’Indonésie.

En avril, la femme enceinte d’un auteur des attentats au Sri Lanka qui ont fait près de 260 morts avait déclenché sa propre ceinture d’explosifs, entraînant avec elle dans la mort ses trois jeunes enfants quand la police est venue perquisitionner sa maison. Si ce programme visant des enfants directement impliqués dans des attaques est une première, l’Indonésie a déjà mis en place des structures de déradicalisation plus larges, par lesquelles sont passés quelque 200 enfants.

« Nous devons les approcher avec précaution parce qu’ils étaient prêts à mourir et ça n’a pas de sens d’utiliser la force », explique à l’AFP Suhardi Alius, responsable de l’Agence nationale de lutte contre le terrorisme. Une déradicalisation ne peut réussir que si ces enfants reçoivent une aide pour se réinsérer. Le gouvernement prépare un plan pour qu’ils bénéficient de soins de santé et d’un accès à l’éducation.

Mais les membres de leur famille sont souvent réticents à les recueillir. Et ce rejet risque de les pousser à nouveau vers l’extrémisme, avertit l’experte australienne Haula Noor. « Il y a une forte possibilité qu’ils se tournent à nouveau vers l’idéologie de leurs parents s’ils sont stigmatisés. »

E.T avec AFP

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