L’Espagne s’approche du terme d’un procès historique contre des indépendantistes catalans où se jouent la défense de l’unité de son territoire et l’image d’impartialité de sa justice, mais la partie se déroule autant sur la scène internationale que dans le prétoire.
L’Etat espagnol a voulu un procès exemplaire pour les 12 dirigeants catalans sur le banc des accusés pour avoir défié la justice en organisant un référendum d’autodétermination interdit avant de proclamer l’indépendance de la Catalogne en octobre 2017. Le procès, dont la dernière audience aura lieu le 12 juin, a été retransmis en direct en intégralité. Le président du tribunal Manuel Marchena veille à un respect scrupuleux de la procédure, sachant que les accusés épuiseront tous les recours devant les tribunaux européens une fois le verdict prononcé à l’automne.
Mais déjà les séparatistes mènent une guérilla devant l’opinion publique, les instances européennes et celles de l’ONU pour remettre en question la justice et la démocratie espagnole. « Si l’Espagne n’est pas en mesure de montrer qu’elle peut se comporter comme une démocratie, elle n’a pas sa place au cœur de l’Europe moderne », a lancé mercredi un de leurs avocats à Londres lors d’une conférence de presse qui reflétait l’âpreté de la bataille.
Leur succès peut-être le plus spectaculaire à ce jour a été de faire élire aux législatives d’avril dernier quatre députés et un sénateur, en détention provisoire depuis plus d’un an. Ils ont été suspendus depuis. Après quoi les figures de proue du mouvement se sont fait élire députés européens dimanche. Oriol Junqueras, vice-président du gouvernement catalan destitué après la tentative de sécession et principal accusé du procès, a été élu député national et député européen. Il risque de ne jamais occuper aucun de ces deux sièges s’il est condamné. Le parquet requiert contre lui 25 ans de prison.
Carles Puigdemont, ex-président du gouvernement catalan, s’est fait élire député européen depuis la Belgique où il s’est établi pour échapper aux poursuites espagnoles. Il doit en théorie recueillir son mandat de député européen en Espagne, où son arrestation serait immédiate, avant de pouvoir siéger à Strasbourg. Lui prétend déjà bénéficier de l’immunité parlementaire qui empêcherait son arrestation. Une nouvelle bataille judiciaire risque de s’ouvrir sur cette question et serait une nouvelle occasion de dénoncer l’Espagne.
Les séparatistes mettent à profit les points faibles de l’adversaire, du moins aux yeux de l’opinion publique: la longue détention provisoire des prévenus et le chef d’accusation controversé de rébellion, qui suppose violence. Des experts indépendants, mandatés par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, ont conclu mercredi que les détentions de trois séparatistes dont Junqueras étaient « arbitraires » parce qu’elles violaient les conventions internationales, et demandé leur remise en liberté.
Le gouvernement espagnol a eu beau répliquer que les experts étaient partiaux et épousaient les thèses séparatistes, ils affirment par exemple que la législation espagnole permet un référendum d’autodétermination, le mal était fait. La violence qu’implique le chef d’accusation de rébellion, qui pèse sur neuf des douze accusés, reste au cœur du procès. Le ministère public a décidé de le maintenir mercredi alors qu’il pouvait retenir d’autres chefs moins difficiles à soutenir, comme la sédition.
Pour étayer sa thèse, l’accusation a énuméré plus d’insultes et d’actes d’intimidation dans un climat « insurrectionnel » que de coups, et la défense a eu beau jeu d’exhiber les vidéos de policiers matraquant des électeurs lors du référendum. Les procureurs auraient sans doute un meilleur dossier s’ils n’avaient commis quelques gaffes de procédure, dont la plus grosse mercredi. Ils ont publié des réquisitions alourdissant les peines demandées au début du procès contre deux des accusés, pour rectifier peu après, en attribuant l’erreur à une faute de frappe.
D.C avec AFP
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