Entre wokisme et progressisme : les ingrédients de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris

Par Germain de Lupiac
27 juillet 2024 14:12 Mis à jour: 27 juillet 2024 17:11

La cérémonie a été une indéniable prouesse technique, saluée de la gauche à l’extrême gauche. Elle a pourtant commencé avec l’arrivée de la pluie qui s’est intensifiée au fur et à mesure que la soirée avançait. C’était la première fois qu’une cérémonie d’ouverture de JO était organisée hors d’un stade et cela pourrait en faire « la cérémonie d’ouverture la plus arrosée de l’histoire des Jeux olympiques » de l’ère moderne, a commenté le présentateur de CNN, Kyle Feldscher.

Pour le contenu, plusieurs tableaux ont mis l’accent sur ce que le progressisme moderne fait de meilleur : anti-patriarcat, anti-cléricalisme, pro-féminisme, pro-LGBT, pro-drag queen, pro-libertinage, etc. une vision de la France choisie par les organisateurs mais qui ne correspond qu’en minorité au paysage culturel français.

Pourtant, selon l’article 50-02 de la Charte olympique du CIO, « aucune sorte de démonstration ou propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ». Une application à géométrie variable quand on connaît la proximité d’Emmanuel Macron avec le progressisme.

Mais la cérémonie, qui a coûté plus de 120 millions d’euros, pourrait laisser un goût amer après l’été, une fois le retour à la réalité politique que traverse le pays.

Une déconstruction de la France à travers une succession de tableaux 

Le directeur artistique Thomas Jolly avait promis des tableaux qui racontent un pays riche de sa « diversité », « inclusif », « non pas une France mais plusieurs France ». Ce qui n’a pas empêché le début du défilé des délégations sur la Seine de commencer par un magnifique rideau bleu-blanc-rouge sur le Pont d’Austerlitz.

 

Malgré une pluie battante, différents tableaux se sont succédé montrant une image moderne et wokiste de la France, à contre-courant de l’histoire française millénaire.

Sur le Pont des Arts, l’artiste franco-malienne Aya Nakamura a chanté, accompagnée de danseuses et de la Garde républicaine, dans une séquence rendant hommage au « métissage et au mélange des genres ». Elle a repris ses deux titres les plus connus, Pookie puis Djadja, avant d’interpréter For me Formidable de Charles Aznavour – devant l’Académie française, fondée pour la préservation de la langue française, faisant un clin d’œil à la polémique quant à sa participation à la cérémonie.

Ensuite, la cérémonie a multiplié les clins d’œil à la Révolution française, à commencer par son titre « Ça ira! », en référence au chant révolutionnaire Ah, ça ira, ça ira, ça ira!, mais réarrangé par le groupe Gojira, célébrant les massacres de la Révolution avec des effets techniques mélangeant du feu et du sang, le tout accompagne de musique metal.

La Conciergerie, premier palais des rois Francs et siège de la Justice depuis Saint Louis, a servi d’écrin pour montrer le procès d’une jeune reine apeurée, Marie-Antoinette, avant sa décapitation par la Convention, à un des moments les plus chaotiques de l’histoire française qui marqua les débuts de la République.

Dans le tableau suivant, des drag queens ont reproduit le dernier repas du Christ, le tableau de la Cène de Léonard de Vinci, en mettant en avant la communauté LGBT+. Une scène dénoncée par la Conférence des évêques de France le lendemain dans une communiqué : « Ce matin, nous pensons à tous les chrétiens de tous les continents qui ont été blessés par l’outrance et la provocation de certaines scènes ». Le chanteur Philippe Katerine apparaissait ensuite en Dionysos peint en bleu au milieu de la table, véhiculant l’image d’une France bacchanale et sans pudeur.

Les téléspectateurs ont pu néanmoins apprécier le patrimoine du centre historique de Paris. La cathédrale Notre-Dame, qui doit rouvrir en décembre après son gigantesque incendie en 2019, a été à l’honneur, lors d’une séquence chorégraphiée notamment sur ses échafaudages, rendant hommage à tous les corps de métiers impliqués dans sa reconstruction. Sur le toit du Grand Palais, la Mezzo-soprano Axelle Saint Cirel a interprété  la Marseillaise – pour certains le meilleur moment de la soirée.

Au niveau du Pont Alexandre-III, un hommage appuyé et politisé a été rendu à dix figures féminines de gauche de l’histoire de France, à commencer par Olympe de Gouges – oubliant des figures telles que Jeanne d’Arc qui a contribué à libérer la France des Anglais pendant la Guerre de Cent Ans ; Geneviève, sainte Patronne de Paris, ayant participé à la conversion de Clovis et protégé la capitale quand Paris n’était qu’une île ; Anne d’Autriche qui participera au rayonnement du Grand Siècle pendant la jeunesse de Louis XIV ; Blanche de Castille qui, par l’éducation de son fils Louis IX, participa à un renouveau spirituel au Moyen Âge et l’avènement du siècle des cathédrales, etc.

On apprenait avant le début de la cérémonie sur France 2, que le spectacle avait comme cahier des charges de dénoncer le patriarcat et le cléricalisme, et de mettre en avant l’inclusivité, a expliqué la directrice des costumes de la cérémonie et animatrice d’une émission de drag queen sur la même chaîne, Daphné Bürki.

Pour continuer de « casser les codes », les disciplines urbaines et les sports modernes tels que le BMX, le break-dance ou le basket freestyle ont mis en lumière les grandes figures dirigeantes de la France à travers les siècles. Louis XIV, le « Roi Soleil », monarque absolu au plus long règne d’un roi de France (1643-1715), a ainsi partagé l’affiche sur un BMX, avec Napoléon Ier ou encore le Général De Gaulle, figure emblématique de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale puis Président de 1958 à 1969.

Enfin, sur une barge sur la Seine, accompagnée de Sofiane Pamart jouant sur un piano en feu, la chanteuse française Juliette Armanet a interprété Imagine de John Lennon, chanson planétaire que son auteur décrira comme « anti-religieuse, anti-nationaliste, anti-norme et anticapitaliste, mais acceptée parce qu’enrobée de sucre ».

Pour clore la partie sur l’eau, un cheval argenté mécanique lancé au galop a parcouru la Seine sur les six kilomètres pour propager « l’esprit olympique », devant quelque 320.000 spectateurs réfugiés sous parapluies et ponchos. La cérémonie s’est terminée par l’allumage de la vasque olympique au jardin des Tuileries, des faisceaux de lasers autour de la tour Eiffel, et l’interprétation de l’Hymne à l’amour d’Édith Piaf par la chanteuse Céline Dion.

Le « contraire de la grandeur »

À côté de la vague d’enthousiasmes et de qualificatifs dithyrambiques justifiés devant l’ampleur des préparatifs et du décor, plusieurs voix ont dénoncé un biais anti-français et des moqueries faites contre les chrétiens.

« La cérémonie d’ouverture des JO a donc choisi comme symbole de la France la décapitation de Marie-Antoinette, une femme par ailleurs soumise à une détention inhumaine. L’historien Patrick Boucheron voulait que l’événement montre le ‘contraire de la grandeur’. Mission accomplie. » a commenté l’essayiste Eric Naulleau sur X.

Pour le journaliste Éric Revel, c’est « la seule religion que l’on peut humilier. J’ai aimé cette cérémonie. Mais cette bouffonnerie anti catho est une provocation pitoyable » en publiant une photo de la Cène reproduite avec la communauté LGBT+.

« À tous les chrétiens du monde qui […] se sont sentis insultés par cette parodie drag queen de la Cène, sachez que ce n’est pas la France qui parle mais une minorité de gauche prête à toutes les provocations », a renchéri l’eurodéputée Marion Maréchal.

« ‘Transgressif’, ‘casser les codes’ mais n’est-ce pas plutôt de l’art officiel (avec la règle des cinq provocations comme autrefois les trois unités), une sorte d’académisme de la déconstruction, d’art pompier du régime contemporain ? » a commenté quant à lui l’éditorialiste Vincent Tremolet de Villers.

Tenter de faire oublier la crise politique actuelle

« Les JO et les Jeux paralympiques sont une formidable caisse de résonance médiatique, diplomatique et géopolitique », a commenté Lukas Aubin, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) en charge du programme sport et géopolitique. « C’est un événement regardé par quatre à cinq milliards de téléspectateurs. Il n’y a pas d’équivalent dans le monde, mis à part peut être la coupe du monde de foot. »

Pas moins de 85 chefs d’État et de gouvernement ont été réunis à Paris, tout d’abord lors d’une réception vendredi après-midi à l’Élysée, puis à la cérémonie d’ouverture.

« Diplomatiquement, on peut dire que le monde est à Paris ce soir », résume Lukas Aubin. « Ça peut être quelque chose de positif dans un moment géopolitique très compliqué de faille entre le monde occidental et le monde non occidental », ajoute-t-il.

Sur le plan intérieur, ces JO sont une opportunité pour Emmanuel Macron de faire temporairement oublier la crise politique provoquée par sa décision surprise de dissoudre l’Assemblée nationale et d’organiser des législatives anticipées, qui ont créé une situation politique très confuse.

Plus de deux semaines après ce scrutin – convoqué après l’échec cuisant du parti présidentiel aux élections européennes du 9 juin – l’ensemble du paysage politique peine encore à se distinguer, et la France est dirigée par un gouvernement démissionnaire aux pouvoirs limités.

Pour le politologue Bruno Cautrès, des JO réussis permettront à Emmanuel Macron de « gagner du temps » mais ne renverseront pas l’opinion, déboussolée par cette crise. « L’impression laissée par cette dissolution ratée est trop importante. Personne n’a compris, et les JO n’y changeront absolument rien. »

Pour Lukas Aubin, « les problèmes politiques vont être mis de côté pendant un moment », estime-t-il. « Mais si ce n’est pas suivi d’actes politiques, ça ne durera probablement pas, le soufflé retombera. »

Une scène fera d’ailleurs date dans cette cérémonie rappelant au Président la réalité de sa mandature. À la fin de la cérémonie, au moment de la proclamation de l’ouverture des JO, Emmanuel Macron a été copieusement sifflé, alors que le public du Trocadéro était trié sur le volet.

Dans la morosité politique ambiante, cette cérémonie pourrait laisser pour une partie des Français un sentiment de déception et une sensation d’amertume, avant un dur retour à la réalité à la rentrée de septembre.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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