Escapade belge à Lierre la douce

5 mars 2016 09:00 Mis à jour: 4 mars 2016 22:33

C’est là le joli surnom dont a hérité Lierre depuis que Félix Timmermans, un Lierrois bien connu en pays flamand, publia en 1925 « Schoon Lier », une ode à sa ville natale. Il est d’ailleurs bien difficile de résister au charme suranné et discret de cette bourgade paisible, établie au confluent des deux Nèthes.

On l’appelle aussi la Porte de la Campine, et pourtant, ce n’est pas encore la Campine avec son horizon plat, sa lande sablonneuse et ses pâturages mauves. Ce n’est pas davantage le Brabant flamand avec ses collines boisées constellées de châteaux et ses cultures délicates. Aux confins des deux régions et à l’écart des grandes routes nationales, Lierre évoque plutôt un îlot de quiétude enserré entre les bras de la Petite et de la Grande Nèthe.

La petite Bruges du Nord

Tout comme à Bruges, la ville a conservé intact son plan ovale moyenâgeux, cerné de remparts qui longent le plus souvent le cours de la rivière. Mais ici, tout est à une échelle réduite et les monuments historiques et religieux, qui attestent du passé glorieux de Lierre, sont sans doute peu nombreux et moins fastueux mais ils suffisent à donner toute son âme à la cité.

La Grand-Place, très endommagée durant la Première Guerre mondiale, fut reconstruite à l’ancienne et aligne sur ses côtés plusieurs belles demeures, comme la maison des Bouchers dont le perron est gardé par deux lions. L’hôtel de ville, dont la façade Louis XV est agrémentée de près de quatre mille petites vitres, est curieusement flanquée d’un élégant beffroi gothique – patrimoine mondial de l’Unesco – surmonté de quatre tourelles d’angle et d’une lanterne effilée abritant un carillon.

L'hôtel de ville, élégante construction du 18 e s., se dresse au centre de la place. Il est flanqué d'un beffroi gothique de 1369, vestige d'une ancienne halle aux draps. (Charles Mahaux)
L’hôtel de ville, élégante construction du 18 e s., se dresse au centre de la place. Il est flanqué d’un beffroi gothique de 1369, vestige d’une ancienne halle aux draps. (Charles Mahaux)

Le Béguinage est à Lierre une cité au cœur de la cité. Un portail monumental donne accès à un monde clos de ruelles pavées et étroites, longeant de hauts murs percés par des portes basses dont chacune affiche encore le nom d’un saint. 162 maisons dont la plupart datent du XVIIe siècle accueillaient autrefois des béguines, ces femmes souvent aisées, qui choisissaient de vivre en communauté lorsque leurs époux étaient partis en guerre. Aujourd’hui, les maisonnettes sont louées à des particuliers qui apprécient la quiétude recueillie qui règne sur le site. Le lieu enchanteur attire des artisans de patience : on y tisse la laine, on y taquine aussi le fuseau, on y brode derrière les vitres, de la délicate dentelle au point de chaînette, un jeu de lumière et d’ombre, de fils et de points sur du tulle tendu.

 Le plaisir de la flânerie

Le Béguinage est un point de départ parmi d’autres de la promenade le long des anciens remparts de la ville, un cordon de verdure de plus de quatre kilomètres qui s’étire le long de la rivière ou au cœur d’une futaie bordée de platanes, de châtaigniers et de hêtres centenaires. La ballade offre des échappées sur la campagne proche, aménagée en jardinets potagers, ou encore sur la tour de l’imposante collégiale St-Gommaire, une figure majeure de l’architecture gothique brabançonne, dont le flamboyant jubé ouvragé, une véritable dentelle de pierre blanche, mérite le détour.

Les quais de la Nèthe sont une autre flânerie. La belle façade blanche de la maison Fortuin, un ancien entrepôt converti en restaurant, plonge ses reflets de moire dans l’eau lisse et sombre. Plus loin, le canal bute sur la Spui, une ancienne écluse. Les berges sont ici envahies par des roseaux qui abritent toute une faune aquatique : hérons, canards, poules d’eau, tortues, etc. qui s’échappent devant les barques à fond plat des anciens pêcheurs à l’anguille, aujourd’hui recyclés en bateliers-guides touristiques.

Derrière l’embarcadère, un insolite troupeau de moutons menés par un berger et figés dans l’acier, évoque sans aucun doute un autre surnom de Lierre, la ville des têtes de moutons, en souvenir, dit-on, de cette époque lointaine où les habitants eurent à choisir entre la création d’une université ou l’installation d’un marché au bétail. Pour avoir préféré la seconde option, Lierre hérita de ce sobriquet. Ceci n’a pas empêché la petite cité de devenir un centre actif du mouvement intellectuel flamand.

La huitième merveille du monde

Si peu de faits notoires émaillent la chronique de cette petite cité, elle a toutefois donné le jour à des artistes de renommée internationale : l’écrivain et publiciste Félix Timmermans, le peintre et portraitiste Isidoor Opsomer, le ferronnier d’art Lodewijk Van Boeckel méconnu mais créateur entre autres de la prestigieuse grille qui cerne la Maison Blanche de Washington.

Toutefois, le plus génial est sans aucun doute l’horloger Louis Zimmer qui fit don à sa ville d’une horloge astronomique à treize cadrans, qui indique l’heure vraie et le temps moyen, le signe du zodiaque et les jours de la semaine, les phases de la lune, les marées, les saisons, et qui, à chaque quart d’heure, ébranle un carillon qui donne vie à des personnages inspirés par les romans de Timmermans.

Lierre

Tous les jours à midi, on assiste à un spectaculaire défilé des souverains belges et des bourgmestres de Lierre. Installée dans une vieille tour, vestige des anciennes fortifications de la ville et qui porte aujourd’hui le nom de l’artiste, cette horloge et son mécanisme viennent s’ajouter aux autres carillons qui égrènent le temps dans une cité où on a cependant l’impression que les heures se sont figées, sauvegardant du passé le meilleur pour que le charme d’hier colore le présent, en maintenant vivantes les vertus des artisans.

Christiane Goor, journaliste. Charles Mahaux, photographe. Un couple, deux expressions complémentaires, ils fixent l’instant et le racontent. Leur passion, ils la mettent au service du voyage, de la rencontre avec l’autre.

 

INFOS PRATIQUES

Y aller. Lierre se trouve à une quinzaine de kilomètres au sud d’Anvers. Plusieurs parkings sont aménagés à l’extérieur de la ville. Il suffit ensuite de traverser la Nèthe et de joindre à pied le centre de la cité. Le train est un autre moyen d’accès qui permet en outre de louer un vélo à la gare (une des rares gares belges à proposer des vélos pendant toute l’année). La bicyclette est un véritable must pour découvrir la ville d’autant plus que tout y est prévu pour les deux roues. Par ailleurs plusieurs itinéraires qui découvrent les environs de Lierre sont fléchés au départ de la gare.

Y loger. L’Hôtel Grand Café Florent installé à deux pas de la Grand Place, dans la rue Florent Van Cauwenberghstraat 45 (tél : 034910310 www.hotelflorent.be), est un excellent rapport qualité-prix. De plus, la cuisine y est savoureuse, servie dans un design moderne, sobre et de très bon goût. On y trouve également une terrasse paisible et bien agréable à la belle saison.

Y manger. Il faut goûter les Lierse Vlaaikes, petites tartelettes au sucre typiques à Lierre et dont la recette est jalousement conservée secrète. Pour une grande soif, il faut se laisser faire par la Caves, une bière brune à haute fermentation et légèrement fruitée qui rappelle que Lierre fut en son temps une ville de brasseries. Une petite adresse sympa, le Sint-Gummarus (sur la Felix Timmermansplein 2, face à la Nèthe) accepte qu’on y mange son pique-nique en y consommant une boisson.

Infos : http://www.visitlier.be/fr un site complet et en français. L’office du tourisme est installé au pied de l’hôtel de ville et l’accueil y est très cordial (tel : 03 8000 556).

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