Encouragés par le régime, les traders chinois prennent de très gros risques

9 juillet 2015 10:41 Mis à jour: 24 octobre 2015 21:22

 

Le stock d’options boursières chinoises déborde, et des millions de Chinois sont en train de perdre leurs chemises. Mis à part la douleur évidente de perdre les économies de toute une vie, ce qui rend ce krach boursier unique, c’est qu’il a été créé et encouragé par le Parti communiste chinois.

À l’approche du Nouvel an Chinois, la Chine faisait face à l’une des pires crises économiques dans ces derniers temps. Les dégradations répétées de la croissance et l’instabilité du marché en 2014 avaient secoué les marchés mondiaux attachés à la croissance de la Chine. Cela avait également fait peur au régime dont la légitimité repose sur cette croissance pour maintenir l’ordre social.

Le Parti a donc pensé qu’une hausse du marché boursier serait un bon moyen d’accroître la confiance dans son économie. Cela aurait pu alléger la crise économique des entreprises, enrichir les investisseurs, servir de distraction pour les chômeurs, et permettre aux gouvernements locaux et aux banques chinoises de remplir à nouveau leurs coffres.

Les méthodes du Parti ont fonctionné pendant un certain temps. Le nombre de nouveaux comptes de courtage créés dans les quatre premiers mois de 2015, a même été plus nombreux que 2012 et 2013 combinés. Mais c’est pourquoi maintenant le régime chinois fait une course contre la montre et encourage ses citoyens à investir dans des actions.

D’abord, il a assouplit sa régulation économique en rendant plus facile l’emprunt d’argent pour les investissements. Ensuite, il fait appel au patriotisme et au désir de ses citoyens à devenir riche rapidement, en utilisant les médias. Ces derniers ont publié plusieurs articles vantant les vertus de l’achat d’actions comme un moyen de devenir riche, tout en soutenant le régime.

«Le développement économique et social apportera une précieuse confiance et un appui solide dans le marché boursier, » pouvait-on lire dans un éditorial publié dans Xinhua le 31 août 2014.

Le 28 novembre 2014, le chiffre d’affaires quotidien moyen de la Bourse de Shanghai dépassait les 200 milliards de renminbi (30 milliards d’euros). Six mois plus tard, à la fin avril de cette année, le chiffre d’affaires quotidien a augmenté à 145 milliards d’euros. L’indice Shanghai Composite, l’indice boursier regroupant tous les titres négociés à la Bourse de Shanghai, a plus que doublé depuis l’année dernière.

Mais cette croissance a été alimentée par des citoyens chinois ordinaires ayant très peu d’expériences financières – des agriculteurs, des retraités, des ouvriers. Ils ont cédé aux appels de leurs dirigeants à investir, sans pour autant être en retour protégés des pertes financières par le Parti.

Aujourd’hui, ces nouveaux investisseurs sont entassés dans des cabinets de courtage en regardant les écrans de négociation transis d’effroi, selon un rapport CNBC de Pékin.

« Le gouvernement a manipulé le marché boursier pendant tout ce temps », a déclaré l’un des investisseurs – qui n’a pas voulu être nommé, à CNBC. « Les autorités nous ont fait croire que nous pouvons faire de l’argent à partir d’un marché à la hausse, mais en fait, nous sommes tombé dans un abîme et nous perdons les économies d’une vie. ».

Un marché boursier de plus en plus basé sur les emprunts

Les choses ont vraiment changé lorsque l’autorité de régulation chinoise a introduit et encouragé les traders à jouer sur la marge, dans le cadre d’un plus grand effort pour ouvrir les marchés et détourner les investissements loin de l’immobilier – où les investissements spéculatifs ont atteint des proportions déraisonnables. En 2007, l’autorité de régulation chinoise avait pourtant interdit d’utiliser cet effet de levier sur la bourse et ceci pour une bonne raison.

La pratique de l’appel de marge en bourse donne accès aux Chinois à de l’argent qu’ils auraient pas pu avoir sans l’investir dans des actions. Cela leur permet de mettre de l’argent dans la bourse chinoise, argent qu’ils ont obtenu par un emprunt.

Plus d’un quart de la capitalisation boursière de la Chine est désormais pris en charge par le financement de marge.

Stimulés par la robuste machine de propagande des médias du Parti communiste, près de 5 millions d’investisseurs chinois ordinaires ont ouvert des comptes sur marge en octobre 2014, alors qu’il y avait moins d’un million de comptes de deux ans auparavant. Ces derniers mois, le volume des transactions sur marge a battu une fois après l’autre tous les records de volume.

« Plus d’un quart de la capitalisation boursière de la Chine est désormais pris en charge par le financement de marge, ce qui transforme de facto le marché des actions en un marché de la dette », peut-on lire dans un message de Scott Kennedy, spécialiste indépendant de la Chine au Centre des études stratégiques et internationales (CSIS).

Avec une telle part du marché basé sur l’emprunt, toute instabilité des échanges aura un impact significatif sur l’ensemble du marché. Début juillet, l’indice composite de Shanghai a démontré une volatilité extrême quand il est tombé de 7,7% – la plus forte baisse en plus de six ans – après une régulation forcée et temporaire des autorités sur les trois grands courtiers en trading de marge.

Le trading de marge est donc de plus en plus risqué pour le marché. Si un investissement échoue soudainement, les spéculateurs pourraient perdre non seulement leur argent, mais les actifs qui ont financé les actions par des prêts, également.


La réponse du Parti: encore plus d’effet de levier

Lorsque le marché boursier a commencé à chuter, les dirigeants chinois se sont tournés vers le China Securities Finance Corp. (CSF), pour permettre à la banque centrale de Chine d’intervenir et d’injecter de l’argent dans le marché. Le CSF, créé en 2010 avec l’approbation du Cabinet chinois du Conseil d’État, est la seule institution offrant des services de prêt de financement aux maisons de courtage vendant ces stocks sur marge.

Le Parti a également essayé d’autres mesures, mais rien ne semble avoir eu beaucoup d’impact pour endiguer le flux de panique des investisseurs en proie à la perte massive de leurs stocks d’action. Il y a eu par exemple des baisses de taux d’intérêt et l’utilisation des fonds de pension du gouvernement pour soutenir le marché.

« Nous avons la confiance et la capacité de faire face à toutes sortes de risques et de défis, et de faire progresser, le développement d’une économie saine et soutenue », a déclaré selon Xinhua, le premier ministre Li Keqiang lors d’une réunion à Pékin.

Dans le même temps, certains des investisseurs chinois se demandent pourquoi leurs dirigeants ne font pas plus. « Je suis sûr que si le Parti communiste chinois est vraiment déterminé à sauver le marché, il pourrait le transformer du jour au lendemain », a déclaré un investisseur anonyme de Pékin à CNBC.

Mercredi dernier, un ensemble de nouvelles politiques ont été mises en place à la hâte par les autorités chinoises. Leur réponse: permettre de faire encore plus d’effet de levier sur la marge. Maintenant, vous pouvez utiliser votre maison comme garantie pour les prêts à la marge, ce qui évidemment est un danger nouveau, en particulier pour les investisseurs amateurs.

Le 8 juillet, ceux qui ont pu sortir de ce marché boursier sur marge sont sortis, ce qui a causé une instabilité dans les marchés mondiaux. L’indice de Dow Jones  a chuté à son niveau le plus bas depuis 5 mois en raison d’une défaillance technique apparemment sans rapport. Le S & P 500 a chuté de 1,7%, et le Nasdaq a chuté de 1,8%.

L’indice de Shanghai a chuté lui de 5,9%, en dépit d’un ordre que 40%  des actions chinoises allaient être gelées sur le marché des échanges. L’indice est en baisse de 32,1% depuis la mi juin, sur le montant qu’elle avait atteint par un effet de levier sauvage en avril dernier.

Article original: Encouraged by the State, Chinese Put Everything at Risk With Margin Trading

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