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«Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts»: un «permis de tuer» qui fait débat

juin 12, 2023 13:40, Last Updated: juin 12, 2023 14:07
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Le gouvernement s’apprête à publier sa liste des espèces nuisibles, qui permettra d’en chasser certaines toute l’année, un « permis de tuer » dénoncé comme arbitraire et archaïque par plusieurs associations.

La nouvelle version de ce classement, baptisé « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD) », qui viendra actualiser la précédente liste établie en 2019, est attendue au plus tard début juillet.

Depuis quatre ans, 6600 pies bavardes ont été tuées en Saône-et-Loire et 14.500 belettes éliminées dans le Pas-de-Calais pour des dégâts représentant au final un centime pour chaque pie morte et 90 centimes pour chaque belette. « Les chiffres sont éloquents et montrent le ridicule de ce classement ESOD qui ne peut plus durer », s’insurge Matthieu Orphelin, directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).

Le geai des chênes, l’étourneau sansonnet, le corbeau freux, la corneille noire, la fouine, la martre et le renard figurent aussi dans la liste de 2019 des espèces qui peuvent être piégées ou abattues en dehors des périodes de chasse, certaines même toute l’année. Y figurent aussi deux autres groupes : l’un concernant les espèces exotiques envahissantes (ragondin, rat musqué …) et l’autre défini en fonction de spécificités locales (lapin de garenne, pigeon ramier…).

Les Griefs

Le gouvernement doit lancer cette semaine une consultation publique pour définir les ESOD pour la période allant jusqu’à fin juin 2026, qui fait déjà grincer des dents. Premier grief : la méthode d’établissement de la liste. Elle résulte de déclarations de dégâts faites par des particuliers, des agriculteurs mais aussi des chasseurs, qui ne font l’objet d’« aucun contrôle sur la véracité des faits et les estimations des préjudices », dénonce la LPO.

La Société pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) juge elle « totalement arbitraires » les seuils de dommages et le nombre de plaintes engendrant le classement en ESOD, laissé « à la seule appréciation » de quelques personnes.

Parfois « le simple fait qu’une espèce déjà listée soit présente sur une large partie du département et qu’il y ait des activités économiques ‘susceptibles d’être impactées’ » sans que des dégâts ne soient réellement recensés « peut être suffisant pour justifier sa destruction dans le département concerné », dénonce l’association. Par ailleurs, affirme la LPO, « aucune publication scientifique ne prouve que l’élimination des espèces classées ESOD permet de limiter les dégâts, parfois c’est même le contraire ».

Autre reproche : la présence parmi les ESOD d’espèces aux effectifs fragiles. Ainsi le putois d’Europe figurait sur l’arrêté 2019 avant qu’une décision du Conseil d’État ne l’en sorte en juillet 2021 en raison de son « état de conservation défavorable ».

Un rôle essentiel dans les écosystèmes pour certains d’entre eux

Depuis 2017, ce mustélidé est classé comme « quasi menacé » en France par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il n’apparaît pourtant toujours pas parmi les espèces protégées en France, ce qui lui garantirait de ne plus figurer sur la liste ESOD, dont sont exclus pour ces mêmes raisons les loups et les ours malgré une cohabitation difficile avec l’homme. Le renard roux, dont 6,8 millions ont été tués entre 2018 et 2022 selon la LPO en raison de l’arrêté ESOD, est lui aussi victime de sa mauvaise réputation : mangeur de poules, porteur de maladies…

Pourtant comme les belettes ou les fouines, il joue un rôle essentiel dans les écosystèmes : via la prédation qu’il exerce, il empêche les petits rongeurs de pulluler et donc de piller les champs, souligne l’Association de protection des animaux sauvages (Aspas). L’Aspas juge archaïque l’idée d’autoriser à tuer « sans limite » et « au mépris des données scientifiques » des animaux « dans le contexte de l’urgence écologique et de l’effondrement de la biodiversité ».

Un récent sondage IFOP pour le compte de six associations montre que 65% des Français sont opposés à ce type de classification. « On ne va quand même pas tuer les animaux chaque fois qu’ils nous dérangent », s’insurge Amandine Sanvisens, co-fondatrice de l’Association Paris Animaux Zoopolis (PAZ).

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