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Ethiopie: les membres de l’ethnie sidama votent mercredi pour leur autonomie

novembre 18, 2019 10:57, Last Updated: novembre 18, 2019 11:06
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Les membres de l’ethnie sidama en Ethiopie doivent se prononcer mercredi par référendum pour la création de leur propre région autonome au sein de l’Etat fédéral éthiopien, nouvelle illustration d’une poussée des revendications régionales susceptibles d’ébranler le pays.

La route des Sidama pour quitter la région des Nations, Nationalités et Peuples du Sud (SNNP – sud), à laquelle ils appartiennent actuellement, a débouché sur des violences qui ont fait plusieurs dizaines de victimes en juillet et conduit Addis Abeba à placer la zone sous contrôle de la police fédérale et de l’armée.

A Hawassa, la capitale régionale, certains n’écartent par le risque de nouvelles tensions à la faveur du référendum tout en estimant, à l’image de Cherinet Deguye, un habitant, que les violences de juillet auront peut-être été un mal nécessaire.

« Le processus jusqu’au référendum s’est accompagné d’un lourd tribut à payer, avec beaucoup de morts et de blessés dans nos rangs. Mais l’excitation est à présent très élevée et l’atmosphère très pacifique », expliquait-il récemment à l’AFP, après s’être fait enregistrer pour le scrutin.

Fédéraliste ethnique

L’Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 100 millions d’habitants, est actuellement divisée en neuf régions semi-autonomes dessinées sur les bases d’un fédéralisme ethnique.

Sa constitution exige que le gouvernement organise un référendum pour tout groupe ethnique souhaitant former une nouvelle entité dans l’année qui suit sa demande.

Le scrutin de mercredi pourrait encourager d’autres groupes ethnique – l’Ethiopie en compte plus de 80 – à se lancer dans la même voie et augmenter ainsi le risque de violences inter-communautaires dans le pays.

Pour William Davison, spécialiste de l’Ethiopie au sein du groupe de réflexion International Crisis Group, le référendum des Sidama « ne cadre pas vraiment » avec certains points-clés de l’agenda du Premier ministre réformateur Abiy Ahmed, au pouvoir depuis avril 2018. Et notamment son approche centralisatrice du pouvoir.

Conséquences de l’ouverture de l’espace politique

Mais « plutôt qu’une menace sur les réformes », le chercheur voit dans le référendum des Sidama la conséquence logique de l’ouverture de l’espace politique par le Premier ministre et « une nouvelle indication du soutien important, notamment des élites politiques, pour les autonomies ethno-régionales ».

Les Sidama, qui sont environ trois millions, caressent le projet de quitter leur région depuis de longues années mais ils ont été galvanisés par l’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed – récemment auréolé du prix Nobel de la paix.

Dans un premier temps, ce dernier n’a pas donné suite à leur demande de référendum déposée en juillet 2018. Les nationalistes Sidama ont alors menacé de faire sécession unilatéralement avant finalement de renoncer à la dernière minute.

Frustrés et mécontents, de jeunes Sidama sont descendus dans les rues mi-juillet, et se sont confrontés aux forces de l’ordre qui les ont violemment réprimés. Ces affrontements se sont doublés de violences interethniques, des Sidama s’en prenant à des habitants issus d’autres communautés.

Au moins 53 personnes sont mortes dans ces violences

Le Premier ministre s’est évertué ces derniers mois à tenter de calmer les ardeurs autonomistes d’autres ethnies, invitant les uns et les autres à la patience.

Au moins dix autres groupes dans le sud du pays ont déjà lancé une procédure d’autonomie similaire à celle des Sidama.

En attendant, la création d’une éventuelle dixième région, en cas de vote favorable des Sidama et jugé très probable par les analystes, soulève déjà d’épineuses questions.

Quid du statut d’Hawassa, actuelle capitale de la région SNNP, que les Sidama veulent transformer en leur capitale ?

Un récent accord a permis de déminer pour un temps la question: le gouvernement régional de la région SNNP pourra rester dans la ville pour les deux prochains mandats de cinq ans.

Nous vivons dans la peur

De son côté, Desalegn Mesa, porte-parole du Mouvement de Libération Sidama, en pointe dans le combat pour l’autonomie, assure que les autres communautés vivant à Hawassa « ne devraient pas se sentir menacées ».

« Les membres de nombreuses minorités ethniques ont trouvé la prospérité, fait leur vie et se sont même mariés avec des Sidama pendant des décennies et cela continuera ainsi à l’avenir », a-t-il affirmé.

Mais ses propos ne convainquent pas tout le monde.

« Nous vivons dans la peur. Nous avons peur que les choses changent, et pas pour le meilleur, après le référendum », explique à l’AFP Tesfaye, un résident non-Sidama d’Hawassa, qui souhaite rester anonyme par peur de représailles.

« Je crains que si un Etat régional Sidama voit le jour, ce qui suivra, ce sera une discrimination institutionnalisée contre les non-Sidama » vivant sur place.

 

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