Antonina a mis ses vêtements préférés, son plus beau ruban dans les cheveux et appris par cœur le poème donné par sa maîtresse: c’est la rentrée pour cette petite Ukrainienne, à la maison et au bruit des canons.
« Natalia Vassylivna, vous m’entendez? Allô, Natalia Vassilivna? »
Installée derrière le bureau posé au milieu du salon, qui sert aussi de chambre pour ses parents, Tonia -le diminutif d’Antonina- fixe l’écran du téléphone sur lequel apparaissent sa maîtresse Natalia Vassylivna, son copain de toujours Igor et ses camarades de classe qu’elle n’a pas vus depuis l’invasion russe en février.
Une quinzaine de kilomètres de la ligne de front
« Je suis contente de revenir à l’école mais je le serais encore plus s’il n’y avait pas la guerre, parce que ma maîtresse et mes copines me manquent », glisse la fillette dont la meilleure amie vit désormais en Pologne.
La famille Sydorenko -Tonia, neuf ans, sa sœur Sonia âgée de cinq ans et ses parents Natalia et Andriï- vit à Pokrovské, un hameau de 24 habitants dans la région de Mykolaïv (sud), à une quinzaine de kilomètres de la ligne de front.
Dans toute la région, la rentrée se fait à distance en raison des combats. Pour Natalia et Andriï, cela a été toute une affaire. Quelques jours avant le 1er septembre, date nationale de reprise des cours, ils ont réussi à configurer l’application Zoom sur leur téléphone.
Ils s’étaient aussi assurés que le routeur internet fonctionne. Depuis que l’électricité a été coupée en été, la famille est alimentée grâce à un panneau scolaire offert par une ONG.
« Je me suis habituée et je n’ai pas peur »
Contre les canons, en revanche, elle ne peut rien. Les tirs de l’artillerie ukrainienne résonnent à intervalles régulières. Parfois, l’armée russe réplique: deux jours auparavant, les vitres de leur cuisine ont été brisées par des éclats.
Mais Antonina ne sourcille déjà plus. « Au début, quand il y avait des tirs d’obus près de la maison, je me cachais et me couchais par terre. Mais maintenant, quand c’est loin je me suis habituée et je n’ai pas peur », dit-elle.
En attendant que Natalia Vassylivna réussisse à utiliser Zoom, Tonia fait découvrir sa maison et la chambre qu’elle partage avec Sonia, où « maintenant on dort par terre, comme ça on ne sera pas tuées par les éclats ».
Dans la cour, la fillette aux nattes blondes éclatantes nourrit les lapins, ses animaux préférés. Il y a aussi un cochon, qui doit sa survie à l’absence régulière d’électricité –« on ne pourrait pas conserver les morceaux », dit Natalia Sydorenko- et deux vaches, raison pour laquelle la famille reste malgré le danger.
« Qu’est-ce qu’on irait faire en ville? Où est-ce qu’on se logerait et comment est-ce qu’on vivrait? », demande Andriï Sydorenko pendant qu’il montre les dégâts de la dernière frappe et qu’un énorme bang résonne derrière lui.
« Vous l’avez entendu? C’est tout le temps! », s’insurge-t-il avant de reprendre: « Pour tous mes biens, on me donnerait 15.000 hryvnias (408 euros). Et pour acheter une maison, il me faut au moins 100.000 hryvnias, même à Novooleksandrivka », village le plus proche.
Quand les bombardements sont trop forts, la famille prend sa voiture pour filer un peu plus loin, le temps que ça se calme.
« La paix viendra en Ukraine. Les gens bienveillants veulent la paix »
« Il faut être comme un soldat: rester uni, être prêt, avoir tout emballé, être rapide, sans hésitation, écouter les parents, faire les bagages et partir », résume Natalia Sydorenko, 33 ans.
Elle couve du regard Tonia, dont elle est fière des bons résultats scolaires et de ses talents de dessinatrice, qu’elle tient d’Andriï assure-t-elle.
Mais derrière une apparente sérénité, la jeune femme reconnait « beaucoup s’inquiéter » pour ses enfants, même si « nous essayons de ne pas paniquer, de les calmer ». Elle aussi refuse de partir, disant avoir « travaillé dur pour construire cette maison » et économiser de l’argent « pour le futur des filles ».
La rentrée scolaire, elle, aura vite avorté. Natalia Vassylivna n’a pas réussi à configurer Zoom, au désespoir de maman de Tonia, mais sa petite élève se console en ayant pu discuter un peu avec Igor.
Elle tient quand même à réciter son poème appris par cœur. « La paix viendra en Ukraine. Les gens bienveillants veulent la paix, les adultes comme les enfants, aspirent à la paix sur Terre ».
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