Embauche de magistrats, simplification du code de procédure pénale… Deux projets de loi traduisant les promesses faites en janvier par le garde des Sceaux dans son « plan d’action pour la justice » arrivent mercredi en Conseil des ministres.
« On a entendu ce que disaient nos compatriotes, les magistrats et les personnels de justice », a assuré Éric Dupond-Moretti dans un entretien à l’AFP. En juillet 2022, à l’issue de huit mois de consultation et après une tribune inédite signée par des milliers de magistrats criant leur « souffrance », le rapport des États généraux avait fait le constat alarmiste d’une justice dans un « état de délabrement avancé », perçue comme « trop lente » par les Français.
« L’objet, pour moi, c’est une justice plus protectrice, une justice plus rapide, plus efficace », a résumé le garde des Sceaux, réaffirmant son « ambition de réduire par deux » les délais des procédures, tant pour la justice civile que pour la justice pénale.
« Augmentation historique » du budget et « bouffée d’oxygène dans les juridictions »
Les deux textes – un « projet de loi d’orientation et de programmation » de la justice et un « projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité de la magistrature » – seront débattus au Parlement en juin. Le premier entérine une « augmentation historique » du budget de la justice : +21% sur le quinquennat. Cela permettra notamment de financer la création de 10.000 postes, dont 1500 magistrats. « On va en cinq ans embaucher plus de magistrats que ces vingt dernières années », affirme Éric Dupond-Moretti.
Pour atteindre cet objectif, le « projet de loi organique » prévoit des « voies d’accès plus larges » au métier de magistrat, notamment pour les autres professionnels du droit (avocats, greffiers…). À terme, un quota garantira que 50% des nouveaux magistrats proviendront de la voie « classique » des étudiants en droit, mais il ne sera pas appliqué les premières années afin de garantir les embauches promises.
Autres renforts confirmés : 1500 greffiers supplémentaires d’ici à 2027 et quelques centaines d’« attachés de justice », nouvelle fonction qui remplacera les actuels « juristes assistants » et « assistants spécialisés » dont le statut était jugé trop précaire. Cela apportera « une véritable bouffée d’oxygène dans les juridictions », veut croire le ministre. Le projet de loi autorisera aussi le gouvernement à procéder par ordonnance à une « réécriture » du code de procédure pénale, pour simplifier « un outil devenu illisible ».
Ce chantier, confié en janvier à un comité d’experts, ne s’achèvera cependant qu’en 2024. Un suivi des travaux de ce comité par un groupe de parlementaires sera « prochainement » mis en place. En parallèle de ce projet de loi, plusieurs décrets seront publiés « avant l’été », notamment pour développer les règlements à l’amiable dans la justice civile. Pour aller « plus vite » et remettre le justiciable « au cœur de la justice qui le concerne », justifie le garde des Sceaux, expliquant vouloir « recentrer » le rôle du juge « sur le cœur de son métier : dire le droit ».
15.000 places de prison, « libération sous contrainte » et TIG
Le ministre reprend dans ces textes une grande partie des recommandations des États généraux, avec une exception de taille, la question de la surpopulation carcérale, qui a atteint un nouveau record historique au 1er avril avec 73.080 détenus pour 60.899 places opérationnelles, soit une densité de 120%.
Face à ce mal chronique, les États généraux avaient plaidé pour un mécanisme fixant pour chaque établissement un seuil de « suroccupation majeure » au-delà duquel pourraient être « envisagées » des mesures de « régulation » de la population carcérale.
« Ce n’est pas juste et ça n’a pas de sens », balaie le garde des Sceaux, « totalement contre », et qui préfère rappeler le plan de construction de 15.000 places de prison attendues d’ici à 2027, ainsi que la rénovation des prisons, dont le budget « a doublé ».
Il met aussi l’accent sur d’autres mécanismes récemment mis en place comme la « libération sous contrainte », qui doit permettre la remise en liberté anticipée de détenus condamnés à une peine inférieure à deux ans d’emprisonnement et à qui il reste moins de trois mois à purger. Il rappelle enfin qu’il encourage régulièrement les juridictions à prononcer des peines de travail d’intérêt général (TIG), « chaque fois que c’est possible ».
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