C’est une première pour un ministre de la Justice en exercice : un an après son entrée au gouvernement, Eric Dupond-Moretti est convoqué vendredi devant les juges.
Éric Dupond-Moretti est attendu – avec ses trois avocats – à 9H00 à la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger les ministres pour des infractions dans l’exercice de leurs fonctions. Le ministre de la Justice devra s’expliquer sur des soupçons de conflits d’intérêts entre son action de garde des Sceaux et son ancienne activité d’avocat.
« Il sera présent, il va répondre à toutes les questions de son interrogatoire », indique son entourage à l’agence France Presse (AFP).
M. Dupond-Moretti est soupçonné d’avoir profité de son poste de garde des Sceaux pour régler des comptes dans des dossiers dans lesquels il avait été impliqué en tant qu’avocat en ordonnant des enquêtes administratives sur plusieurs magistrats, dont trois du parquet national financier (PNF).
La nomination de Dupont-Moretti comme ministre de la justice a été considérée par les magistrats comme une déclaration de guerre. Ils se vengent : perquisitions au ministère devant les TV, mise en examen en vue. Les juges dépassent les bornes, ils font de la politique
— pharos (@ChandelonR) July 8, 2021
Peut-il rester au gouvernement ?
Après une perquisition rarissime et très longue (15 heures) au ministère de la Justice le 1er juillet, le garde des Sceaux est convoqué pour un interrogatoire de première comparution, ce qui signifie que la commission d’instruction de la CJR envisage sa mise en examen pour « prise illégale d’intérêts ». Il pourrait néanmoins en ressortir sous le statut de témoin assisté, moins incriminant et qui, à ce stade, fermerait la porte à un procès.
Mais si cette mise en examen est confirmée, une question se posera avant tout : peut-il rester au gouvernement ?
Éric Dupond-Moretti, « serein et déterminé à s’expliquer » selon son entourage, ne semble pas envisager de démissionner. Il tient sa légitimité du Président de la République et du Premier ministre, répète-t-il, laissant entendre qu’il ne partira pas… tant qu’on ne le lâche pas.
Un « coup de force »
« Le Président de la République a beaucoup défendu le garde des Sceaux en conseil des ministres » mardi, note une source proche du gouvernement.
Un ministre pense qu’« il peut tenir », une autre est moins optimiste : « C’est compliqué, surtout quand on est garde des Sceaux ».
« Ce n’est pas possible, ce n’est pas tenable », abonde un ancien ministre, pour qui rester, « ce serait défier la justice de son pays, ce serait un coup de force ».
L’enquête qui met en péril l’avenir de l’ex-star du barreau avait été ouverte en janvier, après les plaintes des trois syndicats de magistrats et de l’association Anticor, accusant Éric Dupond-Moretti de conflits d’intérêts. Au cœur de leurs accusations : une enquête administrative ordonnée par le ministre en septembre contre trois magistrats du PNF ayant épluché ses relevés téléphoniques détaillés (« fadettes ») quand il était encore avocat.
Cette ouverture d’enquête administrative lui avait valu une fronde dans la magistrature et les deux plus hauts magistrats de France, Chantal Arens et François Molins, s’en étaient même inquiétés publiquement.
Des méthodes de « cow-boy »
Les syndicats reprochent également à M. Dupond-Moretti d’avoir ouvert une autre enquête administrative visant le magistrat Édouard Levrault, anciennement détaché à Monaco. Avant de devenir ministre, M. Dupond-Moretti avait été l’avocat d’un haut policier monégasque mis en examen par ce magistrat, dont il avait critiqué les méthodes de « cow-boy ».
Éric Dupond-Moretti « n’a fait que suivre les recommandations de ses services, comme l’auraient fait tous les gardes des Sceaux », martèle l’entourage du ministre, qui dénonce une « instrumentalisation » de la justice par les syndicats pour le pousser à la démission.
« On veut se le payer, ce n’est pas une procédure judiciaire mais une cabale. C’est une quasi vendetta », dit un cadre de la majorité. « S’il partait cela voudrait dire quoi ? Que ce sont les juges qui choisissent leur ministre », abonde-t-il.
La défense du garde des Sceaux avait demandé, en vain, un report de la convocation, estimant que le procureur général près la Cour de cassation, François Molins – qui a ouvert l’enquête à la CJR – était à la fois juge et partie. La directrice de cabinet de M.Dupond-Moretti affirme en effet lui avoir demandé son avis avant l’ouverture de l’enquête administrative visant les magistrats du PNF. « Un dialogue institutionnel sur une question de procédure », nuance une source judiciaire.
Mais deux des avocats d’Éric Dupond-Moretti, Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, ont fait part auprès de l’agence France Presse (AFP) de leur « vrai malaise » face au « refus opposé par la commission d’instruction de considérer le procureur général comme un témoin dans ce dossier ». « Le plus haut magistrat de France qui recommande la saisine de l’IGJ et ne met pas en garde du risque de conflits d’intérêts », ça affaiblit la thèse d’un ministre « assoiffé de vengeance », veut croire son entourage.
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