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En Russie, des urbanistes jeunes et branchés veulent rendre les villes plus « humaines »

mai 5, 2019 6:50, Last Updated: mai 5, 2019 6:58
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A côté des tristes barres d’immeubles soviétiques, typiques en Russie, les nouveaux quais flottants de Belgorod font mouche: ils sont l’oeuvre d’urbanistes moscovites jeunes et branchés, partis à l’assaut des régions russes qu’ils veulent rendre plus « vivables » grâce à un programme public.

Des décennies que les berges de la Vezelka, la petite rivière qui traverse Belgorod, étaient à l’abandon. « S’approcher de l’eau était difficile. Et par endroits, c’était vraiment sale », sourit l’architecte Jezi Stankevic, trentenaire et responsable de la métamorphose des rives de cette ville de 400.000 habitants, située à 600 kilomètres au sud de Moscou.

Depuis 2017, les autorités russes ont confié à la prestigieuse agence d’urbanisme Strelka KB le réaménagement de 40 villes du pays, soit environ 28 millions de personnes. Selon Strelka, il s’agit du « plus grand projet de rénovation urbaine de la Russie post-soviétique ».

A Belgorod, un élégant amphithéâtre en bois « crée un chemin en contact avec l’eau », explique Jezi Stankevic. Les quais flottants, disséminés entre les touffes de roseaux, sont devenus les spots préférés des adolescents. Et il est désormais possible de flâner plusieurs kilomètres le long de la Vezelka, où terrains de sport et parcs canins ont fait leur apparition.

Tout cela n’est qu’un début: à terme, quelque 20 kilomètres de berges piétonnes et cyclables doivent être aménagées. Strelka KB a réalisé la partie centrale, conseillant les autorités et des architectes locaux pour le reste. Certains doutent d’avance de l’entretien régulier qui sera nécessaire pour maintenir les lieux en état, mais des étudiants de l’université voisine aux jeunes mamans et leurs poussettes, le succès des berges ne se dément pas depuis leur inauguration en novembre 2017.

« C’est vraiment devenu plus joli, inhabituel  On est en centre-ville et on n’entend pas de bruit de voitures. Je dirais même que c’est apaisant », se réjouit Elena, une responsable qualité de 38 ans qui, tout juste sortie du travail, savoure les derniers rayons du soleil printanier.

Banal en Europe, ce décor est presque une exception dans une ville russe de province. Beaucoup ont entamé un lent déclin à la chute de l’URSS, au rythme des fermetures d’usines et du départ des habitants les plus diplômés. Privées de recettes fiscales, les autorités locales ont manqué de moyens pour mener une politiques d’aménagement du territoire.

La transformation des villes s’inscrit dans une tendance de fond: depuis le début des années 2010, le gouvernement a dépensé plusieurs milliards d’euros pour moderniser les villes russes, notamment à travers un programme fédéral lancé en 2017 et doté de 42,2 milliards de roubles (584 millions d’euros) pour rénover les espaces publics. En mars 2018, Vladimir Poutine a encore ordonné au gouvernement de doubler les dépenses de l’Etat en faveur de la création d’un « environnement urbain confortable ».

Une telle notion est complètement nouvelle en Russie: « La qualité de vie n’est pas un terme très clair pour les Russes car pour formuler cette demande, il faut déjà avoir atteint un certain niveau de base », explique Daria Paramonova, à la tête de la division « architecture » de Strelka. Selon elle, les villes russes, qui se sont pour la plupart développées à l’époque soviétique, n’avaient pas été conçues pour répondre aux besoins de leurs habitants mais pour obéir à des impératifs de productivité.

« Aujourd’hui, nous disons que l’important, c’est l’humain », assène Daria Paramonova. En témoigne un point essentiel du programme: la consultation des habitants avant toute validation des projets via des réunions publiques et un vote sur Internet. « C’est vraiment curieux que dans un endroit comme la Russie, ce programme puisse potentiellement s’ouvrir à la participation du public », note Michal Murawski, un anthropologue de l’University College de Londres spécialisé dans l’urbanisme post-soviétique. Si l’idée est bonne, il juge toutefois « difficile de dire si c’est une façade ou pas ».

Daria Paramonova ne cache pas que l’existence de ce projet doit beaucoup au succès d’un autre programme de rénovation urbaine: « Ma rue », qui en trois ans, de 2015 à 2018, a radicalement transformé le visage de Moscou avant le Mondial-2018 de football. Le programme a été controversé pour son coût, 126 milliards de roubles (1,96 milliard d’euros au taux actuel), et terni par des accusations de corruption, mais les Moscovites ont plébiscité ces changements et vite oublié les trois ans de gigantesques travaux qui avaient perturbé leurs étés.

Mais importer cette notion de qualité de vie en province, « où il y a moins d’argent et plus de problèmes », sera compliqué, ajoute-t-elle. Elle veut toutefois croire que le projet donnera l’inspiration à des architectes locaux de développer eux-mêmes des projets. D’autres villes, comme Ekaterinbourg, Vladivostok, Grozny et Novossibirsk, se préparent à rénover leurs espaces publics.

L’enjeu est crucial pour les villes de province comme Belgorod. En 2018, le salaire moyen dans la région était de 30.765 roubles (423 euros), selon l’agence des statistiques Rosstat, tandis qu’il atteignait au moins le double à Moscou. « Aujourd’hui, toutes les villes luttent pour garder leur capital humain et tentent de créer les conditions de vie qui empêcheront leurs habitants de partir à Moscou ou ailleurs. Nous devons le faire aussi », résume Evguéni Glagoliev, vice-gouverneur régional chargé de l’urbanisme.

D.C avec AFP

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