Équateur : des victimes d’esclavage moderne gagnent leur procès contre leur employeur japonais

Par Epoch Times avec AFP
11 décembre 2024 13:30 Mis à jour: 11 décembre 2024 13:42

Des employés d’une entreprise japonaise de textile en Équateur ont témoigné mardi leurs terribles conditions de vie et de travail, après la condamnation par la justice équatorienne de cette société pour « esclavagisme ».

La semaine dernière, la Cour Constitutionnelle a condamné Furukawa, filiale de la société japonaise FPC Marketing, qui opère dans le pays depuis 1963, pour avoir « maintenu dans ses exploitations une pratique analogue à l’esclavage (…) », et d’avoir « nié leur dignité humaine ».

Il lui est reproché en particulier d’avoir « tiré profit de (ces) personnes dans des conditions d’extrême vulnérabilité » pour les parquer dans des campements miséreux et insalubres, au sein de cette exploitation d’abaca, fine fibre végétale issue d’une variété de bananiers, proche du chanvre et du rotin.

120.000 dollars pour chacune des 342 victimes

L’entreprise a été condamnée à verser à chacune des 342 victimes la somme de 120.000 dollars, pour un total avoisinant les 41 millions de dollars. Elle devra également leur faire des excuses publiques, ainsi que le gouvernement, alors que les institutions, selon l’arrêt de la Cour, « ont manqué à leur devoir de prendre des mesures de prévention et de protection ».

Pendant des décennies, Furukawa a hébergé dans des camps surpeuplés, sans électricité ni eau potable, des centaines de salariés. Des femmes ont dû donner naissance et élever leurs enfants dans ces conditions. Plusieurs ont été victimes d’accidents du travail et neuf d’entre elles sont décédées en attendant que justice soit faite.

« C’est une blessure que je porterai toujours dans mon cœur »

« J’ai donné naissance à tous mes enfants dans l’entreprise, je n’ai pas eu de suivi post-partum ni de suivi médical pendant ma grossesse. C’est une blessure que je porterai toujours dans mon cœur », a témoigné mardi devant la presse une ancienne salariée de 39 ans, Maria Guerrero, arrivée sur les fermes de l’exploitation à l’âge de deux ans, dans les bagages de ses parents

Maria Guerrero, ancienne employée de Furukawa, parle lors d’une interview avec l’AFP après une conférence de presse à Quito le 10 décembre 2024. (RODRIGO BUENDIA/AFP via Getty Images)

Ils décident en 2018 de s’attaquer au « monstre »

Les anciens employés ont vécu dans la crainte de perdre leurs maigres moyens de subsistance pendant des décennies, jusqu’à ce qu’ils décident en 2018 de s’attaquer au « monstre », comme certains d’entre eux l’ont raconté.

En 2021, les plantations s’étendaient sur près de 23.000 hectares, disséminées sur trois provinces de la côte Pacifique où vivent majoritairement des populations noires.

La directrice de la Commission œcuménique des droits de l’homme, Cedhu Elsi Monge (à gauche), parle à côté d’anciens employés de Furukawa, Susana Quinones (à droite) et Segundo Ordonez (à gauche), lors d’une conférence de presse à Quito le 10 décembre 2024. (RODRIGO BUENDIA/AFP via Getty Images)

Empêcher l’entreprise de détruire les preuves de leur calvaire

« L’entreprise a commencé à détruire les camps pour ne pas laisser de preuves, et l’un des camps où nous vivions a été le deuxième à être détruit. Ils nous ont trompés en nous disant qu’il n’y avait plus de travail pour mon mari », a expliqué Mme Guerrero à l’AFP.

Furukawa a contesté la sentence de la Cour, arguant « d’incohérences », demandant des « clarifications » et une révision à la baisse des réparations financières ordonnées, car « impossibles à respecter ». Elle affirme qu’un groupe de travailleurs a pris « possession illégalement et par la force plus de 300 hectares de propriété de l’entreprise en 2019 ».

Les anciens travailleurs assurent de leur côté occuper ces terrains pour empêcher l’entreprise de détruire les preuves de leur calvaire. Alejandro Morales, l’avocat des victimes, explique qu’ils sont protégés par une décision de justice qui leur permet de rester sur ces terres.

Des inspecteurs du travail jamais dans les plantations

Selon une autre ex-employée, Susana Quiñones, la vie dans les plantations était « horrible », et sans « la moindre chance de progrès ». Les inspecteurs du travail ne se rendaient d’ailleurs que dans les bureaux de l’entreprise et jamais dans les plantations. « Au centre, là où nous vivions, des centaines d’esclaves, de Noirs, d’Afro-descendants, personne ne venait », a-t-elle accusé.

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