Tout porte à croire que le dirigeant communiste chinois Xi Jinping est confronté à plus de difficultés politiques qu’il ne peut en gérer. Mais que se passerait-il s’il parvenait à surmonter les menaces qui pèsent sur sa position ?
Déjà, l’affirmation de cette dernière décennie selon laquelle la Chine était la deuxième plus grande économie du monde a été remise en question : la Chine connaît aujourd’hui un grave déclin économique, un niveau jamais atteint auparavant, contrairement à ce que prétendait la manipulation des statistiques. Mais Pékin dispose toujours d’énormes ressources à la disposition de Xi et du Parti communiste chinois (PCC), et l’on suppose que Xi utilisera ces ressources agressivement – peut-être même désespérément – pour défendre sa position face à la menace qui pèse sur lui.
Il est de plus en plus probable qu’une combinaison de crises économiques, sociales et sécuritaires massives auxquelles Xi est confronté pourrait le contraindre à quitter ses fonctions dans les mois ou les années à venir. Ses tentatives pour stocker de la nourriture, de l’énergie et des armes semblent toutes insuffisantes pour lui donner les ressources dont il a besoin. Il ne faut cependant pas en déduire que Xi accepterait d’être relégué au second plan. Bien au contraire, il pense avoir une chance de préserver sa position.
Malgré cela, les citoyens chinois, désormais privés de l’espoir d’une vie meilleure conquise récemment, de leurs économies et de la disparition d’un grand nombre de leurs emplois, commencent à s’agiter. Le peuple et une faction apparemment contestataire de l’Armée populaire de libération (APL) pourraient être des « forces irrésistibles » susceptibles de contraindre ou d’anéantir Xi.
Ces pressions pourraient inciter Xi Jinping à offrir une certaine diversion à sa population et à ses rivaux politiques et militaires. Les purges de ses rivaux de ces dernières années ne semblent pas lui garantir une autorité et une sécurité effectives.
Mais que se passerait-il si Xi survivait à cette série unique de défis apparemment insurmontables ?
Que signifierait sa survie en tant que secrétaire général du PCC pour la Chine, les régions proches et l’équilibre stratégique mondial des pouvoirs ?
Xi Jinping a clairement reconnu les menaces qui pèsent sur sa propre position, et lui et sa faction ont toujours fait preuve d’assurance et d’une rhétorique intimidante du « loup-guerrier » pour répondre immédiatement et de manière proportionnelle à leur sentiment d’insécurité.
Taïwan : l' »ultime distraction » de Xi
Ainsi, la question la plus importante semble être de savoir si Xi Jinping pourrait réussir à lancer une attaque militaire contre la République de Chine (ROC) – Taïwan – pour enfin mettre un terme à ce qu’il considère comme une guerre civile chinoise puisqu’il voit Taïwan comme faisant partie intégrante de la Chine et à la légitimité de la ROC en tant que successeur direct du gouvernement impérial de la Chine.
Même si le dirigeant Xi parvenait à convaincre le gros de l’APL de passer des exercices d’intimidation contre Taïwan à de véritables opérations militaires, pourrait-il,1, réussir sur le plan militaire, 2, déclencher le soutien promis à Taïwan par le Japon, les États-Unis et d’autres alliés (la Quadrilatérale), 3, provoquer une révolte intérieure contre lui et le PCC, ou 4, déclencher une riposte militaire de la ROC qui détruirait, entre autres, le barrage des Trois Gorges et pourraient ainsi rayer Pékin et Shanghai de la carte ?
En fin de compte, la « distraction ultime » de Xi – la promesse d’une guerre directe contre Taïwan – est entachée d’incertitude et pourrait entraîner une action militaire de l’Inde contre la Chine sur le plateau tibétain, qui joue un rôle clé dans le contrôle du bien le plus précieux de la Chine : l’eau.
Nous savons que le dirigeant de la Chine a envisagé ce scénario, et d’autres contingences, en plaçant des forces supplémentaires de l’APL sur le plateau tibétain, et à la frontière du Vietnam, et en tentant d’inciter la Russie à la soutenir en menaçant de s’emparer des territoires de l’Extrême-Orient russe, qui sont déterminants pour l’accès de Moscou au Pacifique.
Il y a des raisons de croire que Xi a envisagé d’autres stratégies pour vaincre Taïwan et reléguer enfin la ROC dans les livres d’histoire. Des actions sélectives conçues visant à neutraliser ou à soumettre Taïwan et à porter un coup stratégique aux États-Unis et à d’autres économies occidentales incluraient un geste stratégique qui éliminerait la domination internationale de Taïwan dans l’industrie des puces informatiques. La compagnie de fabrication de semi-conducteurs de Taïwan (Taïwan Semiconductor Manufacturing Company, TSMC) détient 55% du marché mondial de la fabrication de puces en sous-traitance et la quasi-totalité des processeurs avancés.
Cela fait de TSMC la cible stratégique la plus importante au monde, peut-être plus cruciale que, par exemple, « Wall Street ». Depuis 2001, cette cible s’est dispersée sur le plan géographique et, surtout, sur le plan technologique. Les États-Unis en sont conscients et ont commencé à prendre des mesures pour donner à TSMC – peut-être l’entité commerciale la plus précieuse de la région indo-pacifique et au-delà – des capacités redondantes en soutenant une nouvelle grande usine de fabrication en Arizona, aux États-Unis. De plus, TSMC a signé l’implantation de sa première usine en Allemagne qui devrait commencer sa production en 2027.
En juillet 2023, cependant, le démarrage de la production de masse de semi-conducteurs dans la principale installation de TSMC en Arizona a été repoussé au-delà de 2025 puisque les États-Unis ne pouvaient pas fournir suffisamment de travailleurs qualifiés et de techniciens nécessaires pour déplacer les équipements dans ces installations, conséquence des réductions constantes de formations des travailleurs qualifiés aux États-Unis au cours des dernières décennies. Le deuxième site de l’Arizona, qui doit produire des puces de 3 nanomètres et dont le démarrage est prévu en 2026, pourrait donc lui aussi être retardé.
Cela signifie-t-il que Xi devrait considérer la brève fenêtre dont il dispose pour faire reculer l’ensemble des secteurs industriels et commerciaux occidentaux en sapant d’une manière ou d’une autre les installations de TSMC à Taïwan avant que l’entreprise ne développe son activité aux États-Unis ? Et s’il pouvait y parvenir en portant atteinte massivement aux économies et aux progrès technologiques occidentaux, comment le ferait-il sans déclencher un conflit militaire plus large ?
Le sabotage indirect – ou ouvertement imputable – d’usines est devenu une caractéristique du PCC en Asie du Sud-Est et en Inde. Toutefois, TSMC à Taïwan doit être considéré comme une cible solide, difficile à atteindre par des moyens subversifs.
Mais le simple fait de faire reculer les économies occidentales – par des réponses militarisées au Covid-19 et la peur qui en découle – ne suffirait toujours pas à détourner stratégiquement l’attention de la population chinoise des difficultés économiques imposées au pays par les politiques maoïstes de Xi. Le dirigeant Xi a besoin d’un geste spectaculaire ou, peut-être plus concrètement, de pouvoir assurer la répression des éléments dissidents de la société chinoise et de l’opposition au sein de l’Armée populaire de libération (APL).
Les grandes catastrophes naturelles et anthropiques qui ont frappé la Chine continentale en 2022-23 ont donné lieu à un tel déferlement de mécontentement et de protestations quotidiennes massives que les services de sécurité du PCC n’ont pas été en mesure d’y répondre. Et la famine ne fait que commencer. Malgré tout, Xi a survécu jusqu’à présent. Sa situation peut être comparée à celle d’un parachutiste qui plonge sans parachute d’un avion et qui constate à mi-chemin du sol : « Jusqu’ici, tout va bien ».
Si Xi survit
Mais en supposant que Xi puisse surmonter le déclin absolu imposé par le nouveau maoïsme à une économie largement privée de commerce extérieur, une production alimentaire insuffisante et une ressource en eau insuffisante et qui plus est polluée, que se passera-t-il alors ?
Que Xi déclenche ou non une guerre, la Chine pourrait bien, dans deux ans ou plus, être si affaiblie économiquement qu’elle ne jouerait plus aucun rôle dans l’économie mondiale. En d’autres termes, l’impact négatif de l’effondrement de son économie sera ressenti dans le monde entier et en Chine, indépendamment de ce que fera l’Occident. Le dirigeant de l’État-parti est clairement préparé à une situation semblable au modèle de Mao Zedong qui gère pour l’essentielle une société préoccupée par des querelles internes et s’emploie à détourner l’ensemble de ses forces des problèmes causés par la famine et la pauvreté qui ont déjà commencé à se développer.
Un Xi survivant continuerait à présider un appareil de sécurité dont le financement et les avantages primeraient sur le reste de la société, ce qui donnerait à Pékin une capacité de coercition militaire à l’échelle mondiale similaire, mais bien supérieure, à celle de l’époque de Mao Zedong. En revanche, il n’aurait plus la possibilité de gagner une guerre à l’échelle internationale. Dans cette situation, le yuan deviendrait encore moins négociable au niveau mondial et l’influence de la Chine retrouverait quelque chose d’identique à l’ère Mao, avec, par exemple, une Chine qui ne jouerait qu’un rôle effectif que dans un seul État africain (le Zimbabwe). Dans cette situation, la Russie redeviendrait le grand ennemi de Pékin et Moscou tenterait de consolider sa position en Extrême-Orient, en reprenant sa domination sur la Corée du Nord, entre autres.
Une Chine appauvrie tenterait de tirer parti de son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour réaliser des gains là où elle le peut. Mais, en réalité, ce scénario – avec la polarisation du monde causée par la création d’une nouvelle guerre froide consécutive à la guerre russo-ukrainienne – sonnerait le glas de tout rôle significatif pour les Nations unies. Cela marquerait la fin de « l’ordre mondial fondé sur des règles » de l’après-Seconde Guerre mondiale. Mais les États-Unis, en tant que première économie survivante, domineraient une nouvelle version de cet « ordre mondial », composée d’États plus divers opérant dans un monde beaucoup moins réglementé.
Xi Jinping tenterait alors d’atteindre un autre niveau de viabilité économique et d’influence stratégique en consacrant davantage d’efforts à la recherche et au développement dans des domaines clés : les microprocesseurs, la domination de l’espace et l’intelligence artificielle (IA). Cependant, il devra le faire désormais grâce à sa seule ressource fiable : les entreprises d’État, qui incluent désormais et pour l’essentiel des initiatives intégrées du secteur privé. Mais en se concentrant sur les entreprises d’État pour des raisons de sécurité politique, il réduirait le pouvoir d’innovation du secteur privé. Malgré cela, la Chine resterait technologiquement avancée et même – bien que fondamentalement privée de nourriture et appauvrie au niveau social – mondialement puissante.
À bien des égards, il pourrait s’agir de la meilleure issue possible pour le monde, mais de l’une des pires pour le peuple chinois. La longue guerre civile entre les communistes et les nationalistes ne serait pas résolue pour autant, ce qui permettrait peut-être à Taïwan de retrouver peu à peu une reconnaissance internationale à la hauteur de celle dont elle a bénéficié par le passé.
Néanmoins, après l’effondrement d’une menace viable du PCC et de sa capacité d’intervention, le monde traverserait une période de bouleversements économiques importants et le centre de gravité économique et stratégique se déplacerait ailleurs.
Mais où ?
Tout d’abord, la Russie et l’Inde bénéficieraient, séparément et conjointement, un nouveau pouvoir stratégique. L’Europe s’est montrée peu encline à reprendre sa marche vers une position stratégique forte en tant que puissance semi-étatique unifiée. Néanmoins, des sphères d’influence plus petites reprendraient leur place dans des pays tels que la Turquie, la Serbie et l’Italie. Il y aurait d’importantes zones de prospérité régionale, en particulier, par exemple, en Asie du Sud-Est. D’autres pays pourraient renaître, mais leur influence globale serait contenue, à l’exception peut-être de la France. Le Royaume-Uni, libéré du malaise insoluble de l’Union européenne, a toutefois commencé à relancer son programme mondial.
Deuxièmement, dans un monde chinois post-communiste, AUKUS – le pacte de déploiement mondial conclu entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis – deviendrait une force majeure dans la création du prochain « ordre mondial fondé sur des règles », qui succéderait à la Pax Americana.
Un paysage noirci
En d’autres termes, si Xi Jinping survivait à ses défis présents, il resterait – au bout du compte – à la tête d’un paysage noirci. On pourrait se demander si le dirigeant Xi serait en mesure de rester longtemps dans cette situation, mais les dommages causés à la Chine seraient peut-être aussi monumentaux que les dégâts engendrés par le maoïsme, qui a tué des dizaines de millions de Chinois.
La question suivante est de savoir ce qu’il adviendrait de la Chine si Xi ne parvenait pas à survivre et était emporté par les forces d’opposition qu’il a déchaînées au sein de la population chinoise et de l’Armée populaire de libération (APL).
Le PCC pourrait-il agir de manière préventive pour se débarrasser de lui avant l’effondrement total du système ?
L’APL prendrait-elle tranquillement le contrôle, en le maintenant, lui et le parti, comme figures de proue ?
L’APL reviendrait-elle au statut maoïste initial, à savoir une force divisée en seigneurs de guerre régionaux, laissant présagé, peut-être, un éclatement (une fois de plus) de la géographie chinoise ?
Tout comme Xi a tenté de redéfinir les frontières en étendant les revendications du PCC à la mer de Chine méridionale et en incorporant Taïwan et d’autres territoires de la mer de Chine orientale, ou en réincorporant une grande partie de l’Extrême-Orient russe à la Chine, il est logique de supposer que les changements à venir incluront également des modifications de frontières qui n’ont pas été décidées par Pékin.
Il pourrait s’agir de changements dans le contrôle du plateau tibétain, d’un recul des États d’Asie centrale face à la Chine, d’une restauration des khanats turcs, comme ceux qui, à l’instar du Xinjiang, font actuellement partie du territoire chinois, et ainsi de suite.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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