Plus que quelques heures pour que le ministre de la Justice soit fixé sur son sort. Après le procès inédit, la Cour de justice de la République (CJR) rend mercredi sa décision concernant Éric Dupond-Moretti, qui joue sans doute sa place au gouvernement.
Le garde des Sceaux, resté en poste pendant ses 10 jours de procès mais qui n’avait pas manqué une audience, sera présent au palais de Justice de Paris pour entendre la décision, à 15h00. Il devait avant cela se rendre au Conseil des ministres, qui ne se tiendra finalement pas mercredi en raison des obsèques de Gérard Collomb.
La décision de la CJR est déjà actée, même si elle est tenue secrète : les juges s’étaient réunis dans la foulée du procès, le 16 novembre, pour délibérer. Avant de la lire en audience publique, les trois magistrats professionnels et 12 parlementaires de tous bords qui composent la cour doivent se réunir une dernière fois dans la matinée, pour valider sa rédaction.
Éric Dupond-Moretti est « serein »
L’accusation a requis un an de prison avec sursis, disant sa « conviction » qu’Éric Dupond-Moretti s’était bien rendu coupable de prise illégale d’intérêts en ouvrant, en tant que ministre, des enquêtes administratives visant quatre magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat – déclenchant une plainte inédite des syndicats de la magistrature. Le ministre n’est « coupable de rien », avait répondu sa défense en plaidant la relaxe. Mais une condamnation, même « la plus basse », même « la plus ridicule », « suffirait » à entraîner sa « démission », avaient soutenu ses avocats.
À l’approche de cette échéance décisive pour son avenir politique, Éric Dupond-Moretti est « serein », satisfait d’avoir « pu s’expliquer », assure son entourage. « Pour la première fois » depuis le début de ses ennuis judiciaires quelques mois après sa nomination surprise à l’été 2020, « il s’est défendu, et a été défendu ».
Après ce procès inédit – c’est la première fois qu’un ministre de la Justice en exercice est jugé, Éric Dupond-Moretti a renfilé le costume de ministre comme si de rien n’était, enchaînant réunions et déplacements. Et à l’approche de la décision, son cabinet prépare son agenda pour la fin de semaine… quitte à devoir tout annuler si le ministre était reconnu coupable.
L’Élysée n’a rien laissé filtrer sur ses intentions en cas de condamnation du ministre, maintenu en poste malgré la mise en examen et le renvoi en procès. « On a une vie comme les autres et on est des justiciables comme les autres et donc on a le droit à la présomption d’innocence comme les autres », a estimé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran mardi sur franceinfo, en parlant d’Éric Dupond-Moretti mais aussi du ministre du Travail Olivier Dussopt, qui est lui en ce moment jugé pour favoritisme. « Ce n’est pas ça qui fait que les Français n’ont pas confiance dans les politiques », a assuré Olivier Véran.
La Première ministre Élisabeth Borne avait elle écarté en octobre la possibilité qu’Éric Dupond-Moretti reste au gouvernement en cas de condamnation, évoquant une « règle claire » déjà « appliquée », en référence au ministre Alain Griset qui avait démissionné en 2021 après sa condamnation.
« Une plainte » des députés RN
Mardi après-midi, pour sa dernière séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale avant la décision de la CJR, Éric Dupond-Moretti n’a en tout cas pas choisi de se faire discret. En réponse à une question d’une députée du Rassemblement national, il s’est lancé dans une violente charge contre l’« indécente démagogie » du parti qu’il a appelé à « chasser de ses rangs » les « identitaires, nazillons, racistes et antisémites ». Furieux, les députés RN ont quitté l’hémicycle et Marine Le Pen a annoncé « une plainte » contre le ministre.
Au cours de son procès, Éric Dupond-Moretti s’était montré égal à lui-même, ne laissant rien passer et faisant subir aux témoins à charge un fond sonore de grommellements, de soupirs exaspérés et d’exclamations indignées. « Pardon, je suis un peu bouillonnant », s’était excusé auprès de la cour l’ex-ténor du barreau, 62 ans aujourd’hui.
Devant la CJR, il n’a cessé de jurer avoir laissé loin « derrière lui » ses vieux différends avec les magistrats, n’ayant plus qu’un unique but, « réussir son ministère ». Le reste, avait-il martelé : « je m’en fous ».
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