Entre art de vivre et histoire, les mille facettes du parfum

10 janvier 2017 16:01 Mis à jour: 11 janvier 2017 10:41

Le jeudi 22 décembre, le Grand Musée du Parfum a ouvert ses portes au 73, rue du Faubourg Saint-Honoré. Sur 1 400 m², une soixantaine de maisons de parfums et une collection de 72 odeurs exclusives invitent curieux et passionnés à découvrir le patrimoine et l’histoire de cet art. Le tout mis en scène dans un cadre contemporain et interactif. Rencontre avec Sandra Armstrong, directrice générale du musée.

Paris et la France jouent un rôle de premier plan dans l’histoire du parfum.

Oui, le sujet est traité dans la galerie de la première partie, « l’histoire du parfum ». On y présente des personnages illustres, dont certains sont français.

On peut le dater : à partir de 1830, la parfumerie prend une place toute particulière en France dès la synthèse des premiers parfums de fleurs. Paris est alors la capitale mondiale de l’élégance et du goût. On peut dire qu’elle est reconnue comme la capitale du parfum à l’Exposition universelle de 1900. La parfumerie française a su s’imposer à la fois pour ses qualités d’audace créative, mais surtout d’expertise industrielle. Les maisons de compositions inventent les premières molécules de synthèse, et de là naîtra le terme de parfumerie moderne, qui se caractérise comme une alliance entre des molécules de synthèse telle que la coumarine ou la calone, et des essences et extraits naturels. C’est à ce moment-là que l’essor de la parfumerie devient un phénomène français alliant la mode à la chimie, au commerce et à l’audace créative.

Quel est le rôle du Grand Musée du Parfum ?

Le parfum est un pilier de notre histoire, de notre patrimoine, de notre art de vivre, il est lié à nos cultures. Nous sommes persuadés que le parfum est un art véritable, emblématique de l’histoire de la France. Le but du musée est de présenter et de faire découvrir ce savoir-faire, ainsi que de mettre en lumière une partie de l’histoire de notre civilisation qui lie l’odorat à l’émotion. En même temps, nous répondons à des questions très simples sur les diverses utilisations du parfum.

Ce musée est vraiment destiné à tous. Certains vont s’intéresser à la partie très scientifique de la chimie des odeurs, d’autres vont découvrir la pluralité des vertus des parfums et des croyances des hommes autour du parfum. D’autres encore vont s’intéresser à la démarche de création des parfumeurs…

Le sens de l’olfaction est finalement assez méconnu alors qu’il est d’un pouvoir évocateur extrêmement riche et que chacun, que ce soit en fonction de sa culture ou dans une démarche scientifique, dispose de ses propres sens. Quand on respire une odeur, on réalise son propre voyage intérieur.

À ce sujet, vous avez aussi le soutien de nombreux partenaires, institutions et grands professionnels. Quelle a été votre démarche pour fédérer ces groupes ?

Nous sommes allés voir le Syndicat français de la parfumerie et International Flavour and Fragrancy (IFF) car les deux vont de pair. IFF, en tant que maison de composition, a des parfumeurs de renom qui ont créé des parfums comme Trésor de Lancôme ou Paris de Yves Saint Laurent. Ils ont parfumé toutes les salles afin de proposer cette expérience sensorielle. Nous étions attachés, en tant que fondateur, à trouver un parrain comme IFF.

Le Concept Store propose une sélection élaborée de parfums, livres, objets innovants et présente un bar à fleurs. (Harvey & John)

L’un de nos objectifs est de raconter toute l’histoire des maisons de parfums. Nous sommes donc allés voir le Syndicat français de la parfumerie, qui fédère les soixante marques et maisons de parfums, et leur avons présenté notre projet scientifique et culturel. Puis, nous avons contacté chacune des maisons de parfums pour les convaincre, en one-to-one, d’exposer leurs objets iconiques, patrimoniaux, culturels, leurs images d’archives. Enfin, Anne Hidalgo et toutes les autorités publiques nous ont soutenus.

Nous présentons un lieu emblématique de leur savoir-faire, qui leur permet d’être connus et reconnus. C’est aussi une ouverture au grand public. Dans une démarche B to B, nous avons l’ambition d’accueillir des visiteurs dont beaucoup d’étrangers qui auront aussi l’ambition d’être reconnus pour leur expertise auprès d’acteurs. Comme le lieu est vaste, nous mettons en place de nombreuses salles d’expositions temporaires, ateliers, espaces de démonstration, pour accueillir un public plus privilégié et plus business.

Vous avez l’intention de reconstituer des parfums de couples historiques, tels que Cléopâtre et Marc Antoine. Comment vous y prenez-vous ?

Nous n’avons pas encore reconstitué ce parfum, nous le ferons à l’avenir. Le premier parfum que l’on a reconstitué, c’est le kyphi. Le kyphi a été écrit en hiéroglyphes dans un tombeau de pharaon et nous l’avons reconstitué à partir de formules d’archives. Nous présentons aussi l’eau de la reine de Hongrie, créé en 1370, encore à partir de formules d’archives. Il y a également la première eau de Cologne, datant de 1695. Vous pouvez sentir des matières premières emblématiques de certaines époques, comme la myrrhe, l’oliban, le musc tonkin. Raconter l’histoire du parfum, c’est aussi un peu raconter l’histoire de l’humanité parce que selon les époques, à l’instar de la mode, le parfum est un repère, il a une symbolique qui lui est propre. Il a d’abord été utilisé comme un élément sacré, puis on a cru en ses vertus curatives, et il a été objet de séduction.

Le musée présente aussi le rôle du parfum dans l’histoire.

Oui, notre parcours présente des légendes. Il y en a une qui intrigue, c’est que l’on buvait de l’eau de Cologne ! Mais il n’y avait pas de problème à ce sujet car il s’agissait de plantes aromatiques aux effets antiseptiques qui étaient macérées dans de l’alcool et que l’on buvait comme du vin. Napoléon buvait de l’eau de Cologne sur le champ de bataille !

Parfums créés par la Maison Piver durant la seconde moitié du XIXe siècle, dans une boutique située Place de la Bourse à Paris. (© Musée International de la Parfumerie)

Par rapport à la séduction, Cléopâtre parfumait les voiles de son bateau pour séduire Marc Antoine. On raconte aussi le couple formé par Catherine de Médicis et son parfumeur, qui a beaucoup fait progresser la parfumerie. Catherine de Médicis a financé de nombreuses caravanes et expéditions, pour aller trouver des matières premières en Orient. Selon les époques, on voit bien que des personnages historiques et illustres ont fait progresser cet art.

Dans la troisième partie de votre parcours, vous racontez comment les grands parfums sont créés. Qu’est-ce qui a changé dans l’évolution de la technique pour ces créations ?

Plus que la technique, nous nous intéressons à la démarche de création. Nous célébrons le parfumeur comme un artiste et expliquons comment il crée un parfum. Un parfumeur a une formidable mémoire olfactive, il possède de nombreuses sources d’inspiration. Il ne faut pas faire l’erreur de penser que c’est seulement un chimiste. Il s’agit à la fois d’un art et d’une science. Le parfumeur doit posséder une connaissance très pointue de la chimie, des odeurs.

Avant de composer un parfum, on le crée, on pense sa formule comme on crée une œuvre d’art, de manière très cérébrale et conceptuelle. Le parfumeur travaille en tandem avec un laborantin ou un assistant. Le parfumeur crée ce parfum dans sa tête, j’insiste sur ce terme, il l’écrit ensuite et c’est son laborantin qui, ensuite, fait ce travail très précis de ce que l’on appelle la pesée des matières premières.

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