Livreurs, serveurs, vendeurs, ont vu leurs salaires flamber aux États-Unis depuis deux ans, à cause d’une importante pénurie de main-d’œuvre. De timides signes de modération semblent apparaître, condition indispensable pour que la forte inflation ralentisse, mais les risques demeurent.
« Nous observons une réduction de la pression sur les salaires », selon Nela Richardson, la cheffe économiste de la firme ADP, entreprise qui gère les paiements de salaires et publie une enquête mensuelle sur l’emploi dans le secteur privé.
En décembre, ils ont grimpé à leur rythme le plus faible depuis mars, a montré cette étude, publiée jeudi : +7,3% sur un an pour les salariés restés fidèles à leur employeur, +15,2% pour ceux qui ont changé d’entreprise.
« C’est positif, car pour que l’inflation ralentisse, les salaires doivent progresser à un rythme sain », a souligné Nela Richardson jeudi, lors d’une conférence téléphonique.
Mais c’est une moins bonne nouvelle pour les travailleurs, car « les salaires, même à des niveaux élevés, ne suivent pas une inflation trop forte », a-t-elle nuancé.
Les deux courbes se rapprochent cependant, puisque dans le même temps, l’inflation a ralenti en novembre, à 7,1% sur un an, contre 7,7% en octobre, selon l’indice CPI, sur lequel sont indexées les retraites américaines.
Mais cette flambée des salaires « reste un risque pour l’inflation, en particulier dans les services aux consommateurs », alerte encore l’économiste.
Un manque criant de main-d’œuvre
Les chiffres officiels de l’emploi en décembre seront publiés vendredi par le département du Travail. Une progression des salaires de 0,4% par rapport à novembre est attendue, contre 0,6% entre octobre et novembre.
Sur un an, la progression était de 5,1%, en recul par rapport au pic de mars 2022 (+5,6%).
Mais « les entreprises sont toujours obligées d’augmenter les salaires pour retenir les travailleurs et ont du mal à pourvoir les postes vacants », a expliqué à l’AFP Julia Pollak, cheffe économiste pour le site d’annonces d’emploi Zip Recruiter.
« Donc, la pression salariale à la hausse perdurera dans un avenir prévisible », anticipe-t-elle.
D’autant plus que le manque de main-d’œuvre risque de se prolonger.
Cette pénurie est « structurelle », et il y a « 4 millions de personnes qui manquent », avait indiqué, en décembre, le président de la banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell.
Par conséquent, les employeurs américains, depuis deux ans, ne parviennent pas à trouver suffisamment de personnel de ménage, chauffeurs, professeurs… et, pour attirer les candidats, proposent une meilleure assurance santé, des horaires flexibles ou réduits, la possibilité de télétravailler, et de l’argent.
« Salaire à deux chiffres »
Ainsi en avril 2020, lorsque les États-Unis étaient confinés à leur tour, les salaires avaient bondi de 8% par rapport à avril 2019, selon les données du département du Travail.
Les employés de la vente au détail et de la santé, sur le front malgré les risques, avaient connu les premières fortes hausses.
Avaient suivi l’hôtellerie, le transport, la logistique, où « les salaires sont relativement bas. Les travailleurs non cadres ont obtenu des augmentations de salaire à deux chiffres pendant un certain temps », a détaillé Julia Pollak.
Car en face, les sirènes du télétravail et ses nombreux avantages séduisaient largement. « Par exemple, les emplois d’assistance à la clientèle, autrefois effectués dans des espaces assez restreints, dans des centres d’appels bruyants », pouvaient désormais se réaliser en ligne, depuis le confort de la maison.
Mais le ralentissement de la hausse des salaires est aujourd’hui un élément important pour la Fed, dans sa lutte contre l’inflation. En effet, elle fait volontairement ralentir l’activité économique avec ses hausses de taux, au risque de faire grimper la courbe du chômage.
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