Dans le monde du travail, l’esprit woke peut rebuter certains travailleurs, que ce soit des salariés implantés dans une entreprise favorable à ce courant de pensée ou des personnes en recherche d’emploi.
Tout le monde n’adhère pas à la culture woke, loin s’en faut, même si celle-ci est dans l’air du temps et gagne progressivement du terrain. Mais l’esprit woke d’une entreprise peut-il être perçu comme un moyen de discrimination envers ceux qui ne le soutiennent pas ?
« C’est un nouveau critère de discrimination »
Pour Franck Neveu, linguiste et professeur à La Sorbonne, la réponse est oui. « Il y a une forme de pression à l’embauche qui est absolument insupportable », explique-t-il au Figaro. « C’est un nouveau critère de discrimination », car, ajoute-t-il, « la personne en entretien n’est peut-être pas concernée par cette question de genre ».
Lors d’entretiens d’embauche, des travailleurs confrontés à des entreprises affichant clairement leur penchant pour l’inclusivité préfèrent carrément stopper le processus de recrutement lorsque leurs idées sont en désaccord avec celles-ci. D’autres, travaillant au sein de telles entreprises, peuvent même en arriver à la démission. Une enquête IPSOS-BCG-CGE – menée en mars 2021 et intitulée « Talents : ce qu’ils attendent de l’emploi » – a révélé que 76% des jeunes souhaitent trouver un poste en adéquation avec leurs valeurs.
Des entreprises qui veulent être « irréprochables » en matière d’inclusivité
Pour afficher explicitement leurs tendances, les entreprises en accord avec cette culture woke n’hésitent pas à utiliser l’écriture inclusive. Elles peuvent également employer le mot « iel » – qui est la contraction d’ « il » et d’ « elle » – pour désigner une personne qui ne sent d’appartenance à aucun genre. Dans l’intitulé d’un poste, elles peuvent aussi mentionner « M/F/X », M désignant « male », F « female » et X pour les personnes qui se déclarent « neutres ».
Ces différentes utilisations linguistiques, de plus en plus répandues, dénotent une volonté de l’entreprise d’être « irréprochable » et d’accepter toute personne, sans discrimination en matière d’inclusivité.
« Ce n’est pas pour des formes d’énonciation qu’on embauche quelqu’un »
Pour Franck Neveu, demander à un candidat par quel pronom il souhaite qu’on le désigne n’est pas une question anodine. « Une personne à qui l’on pose cette question a légitimement le droit de craindre de répondre à côté des attentes de l’embaucheur, et donc d’être en danger pour l’obtention du poste », pointe-t-il, rappelant bien que « ce n’est pas pour des formes d’énonciation qu’on embauche quelqu’un, mais pour ses compétences ».
« Refuser par idéologie le masculin générique est clivant », poursuit le linguiste. « L’expression linguistique fonctionne depuis toujours sur le principe de l’économie, que ce soit à l’écrit ou à l’oral », signifie-t-il encore. Il trouve « rassurant » que « des jeunes refusent de jouer le jeu de l’inclusivisme », car selon lui, ces jeunes « suspectent derrière ce type de discours une idéologie qui va les pousser à partager une sorte de bien-pensance », un choix qu’ils refusent qu’on leur impose.
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