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Fabien Bouglé : « La manière dont le marché français de l’électricité est indexé sur son équivalent européen est absolument scandaleuse »

novembre 24, 2024 7:54, Last Updated: novembre 24, 2024 22:20
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ENTRETIEN – L’expert en politique énergétique Fabien Bouglé et auteur de nombreux ouvrages, en dernier lieu Guerre de l’énergie : au cœur du nouveau conflit mondial (Éditions du Rocher, 2023) analyse pour Epoch Times la recommandation de l’Autorité de la concurrence sur la suppression des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE). Il revient également sur ce qu’implique le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en matière de politique énergétique.

Epoch Times : Dans un communiqué publié le 17 octobre, la Commission de régulation de l’énergie a indiqué qu’elle souhaitait augmenter le tarif d’utilisation des réseaux d’électricité (TURPE 7) pour moderniser les réseaux de transport afin de « faire face au changement climatique ».

Elle a notamment lancé une consultation publique pour recueillir l’avis « des acteurs » sur le montant de cette augmentation. « Il devrait être nécessaire d’augmenter le TURPE de l’ordre de 10 % en 2025 » est-il écrit dans le communiqué. Les Français vont donc devoir contribuer encore plus à la transition énergétique ?

Fabien Bouglé  : Rappelons tout d’abord un élément important. La facture d’électricité est décomposée en trois parties : le coût de l’électricité, les taxes (notamment la TIFCE qui permet de financer des subventions aux énergies intermittentes) et le TURPE, c’est-à-dire la taxe de raccordement.

Lorsqu’il y a eu une augmentation au niveau du marché européen de l’électricité, c’était la part de valeur de l’électricité qui augmentait et donc le gouvernement avait décidé de baisser la TIFCE.

Les présidents de RTE (Réseau de Transport d’Électricité) et d’Enedis ont annoncé il y a quelques mois des programmes d’investissements de 200 milliards d’euros pour la mise en place des énergies intermittentes dans le réseau. Le TURPE vise justement à financer ses raccordements d’énergies intermittentes éoliennes et panneaux solaires.

Malheureusement, tant que nous développerons une politique d’intégration des énergies intermittentes, le TURPE augmentera fortement, ce qui aura un impact direct sur la facture d’électricité des Français.

La baisse de la facture de l’électricité de 9 % prévue par le gouvernement à partir de février sera-t-elle sans effets ?

Cette baisse de 9 % va être réalisée parce que ces dernières années, il y a eu une baisse du marché européen même si, à court terme, il est en train de monter et que le prix de l’achat de l’électricité a notablement baissé.

En réalité, c’est un mécanisme dans lequel le gouvernement a pris en compte la baisse du prix de l’électricité qu’il compense par une hausse de la TIFCE. Mais il ne l’a pas augmenté suffisamment pour maintenir la baisse factice. Il s’agit en quelque sorte d’une augmentation de la facture d’électricité alors qu’elle aurait dû baisser de 20 à 30 %.

Le 19 novembre, l’Autorité de la concurrence a recommandé au gouvernement de « préparer la suppression des tarifs réglementés de vente de l’électricité » (TRVE), critiquant leur manque de « lisibilité » et affirmant qu’ils représentent un « obstacle au libre jeu de la concurrence et aux bénéfices potentiels de cette dernière – en termes de prix, d’innovation ou encore d’investissement ». Quelle est votre analyse ? Quelles seraient les conséquences de la suppression des TRVE ?

L’accès régulé au nucléaire historique (ARENH) a été mis en place sous le prétexte que la libre concurrence serait faussée avec un EDF qui serait monopolistique.

Nous avons créé un système où EDF est obligé de vendre environ un quart de son électricité à prix cassé aux fournisseurs sur le marché de gros de l’électricité.

Ces fournisseurs sont, en réalité, plus des producteurs de factures que des producteurs d’électricité. Ils achètent à bas prix l’électricité produite par EDF et la revendent en prenant la marge de la même société de production. J’appelle ça de la rapacité.

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Ce sont bien eux qui ont contribué à l’explosion de la facture d’électricité des Français pendant la crise énergétique.

Certes, les gens avaient vu parfois leur facture diminuer à court terme mais cette baisse était factice puisqu’il est très facile pour un fournisseur qui achète l’électricité à 42 euros le mégawattheure de le revendre un peu moins cher qu’EDF, ces pseudos fournisseurs n’ayant aucune charge d’investissements dans la production d’électricité.

On veut nous faire croire qu’en supprimant les tarifs réglementés, on va baisser la facture des Français, mais c’est faux ! D’ailleurs nous avons déjà pu le constater avec l’ARENH. Depuis que nous avons ouvert le marché de l’électricité en France, les factures n’ont jamais été aussi hautes.

C’est la raison pour laquelle je m’oppose à leur suppression. Ils constituent une sécurité pour les Français et les 30 % d’entreprises qui en bénéficient et donnent un accès égalitaire à l’électricité dans l’esprit du Conseil national de la Résistance, issu des accords entre le général de Gaulle, les socialistes et les communistes après la Seconde guerre mondiale.

La suppression de ces tarifs serait d’autant plus scandaleuse que notre parc électronucléaire a été financé par les Français. Ils seraient ainsi privés d’un outil de production électrique qu’ils ont financé pendant des années.

De son côté, la Commission de régulation de l’énergie est contre leur suppression. Dans un entretien à Ouest-France, la présidente de la CRE, Emmanuelle Wargon, a notamment avancé qu’ils permettent de « lisser la facture d’électricité dans le temps, en évitant les à-coups du marché ». Partagez-vous cette position ?

Je partage cette position, mais je ne suis contre les à-coups du marché parce que je considère que la manière dont est indexé le marché français de l’électricité sur son équivalent européen est absolument scandaleuse, notamment en ce qui concerne la prise en compte des énergies intermittentes. Étant subventionnées, ces énergies sont prises en considération pour un coût nul. Elles sont choisies en priorité pour les réseaux. Mais ces dernières plombent le coût de l’électricité française, alors que le coût de revient et le coût de l’électricité nucléaire sont bien moins élevés.

Les Français devraient d’ailleurs bénéficier de ce coût moindre. Je ne suis pas d’accord avec Emmanuelle Wargon qui est dans le « en même temps » énergétique. D’ailleurs, en tant que présidente d’une autorité indépendante, elle devrait se garder de commenter les décisions politiques et de prendre position. Elle a tendance à oublier qu’elle n’est plus ministre.

Donald Trump a été élu le 5 novembre 47e président des États-Unis. Son retour à la Maison-Blanche peut-il avoir, au-delà de l’Amérique, une influence sur l’Europe en matière de transition énergétique ?

D’abord, quand on parle de transition énergétique, on en fait une sorte de symbole et de ligne dont on ne pourrait se départir. La transition énergétique est la traduction du mot allemand « energiewende ». Cette idéologie imagine qu’un modèle énergétique est possible sans nucléaire et sans énergies fossiles.

Pour ma part, je ne crois pas en la transition énergétique dans notre pays puisque la France est déjà décarbonée grâce au nucléaire. Je soutiens la disruption énergétique, c’est-à-dire la modification en profondeur de notre politique en matière d’énergie.

À l’évidence, l’élection de Donald Trump va faire bouger les lignes sur ce sujet. L’État fédéral américain ne va plus donner des subventions aux énergies intermittentes ou encore leur octroyer des crédits d’impôts. On sait que le nouveau président américain est très hostile aux éoliennes. Il a d’ailleurs affirmé qu’il signerait un décret interdisant la construction d’éoliennes en mer une fois investi.

Donald Trump va également relancer la filière nucléaire comme il l’avait fait lors de son premier mandat. Il faut aussi s’attendre à ce qu’il s’en prenne au Français Framatom, concurrent direct du nucléaire américain.

Son retour à la Maison-Blanche sera aussi caractérisé par une politique accrue de développement des capacités de gaz naturel liquéfié. Il va, en réalité, se servir des énergies fossiles en réserve que sont le gaz et le pétrole de schiste pour relancer l’économie américaine.

Tout cela va évidemment relancer la guerre du gaz avec la Russie. Il va être intéressant de voir comment, dans le cadre des futurs accords de paix, il va répondre à la demande de Vladimir Poutine sur la relance de Nord Stream puisqu’un des quatre gazoducs n’a pas été saboté et est encore opérationnel. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le chancelier Olaf Scholz a été l’un des premiers dirigeants européens à vouloir rétablir des relations diplomatiques. Il veut récupérer au plus vite le gaz russe.

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