Le feuilleton Benalla n’en finit pas de rebondir : Matignon a confirmé mercredi avoir transmis des informations au parquet de Paris au sujet de l’enregistrement révélé par Mediapart, conduisant à l’ouverture d’une enquête et à une tentative de perquisition controversée au siège du site d’information.
Le 31 janvier, Mediapart avait publié des extraits sonores d’une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase en date du 26 juillet, soit quatre jours après leur mise en examen dans l’affaire des violences du 1er mai et en violation de leur contrôle judiciaire.
L’ex-chargé de mission à l’Élysée se targuait devant son ami, ancien employé de La République en marche (LREM), du soutien d’Emmanuel Macron dans cette affaire.
Après la publication de l’article de Mediapart, des journalistes ont tenté de vérifier auprès de Matignon l’hypothèse selon laquelle cette conversation a été enregistrée au domicile de la cheffe du Groupe de sécurité du Premier ministre (GSPM), un service sensible notamment en charge de la protection du Premier ministre.
Dans un courrier transmis au parquet de Paris le 1er février et obtenu par l’agence France Presse (AFP), Matignon explique alors avoir mené des vérifications qui n’ont pas confirmé cette « allégation », sans toutefois lever tous les doutes.
Cette lettre visait à informer le procureur de Paris Rémy Heitz « en toute transparence », a expliqué mercredi Matignon.
Selon une source proche du dossier, c’est sur cette base que le parquet a ouvert ce week-end une enquête pour « détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d’interception de télécommunications ou de conversations » et « atteinte à l’intimité de la vie privée ».
Dans ce cadre, deux magistrats du parquet et trois policiers ont tenté lundi de perquisitionner les locaux de Mediapart, pour se faire remettre les enregistrements, une initiative vivement dénoncée par le site d’information, plusieurs médias et l’opposition comme une atteinte au secret des sources des journalistes.
L’enquête s’est poursuivie avec l’audition mardi de la cheffe du GSPM par la brigade criminelle. Selon Le Parisien, cette commissaire divisionnaire, qui était entendue en audition libre, a nié avoir effectué ces enregistrements.
Selon le quotidien, la policière a reconnu devant les enquêteurs avoir reçu, en présence de son compagnon, Alexandre Benalla à son domicile « sans pouvoir préciser le jour » et a dit ne pas se souvenir de la présence de Vincent Crase.
Selon le courrier de Matignon adressé au procureur, elle avait déjà indiqué au directeur de cabinet du Premier ministre, Benoît Ribadeau-Dumas, « ne pas connaître M. Crase ».
« Elle dément également que son compagnon ait pu organiser cette rencontre chez elle en son absence », ont ajouté mercredi les services du Premier ministre.
Mercredi, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles a confirmé avoir interrogé vendredi Matignon sur les rumeurs autour de l’enregistrement Benalla.
« À ce moment-là on essayait de comprendre si c’était une interception téléphonique », a expliqué Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction. Leur journaliste préparait un article « sur les différentes pistes », qui ne sera pas diffusé « puisque aucune n’est confirmée ».
« On vérifie systématiquement les infos de cette manière mais c’est bien la première fois que ça débouche » sur une enquête judiciaire, s’est-il étonné.
Les questions des journalistes rapportées par Matignon laissaient aussi entendre qu’une telle conversation aurait pu être enregistrée par un service de renseignement.
Or, après de « rapides vérifications », aucun des quatre protagonistes n’a « fait l’objet d’autorisations de techniques de renseignement sur cette période », a assuré le directeur de cabinet au procureur. Matignon a répété mercredi qu’« aucune écoute administrative n’avait été autorisée ».
Le parquet de Paris s’est refusé à tout commentaire alors que l’enquête se poursuit et que le mystère demeure sur le lieu et les conditions de la rencontre clandestine entre les deux hommes.
« Mediapart sait tout des enregistrements mais ne dira rien, en creux, en plein ou en délié, qui pourrait de près ou de loin alimenter la discussion sur ses sources éventuelles », avait prévenu lundi soir Fabrice Arfi, co-responsable des enquêtes du journal en ligne.
D. S avec AFP
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