Le gouvernement de gauche espagnol a donné mardi son feu vert à la grâce de neuf indépendantistes catalans condamnés à la prison: une mesure controversée présentée comme un geste de « réconciliation » quatre ans après la tentative de sécession de 2017.
Le Conseil des ministres a « approuvé la grâce des condamnés » à des peines de prison pour cette tentative de sécession, a indiqué le gouvernement sur Twitter, avant une déclaration solennelle du Premier ministre Pedro Sanchez.
Ex-membres du gouvernement régional de Carles Puigdemont, ex- président du parlement régional ou leaders d’associations séparatistes, ces neuf dirigeants indépendantistes avaient été condamnés en octobre 2019 pour sédition à des peines allant de neuf à 13 ans de prison pour leur rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017. Trois autres avaient été condamnés à des amendes.
La date de sortie de prison des neuf graciés reste à déterminer mais devrait intervenir très rapidement, selon la presse.
Dans une mise en scène soigneusement orchestrée, M. Sanchez avait dévoilé lundi, au théâtre du Liceu de Barcelone, l’adoption de cette mesure, critiquée aussi bien par l’opposition de droite que par les indépendantistes.
Pires crises politiques vécues par l’Espagne
Il l’avait justifiée par la nécessité de « réconciliation » en Catalogne, où la société est toujours profondément divisée entre partisans et adversaires de l’indépendance, quatre ans après la crise de 2017.
La tentative de sécession en octobre 2017 de cette riche région du nord-est de l’Espagne a constitué l’une des pires crises politiques qu’a vécues l’Espagne depuis la fin de la dictature franquiste en 1975.
Malgré son interdiction par la justice, le gouvernement régional de Carles Puigdemont avait organisé un référendum d’autodétermination, émaillé de violences policières.
Quelques semaines plus tard, le parlement catalan avait unilatéralement proclamé l’indépendance de la région. Le gouvernement espagnol, alors aux mains des conservateurs, avait réagi en destituant le gouvernement régional et en mettant la région sous tutelle.
Exigent une amnistie
Pour les indépendantistes, cette grâce ne constitue pas une « solution » au « conflit politique » en Catalogne. Ils exigent une amnistie effaçant totalement les condamnations et les poursuites toujours en cours à l’encontre de leurs dirigeants ayant fui à l’étranger comme Carles Puigdemont.
La droite, qui a mobilisé des dizaines de milliers de manifestants le 13 juin dans le centre de Madrid, accuse pour sa part Pedro Sanchez de « trahir » l’unité de l’Espagne en faisant une nouvelle concession aux indépendantistes dont dépend en partie son gouvernement, minoritaire au Parlement espagnol.
Selon un récent sondage de l’institut Ipsos, 53% des Espagnols sont opposés à cette grâce. Elle recueille en revanche une large majorité d’avis favorables (68%) en Catalogne.
Avec cette grâce, l’ambition du gouvernement est de tourner la page de 2017 pour tenter de trouver une issue à la crise en Catalogne, où les indépendantistes sont toujours au pouvoir.
« Permettre une négociation plus fluide »
Gouvernement central et régional doivent reprendre très prochainement les négociations entamées en février 2020 mais rapidement gelées en raison de la pandémie.
Les positions des deux parties sont toutefois toujours antagonistes.
Plus modéré que ses deux prédécesseurs, le nouveau président régional indépendantiste, Pere Aragonès, exige l’organisation d’un référendum d’autodétermination avec l’accord de Madrid sur le modèle de celui tenu en Écosse en 2014.
Une revendication dont ne veut pas entendre parler le gouvernement espagnol, en revanche ouvert à un vote des Catalans sur un accord donnant plus d’autonomie à la région, qui dispose déjà de larges compétences et a notamment sa propre police.
Cette grâce va « permettre une négociation plus fluide mais ce n’est pas avec ça que nous allons parvenir à un accord » sur une solution à la crise « qui reste bien loin », juge Lluis Orriols, professeur de sciences politiques à l’université Carlos III de Madrid.
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