La culture du blé, « c’est devenu une loterie », lâche Khamis Ahmed Abbas. Agriculteur dans le nord de l’Irak, il a abandonné ses terres devenues inexploitables à cause de la sécheresse pour tenter sa chance à Mossoul, grande ville la plus proche.
M. Abbas, 42 ans, voyait déjà venir le déficit en pluies depuis quelques temps dans la plaine de Ninive, au cœur du Croissant fertile, là où les hommes auraient découvert l’agriculture il y a 10.000 ans.
Mais les champs à Ninive, au Kurdistan d’Irak voisin et en Syrie toute proche se sont progressivement asséchés l’été dernier pour ne plus ressembler qu’à des amoncellements de poussières impropres à la culture. Le mercure a dépassé les 50 degrés par endroits, des températures exceptionnelles, même pour l’Irak.
La pluie une grande absente dans la région
Un peu plus au nord-est de Ninive, le réservoir de Zawita est totalement à sec pour la première fois depuis sa mise en service en 2009, frappant de plein fouet des agriculteurs de la région.
« Aujourd’hui, cultiver de l’orge ou du blé, cela tient de la loterie », raconte Khamis Ahmed Abbas, car « tout dépend de la pluie », qui est devenue une grande absente dans cette région.
Près de Dohuk, au Kurdistan d’ #Irak, le réservoir de Zawita est à sec à cause de la sécheresse aiguë qui frappe toute la région. Les amandiers, vignes et célèbres grandiers du Kurdistan sont morts de soif dans cette zone. #AFP photo @Ismaeladnan99 pic.twitter.com/8kbDIXU7DO
— Guillaume Decamme (@GDecamme) November 13, 2021
Il y a environ trois mois, il a décidé d’abandonner son exploitation et de déménager avec ses deux épouses et ses neuf enfants à Mossoul.
« Ici, je suis au chômage », raconte M. Abbas à l’AFP depuis un café de Mossoul, la deuxième ville d’Irak en pleine reconstruction après l’occupation par le groupe Etat islamique entre 2014 et 2017 et les violents combats entre les jihadistes et l’armée irakienne, épaulée par une coalition internationale.
6.000 km2 de terres agricoles touchées par la sécheresse
La province de Ninive, grenier à blé de l’ancienne Mésopotamie puis de l’Irak, compte environ 6.000 km2 de terres agricoles. Elle a été « la plus touchée » par la sécheresse qui s’est abattue sur l’Irak cette année, souligne Hamid al-Nayef, porte-parole du ministère de l’Agriculture à Bagdad.
En 2020, Ninive a produit 927.000 tonnes de blé « ce qui lui a permis d’être auto-suffisante », explique le directeur du Comptoir céréalier de la province, Abdelwahab al-Jarjari, à l’AFP. Mais « en 2021, ce volume est tombé à 89.000 tonnes, à cause de la sécheresse ».
Les barrages construits en amont en Turquie et en Iran
Outre le déficit en pluies, l’Irak souffre de la baisse du niveau des cours d’eau, dont ceux du Tigre et de l’Euphrate, provoquée par les barrages construits en amont en Turquie et en Iran, souligne Samah Hadid du Norwegian Refugee Council (NRC).
Au plan mondial, avec le changement climatique, l’intensité et la fréquence des épisodes de sécheresse –qui menace notamment la sécurité alimentaire des populations– risquent encore d’augmenter même si les nations parviennent à limiter la hausse des températures à +1,5°C par rapport à l’ère pré- industrielle.
L’Irak fait face à « la pire sécheresse de son ère moderne » qui pousse par ricochets des familles entières à délaisser la campagne pour s’installer en ville, selon Samah Hadid.
447 familles ont quitté leurs terres à Ninive
En juin et juillet 2021, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a estimé à 447 le nombre de familles ayant quitté leurs terres à Ninive à cause de la sécheresse, après les avoir réinvesties au moment de la chute de l’EI dans la région.
Akram Yacine, 28 ans, pense lui aussi à lâcher l’affaire. Il a déjà vendu une partie de ses 500 moutons « pour survivre » et envisage de tout quitter.
« Je perds plus que je ne gagne »
« Je vais peut-être changer de métier. Je perds plus que je ne gagne. J’ai vendu une partie de mes terres et avec cet argent j’ai planté dans une autre zone », dit-il depuis son champ du village d’Al-Qaïm, au nord de Mossoul.
Mais cet afflux de ruraux vers Mossoul, Kirkouk et Bassora, dans le sud de l’Irak, « risque de créer de l’instabilité, car ces villes ne sont pas préparées pour ces arrivées massives », juge Roger Guiu, chercheur au sein de l’institut de recherches Social Inquiry à Erbil.
Pour Khamis Ahmed Abbas, l’ancien agriculteur nouvellement arrivé à Mossoul, le quotidien se résume à l’inactivité. « Parfois je fais des petits boulots pour nourrir ma famille après avoir vécu du blé, de l’orge et du bétail », lâche-t-il.
Rejoignez-nous sur Télégram pour des informations libres et non censurées :
? t.me/Epochtimesfrance
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.