Le gouvernement pro-Pékin de Hong Kong a refusé lundi d’enterrer un projet de loi controversé qui permettra les extraditions vers la Chine, en dépit d’une manifestation monstre contre ce texte la veille dans l’ex-colonie britannique.
Combative face aux médias, la cheffe de l’exécutif Carrie Lam a réaffirmé que le Conseil législatif (LegCo), le « parlement » local, examinerait comme prévu mercredi ce texte de loi. Une intransigeance dénoncée par ses adversaires qui appellent d’ores et déjà à manifester mercredi près du LegCo, ou à faire grève. « Elle est en train de pousser Hong Kong au bord du précipice », a déclaré la députée pro-démocratie Claudia Mo.
Le projet de loi doit permettre les extraditions vers toutes les juridictions avec lesquelles aucun accord bilatéral n’existe, y compris la Chine continentale. Les autorités affirment que cette loi comblera un vide juridique et fera que la ville ne servira plus de refuge à certains criminels.
« C’est une loi très importante qui va permettre de faire triompher la justice et assurera que Hong Kong respecte ses obligations internationales en matière de criminalité transfrontalière et transnationale », a déclaré Mme Lam. Le texte a suscité les critiques de pays occidentaux ainsi qu’une levée de boucliers de certains Hongkongais qui dénoncent une justice chinoise opaque et politisée. Beaucoup redoutent ainsi une utilisation « politique » des extraditions par Pékin.
Dimanche, une foule impressionnante a manifesté dans les rues en dépit de la moiteur subtropicale étouffante. Les organisateurs ont revendiqué un million de manifestants, ce qui en ferait la plus importante manifestation en trois décennies, de loin la plus grande depuis la rétrocession en 1997.
Cette marche constitue un énorme défi à Mme Lam, qui n’est pas élue mais nommée. Mais la cheffe de l’exécutif a dit ne pas projeter de modifier la substance du texte. Elle a souligné que son gouvernement avait déjà fait de nombreuses concessions pour assurer que les libertés uniques de Hong Kong soient protégées et que le texte soit conforme aux exigences internationales en matière de protection des droits de l’Homme.
« Mon équipe et moi n’avons pas ignoré les opinions exprimées au sujet de ce texte de loi très important. Nous avons écouté avec beaucoup d’attention », a-t-elle dit à la presse. « Je n’ai reçu aucune instruction ou mandat de Pékin pour faire cette loi », a-t-elle affirmé. Une intransigeance qui suscitait l’incrédulité dans l’opposition.
« Hier, 1,03 million de personnes ont défilé et le gouvernement demeure indifférent et fait la sourde oreille », a dénoncé le député Ip Kin-yuen. « Ce gouvernement est devenu une dictature. » Le politologue Dixon Sing a estimé que Mme Lam s’engageait avec cette fermeté sur une route dangereuse proche du « suicide politique ».
« A court terme, le gouvernement hongkongais de Carrie Lam va connaître une crise de légitimité », a-t-il dit à l’AFP. « De moins en moins de personne vont lui faire confiance. » La manifestation de dimanche s’est globalement déroulée de façon pacifique et dans une ambiance festive. Mais les choses ont dégénéré peu après minuit avec des heurts entre les policiers anti-émeute et de petits groupes d’activistes.
Dix-neuf personnes ont été arrêtées, a indiqué la police, pour la plupart âgées d’une vingtaine d’années. Lundi, le LegCo était entouré d’une très forte présence policière, tandis que des agents retirait des rues les débris témoignant des heurts de la veille. Au terme de l’accord de 1984 entre Londres et Pékin qui a présidé à sa rétrocession en 1997, Hong Kong jouit d’une semi-autonomie et de libertés qui n’existent pas en Chine continentale, et ce en théorie jusque 2047.
L’ex-colonie britannique est cependant depuis une dizaine d’années le théâtre d’une forte agitation politique en raison de l’inquiétude que génère l’ingérence grandissante de Pékin dans ses affaires intérieures et le sentiment que l’accord de rétrocession, et le fameux principe « Un pays, deux systèmes », ne sont plus respectés.
Une frange de la population se méfie de plus en plus des intentions du gouvernement chinois, en particulier sous Xi Jinping, et de l’exécutif hongkongais. A l’automne 2014, le cœur financier de Hong Kong avait été bloqué pendant plusieurs semaines par le « Mouvement des parapluies », une vaste mobilisation pour demander l’élection du chef de l’exécutif au suffrage universel. Pékin n’avait rien lâché.
Depuis, nombre de militants pro-démocratie ont été incarcérés, empêchés de se présenter à des élections ou déchus de leur portefeuille de conseiller au LegCo. Pékin a promis lundi de « soutenir fermement » le gouvernement local et son projet de loi controversé.
« Nous nous opposons fermement à toute force extérieure intervenant dans les affaires législatives de Hong Kong », a déclaré Geng Shuang, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, après des rencontres de membres de l’opposition hongkongaise avec le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo et la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi.
Le dernier gouverneur britannique de Hong Kong, Chris Patten, avait par ailleurs estimé la semaine dernière que le projet controversé constituerait un « terrible revers » pour la réputation internationale de la ville. Dans un éditorial, le quotidien étatique China Daily attribue lundi les manifestations aux « forces étrangères ». « Malheureusement, certains habitants de Hong Kong ont été trompés par le camp de l’opposition et ses alliés étrangers pour soutenir la campagne contre l’extradition. »
D.C avec AFP
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