Beaucoup d’entre nous arrivons un jour à un moment de notre vie où nous luttons pour devenir la personne morale que nous savons pouvoir être. Nous avons l’intention d’améliorer notre caractère moral, mais nous sommes bombardés par le plus lourd des fardeaux chaque fois que nous essayons.
Beaucoup d’entre nous, incapables d’endurer les souffrances de cette lutte, s’installent ou abandonnent. Nous nous disons que nous sommes qui nous sommes, et nous relâchons nos efforts pour être au mieux de nous-mêmes. Certains d’entre nous, cependant, comme saint Antoine, endurent le fardeau et se transforment en de meilleures versions d’eux-mêmes.
Saint Antoine
Saint Antoine est considéré comme le père du système monastique chrétien organisé. Vers l’âge de 20 ans, Antoine s’est consacré à une vie ascétique d’isolement dans les montagnes. Pendant son séjour, il a été tourmenté à plusieurs reprises par des visions et des créatures séduisantes et diaboliques.
Parfois, lui inculquant la peur, les démons apparaissaient comme des bêtes sauvages dans l’espoir de voir Antoine abandonner sa pratique ascétique, abandonner son amour de Dieu. Il a peut-être été tenté de prendre la voie de la facilité. D’autres fois, les démons le battaient simplement jusqu’à la mort.
Mais les tourments d’Antoine n’ont pas toujours été aussi agressifs. Parfois, le diable lui apparaissait comme une belle femme pour tenter la luxure. D’autres fois, il évoquait la richesse pour susciter l’avidité d’Antoine.
Une fois, Antoine, torturé, est resté sans peur et ferme pendant que des démons attaquaient sa maison. Au plus fort de sa souffrance, il a vu le ciel s’ouvrir et un rayon de lumière effacer les démons.
Antoine a réussi à surmonter ces tentations grâce à une prière et une pénitence constantes. Il quittera plus tard sa solitude pour enseigner son chemin de pureté spirituelle et de libération de la tentation.
Le retable d’Isenheim et la tentation de saint Antoine
Le retable d’Isenheim a été réalisé par Nicolas de Haguenau et Mathias Grünewald entre 1512 et 1516 pour l’ordre des Antonins au monastère d’Isenheim – à l’époque même où Raphaël peignait au Vatican. Nicolas de Haguenau a créé la partie sculptée, et Grünewald a peint les panneaux.
Le retable d’Isenheim se trouvait dans l’hôpital du monastère, où les moines de l’ordre des Antonins aidaient les victimes du feu de Saint-Antoine, une maladie courante au Moyen Âge et causée par l’ergot du seigle, un champignon se trouvant dans la farine de seigle contaminée. Les images de saint Antoine ont servi d’inspiration à ceux qui ont souffert à l’hôpital.
Deux panneaux peints du registre le plus intérieur du retable illustrent des parties de la vie de saint Antoine. Nous examinerons le panneau de droite, La Tentation de saint Antoine, qui dépeint les tourments d’Antoine.
La scène que Grünewald a interprétée dans son tableau est une scène décrite dans la Vita B. Antonii, qui est la biographie de saint Antoine. La scène raconte l’attaque des démons sur Antoine, l’endurance d’Antoine et sa communication avec le divin.
Georg Scheja, dans son livre Le Retable d’Isenheim, nous relaie cette scène de la biographie d’Antoine :
« L’attaque terroriste généralisée contre Antoine a eu lieu au tout début de sa carrière dans le désert. C’est alors que le ‘Maître’ s’est mis à l’écart pour observer comment son saint se comportait et l’a ensuite doté d’une force nouvelle.
« Tout le lieu grouillait d’apparitions de toutes sortes de bêtes sauvages qui le pressaient durement. Cependant, ‘bien qu’il ressente une douleur de plus en plus effrayante dans tout son corps, il restait néanmoins allongé, sans peur et toujours vigilant en esprit’. Dans ce moment terrible, il vit soudain le ciel s’ouvrir et un rayon de lumière se diriger vers le bas, faisant disparaître les démons… »
Le Christ dit alors à Antoine :
« Antoine, j’étais ici, mais j’ai attendu mon heure et j’ai observé ton combat. Parce que tu as tenu bon et que tu n’as pas cédé, je ferai de toi un soutien de tous les instants, et ton nom sera célébré partout. »
Antoine s’est alors relevé et « il avait tellement reçu de nouvelles forces qu’il sentait qu’il possédait plus de pouvoir que ce qu’il avait eu auparavant ».
La tentation de saint Antoine
Dans le tableau de Grünewald, un Antoine calme repose sur le sol au bas de la composition. Il porte un manteau bleu sur une chemise rouge, et ses cheveux et sa barbe blancs révèlent son âge.
Des démons hybrides fantastiques affrontent Antoine de tous côtés. Devant lui, à droite de la composition, un démon à tête d’oiseau l’attaque avec un bâton. Derrière celui-ci, un démon orange lève également un bâton pour attaquer Antoine.
Derrière lui, à gauche de la composition, un démon à tête de dragon et à cornes tire sur son manteau tandis qu’un autre, partiellement caché, lui tire les cheveux.
Au bas de la composition, deux démons semblent rester sans rien faire. Le monstre en forme de tatou se détourne d’Antoine, tandis que dans le coin inférieur gauche de la composition, le monstre ressemblant à un humain a un air maladif et souffre de furoncles sur son corps. Il fait face à Antoine, mais sa tête regarde vers le ciel.
Ce qu’il regarde, cependant, nous amène vers le haut de la composition. En remontant, nous voyons des démons en arrière-plan qui regardent le tourment d’Antoine. Certains luttent contre quelque chose au loin sur la droite. À gauche, la cabane d’Antoine, que les démons ont détruite.
Dans le ciel, nous pouvons voir des figures sombres qui se battent contre des figures claires. Et tout en haut à gauche de la composition, les cieux s’ouvrent et révèlent le Divin qui est venu aider Antoine.
Vaincre le mal sans peur
Antoine a un but, et son objectif est de se rapprocher de Dieu et de l’amour de Dieu. Les démons ont aussi un plan : faire renoncer Antoine à son projet. Ces démons sont voués à l’échec, car Antoine n’endurera pas seul ses tourments.
Mais Antoine doit d’abord prouver sa détermination. Il doit prouver qu’il est digne aux yeux du divin avant que l’aide divine ne lui soit accordée. Pour cela, Antoine doit rester là et supporter calmement. Bien qu’Antoine soit attaqué par une série de démons de toutes parts, Grünewald le dépeint dans un état calme, sans expression de douleur ou d’inquiétude.
Souvent, beaucoup d’entre nous qui croient au divin demandent à être soulagés de leurs problèmes sans pour autant vivre leur vie selon les exigences morales du divin. Certains d’entre nous vont même jusqu’à demander au divin d’être béni par les dons du monde, comme si nous étions en mesure de donner des ordres aux cieux.
Mais des exemples comme celui de Saint Antoine nous rappellent qu’il existe une exigence morale pour l’intervention divine. Devons-nous d’abord surmonter nos tentations et nous montrer dignes avant que les cieux s’ouvrent et aident notre monde ?
Devons-nous d’abord nous tourner vers l’intérieur pour affronter l’obscurité qui hante nos esprits avant que le ciel n’éclaire et ne détruise cette obscurité ? Combien sommes-nous prêts à endurer pour vraiment cultiver l’amour du divin et l’intrépidité face au mal ?
Les arts traditionnels contiennent souvent des représentations et des symboles spirituels dont la signification peut être perdue pour nos esprits modernes. Dans notre série « Atteindre l’intérieur : ce que l’art traditionnel offre au cœur », nous interprétons les arts visuels d’une manière qui peut être moralement perspicace pour nous aujourd’hui. Nous ne prétendons pas fournir des réponses absolues aux questions auxquelles les générations ont été confrontées, mais nous espérons que nos questions inspireront un voyage de réflexion dans le but de devenir des êtres humains plus authentiques, plus compatissants et plus courageux.
Eric Bess est artiste figuratif en exercice et candidat au doctorat à l’Institut d’études doctorales en arts visuels (IDSVA).
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