Longtemps cantonnée aux installations sur la terre ferme, l’énergie éolienne investit désormais le territoire marin. Si la plupart des éoliennes en mer sont posées sur des fonds à moins de 30 kilomètres des côtes, les éoliennes offshore flottantes prennent le large pour bénéficier de vents plus puissants et plus réguliers.
Alors que Paris s’est fixé un objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans la production d’électricité pour 2030, l’éolien offshore français semble promis à un grand avenir. Comment alors expliquer le retard dans ce domaine ? À ce jour, aucun des projets de fermes d’éoliennes offshore attribués entre 2012 et 2014 n’est en effet opérationnel.
L’éolien en France
L’énergie éolienne représente 4 % de la production d’électricité française et environ 20 % des énergies renouvelables produites dans le pays. Ces dernières sont encore dominées par l’hydroélectricité, qui utilise la force motrice des cours d’eau. Mais le potentiel de l’énergie hydroélectrique plafonne, les principales ressources étant déjà exploitées.
L’énergie éolienne n’en est qu’à ses débuts et ouvre des perspectives intéressantes. D’ailleurs, si la moyenne mondiale est proche des 4 % constatés en France, certains pays vont bien plus loin. En Europe, le Danemark produit ainsi plus de 40 % de son électricité grâce à des éoliennes, suivi de l’Espagne (environ 20 %) et du Royaume-Uni (près de 13 %).
En France, le parc éolien se compose aujourd’hui exclusivement d’éoliennes terrestres installées au cours des 10 à 15 dernières années. Sa capacité, de 13,4 GW à fin 2017, augmente d’environ 1 GW par an. Un développement continu, mais inférieur aux objectifs fixés par l’État.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – qui constitue la feuille de route de la transition énergétique française – prévoit en effet une cible de 15 GW d’énergie éolienne terrestre à fin 2018 et entre 22 et 26 GW à fin 2023.
Cet écart s’explique notamment par les nombreux recours déposés augmentant significativement le temps de développement des projets, et qui freinent l’essor de cette source d’énergie renouvelable.
L’émergence de l’éolien offshore
En parallèle de l’éolien terrestre, une nouvelle filière a émergé dans le monde ces dernières années : l’éolien offshore, dont le type d’installation varie selon l’emplacement. Jusqu’à 50 mètres de profondeur d’eau, ces éoliennes sont fixées au sol marin ; on parle alors d’éoliennes offshore « posées ». Au-delà de 50 mètres, ce type d’implantation devient trop coûteux. Les éoliennes sont alors reliées à un support flottant à la surface de l’océan ou juste en dessous de celle-ci. On parle d’éoliennes offshore « flottantes ».
Une éolienne offshore se compose d’un socle supportant un mât, au sommet duquel se trouve une nacelle équipée de pales. Ces dernières sont mises en rotation par le vent, tandis qu’une génératrice située dans la nacelle transforme l’énergie cinétique en électricité. Les pales tournant autour de leur axe, elles peuvent ainsi être orientées en fonction du vent, ce qui présente non seulement l’intérêt d’augmenter l’énergie produite, mais aussi d’éviter des dommages mécaniques en cas de tempêtes.
L’objectif fixé par la PPE pour les éoliennes offshore posées (technologie la plus mature à ce jour) est de 500 MW à fin 2018 et de 3 GW à fin 2023, auxquels doivent s’ajouter, à hauteur de 0,5 à 6 GW, des projets attribués dans le cadre d’appels d’offres, mais non encore installés.
Cette cible modeste reflète le démarrage récent de cette industrie : les premiers projets ont été attribués entre 2012 et 2014 pour un total de six parcs éoliens, d’une capacité de 3 GW. En Europe, le champion de l’éolien offshore est le Royaume-Uni, suivi de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Danemark.
L’éolien offshore flottant, quant à lui, n’en est qu’à ses balbutiements. Quatre projets de fermes pilotes ont été attribués fin 2016 en Méditerranée et en Atlantique, pour une capacité totale de 100 MW et une installation prévue à l’horizon 2020-2021.
Un développement terrestre limité
Si l’éolien terrestre est plus facile à mettre en œuvre – ce qui explique qu’il ait été exploité en premier –, il est toujours soumis à des questions d’acceptabilité sociétale qui restent un frein.
Notons aussi que les vents sont plus forts et plus constants en mer. À puissance installée égale, on produit donc plus d’électricité et de façon plus régulière, ce qui facilite l’intégration sur le réseau.
Enfin, depuis deux à trois ans, le développement de l’éolien offshore a enclenché une dynamique de réduction de coûts qui devraient rejoindre à horizon 2025 ceux de l’éolien terrestre. Cette tendance s’explique à la fois par la plus grande puissance des machines (et donc un coût unitaire d’installation réduit), une concurrence de plus en plus forte (notamment pour la fabrication des éoliennes) et des taux de financement plus attractifs. Si les technologies suivent, l’argument économique ne sera bientôt plus un frein au développement de l’éolien offshore. Un premier parc financé sans subvention devrait ainsi voir le jour en 2022 au Pays-Bas.
Plusieurs défis à relever
Malgré des atouts remarquables (11 millions de km2 de surface maritime, soit le deuxième potentiel européen en termes de côtes), la France est en retard, même si une première éolienne offshore a été inaugurée en octobre 2017 à Saint-Nazaire. De tous les projets attribués en 2012-2014, aucun n’a été mis en service.
Pourquoi ? D’une part, pour des raisons politiques. Longtemps axée sur le nucléaire, la stratégie énergétique française n’a entamé que tardivement une dynamique de rééquilibrage du mix énergétique intégrant les énergies renouvelables. Le cadre administratif et réglementaire français doit également être simplifié.
À l’avenir, des « permis enveloppes » pourraient permettre aux porteurs de projets de définir une gamme de solutions techniques pouvant être affinées à mesure que les technologies évolueront. Aujourd’hui, ils doivent énumérer les caractéristiques techniques précises des éoliennes dès le début du projet.
Enfin, comme pour l’éolien terrestre, une concertation avec les usagers de la mer est incontournable avant tout projet et allonge les délais de réalisation.
Ces caractéristiques laissent entrevoir quels axes doivent guider les efforts des chercheurs et les industriels. Les chercheurs d’IFP Énergies nouvelles travaillent par exemple actuellement sur un flotteur léger et à faible tirant d’eau, qui sera testé dans le cadre du projet de démonstration Provence Grand Large au large de Fos-sur-Mer.
Au-delà de la réduction des coûts de fabrication, d’installation et production qui sous-tendent les projets de recherche en cours, un ultime défi devra également être relevé : celui de l’intégration sur le réseau électrique.
À l’heure actuelle, ce dernier n’est pas dimensionné pour accueillir les fortes puissances fournies par les éoliennes offshore. En outre, bien que la constance des vents en mer limite les problèmes d’intermittence (ce qui n’est pas le cas d’autres énergies renouvelables, comme l’énergie solaire), l’énergie éolienne reste fluctuante et nécessitera probablement à terme des solutions de flexibilité comme le stockage massif au-delà d’une certaine puissance connectée au réseau.
Daniel Averbuch, Program Manager, Wind Energy / Energy storage, IFP Énergies nouvelles et Pierre Marion, Ingénieur en études économiques, IFP Énergies nouvelles
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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