Patrick Bougeard, paysan à la retraite et ancien président de Solidarité paysans en Ille-et-Vilaine, vient de refuser la Légion d’honneur. Dans une lettre adressée à Emmanuel Macron, il en explique les raisons.
Nommé au grade de chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur fin 2021, Patrick Bougeard n’a que faire de cette distinction. Ancien président de Solidarité paysans – une association qui soutien et défend les agriculteurs en difficulté – il a expliqué les raisons de ce refus dans une lettre destinée au président de la République.
Une méprise des acteurs qui combattent le complexe agro-industriel
Dans sa missive, Patrick Bougeard dénonce l’État, qui en s’engageant auprès du « complexe agro-industriel », condamne le monde paysan. « Je ne peux accepter votre nomination qui signe certes la reconnaissance de l’intérêt général de mes activités au service des agriculteurs fragilisés alors qu’en même temps vous vous engagez aux côtés du complexe agro-industriel et que vous méprisez les acteurs qui le combattent », indique-t-il tout d’abord, ainsi que le rapporte Le Parisien.
Le paysan, aujourd’hui âgé de 73 ans, a exercé sa profession durant 40 ans. Il explique que « 97 % des dotations qui doivent servir au développement agricole sont affectées au complexe agro-industriel ». Il ajoute que « pour obtenir ces dotations, les organisations doivent s’engager à respecter des règles comme ne pas troubler l’ordre public », ce qu’il juge « inacceptable », relate Ouest-France.
Selon le ministre de la Santé, le suicide des paysans dû « à un problème de santé mentale »
L’ex-président de Solidarité paysans a aussi pointé du doigt le nouveau plan de « prévention du mal-être des agriculteurs en difficulté » de l’État, déclarant que le pilotage de celui-ci avait été confié à ceux-là même qui « rendent la vie impossible » aux agriculteurs. De plus, dans ce plan, « le ministre de la Santé renvoie le suicide des paysans à un problème de santé mentale, donc à leur responsabilité individuelle ». Selon le ministre de l’Agriculture‚ « ce sont les consommateurs qui sont les responsables de l’absence de revenus des paysans ». Tout cela revient donc à « exonérer le complexe agro-industriel de ses responsabilités », considère-t-il, ainsi que le précise Ouest-France.
Dans sa lettre, Patrick Bougeard estime également que les lois telles que la loi Egalim (loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous), n’ont pas réussi à endiguer la disparition des exploitations agricoles puisque 100 000 ont disparu au cours des dix dernières années, stipule Le Parisien.
« L’hypocrisie complète de l’État vis-à-vis des paysans »
De surcroît, « le nombre de suicides ne bouge pas », a-t-il souligné, dénonçant par-là « l’hypocrisie complète de l’État vis-à-vis des paysans ». Selon lui, si les agriculteurs se suicident, c’est aussi en partie parce que la profession est dépréciée. Pour l’ancien paysan, si « l’image du métier » a été dévalorisée et si les « conditions de vie » des paysans sont devenues indignes, c’est bien à cause du « complexe agro-industriel ».
L’ex-agriculteur breton décrit encore le modèle productiviste dans lequel les agriculteurs sont enlisés comme « maltraitant pour les animaux, les paysans, l’environnement avec les marées vertes et les consommateurs. Il ne nourrit pas les gens, il leur donne une nourriture normée », indique encore Ouest-France.
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