« La nature n’est plus capable d’encaisser des prélèvements toujours plus nombreux » et l’agriculture, qui représente 58% de la consommation d’eau en France, devra être plus économe, estime l’hydro-climatologue Agnès Ducharne, chercheuse au CNRS.
Question: Quels sont les impacts du stockage d’eau destiné à l’irrigation (barrages, retenues collinaires, bassines) ?
Réponse: Quelle que soit la retenue, quand on retient l’eau, cela change le régime d’écoulement, le débit, qui varie selon les saisons. Dans le cas de l’irrigation agricole, 80% de l’eau est absorbée par la plante, qui produit de la biomasse et va rendre cette eau sous forme de vapeur d’eau (évapo-transpiration).Cette eau est considérée comme consommée et pas seulement prélevée. Du point de vue du cours d’eau, c’est une perte. On considère que la pratique d’irrigation, qui vise à réduire la sécheresse des sols, aggrave la sécheresse des nappes et diminue le débit des cours d’eau.
Les prélèvements, cumulatifs au gré des ouvrages qui s’ajoutent, conduisent à un assèchement des cours d’eau, des petites rivières jusqu’aux grands fleuves. C’est le cas pour le Colorado ou les rivières qui alimentaient la mer d’Aral. Cela a un impact direct sur l’agriculture. Par exemple dans la vallée du Nil où il n’y a plus d’inondation et où la terre est moins fertile.
Quel est l’impact spécifique des « méga-bassines », ces réservoirs controversés au cœur d’un violent conflit d’usage dans les Deux-Sèvres ?
Contrairement aux retenues collinaires, alimentées par les eaux de ruissellement, les méga-bassines, vastes trous bâchés, sont des ouvrages déconnectés du réseau hydrographique. Elles sont remplies par pompage de la nappe phréatique. Le principe est de pomper en hiver, quand la nappe est la plus haute, pour utiliser l’eau l’été. Ce pompage a une incidence sur le débit des cours d’eau, qui sont eux-mêmes alimentés par la nappe. Quand le niveau est trop bas pour maintenir les écosystèmes, on prend des mesures de restriction : c’est ce qu’on a connu l’été dernier avec la sécheresse, jusqu’à cet hiver. La bassine vise à se substituer à la nappe, en stockant l’eau en surface : l’eau étant dans un ouvrage privé, elle échappera aux mesures de restriction. Mais même en hiver, y en aura-t-il assez ?
Cela veut-il dire que ces bassines ne sont déjà plus une solution adaptée dans le contexte du changement climatique ?
Pendant longtemps, on a pu se dire que la ressource, plus rare l’été, se renouvelait l’hiver. Mais nous voyons que la nature n’est plus capable d’encaisser des prélèvements toujours plus nombreux. Il y a un effet cumulatif. Avec le changement climatique, le niveau des nappes va baisser et il est possible que même la substitution ne soit plus possible. On le voit déjà en Espagne, où les sécheresses sont fréquentes et où de nombreuses retenues artificielles sont vides.
C’est ce qu’on appelle la mal-adaptation. Deux erreurs sont commises en même temps : on augmente des périmètres de stockage en artificialisant des terres, en contradiction avec la politique de zéro artificialisation nette, et on augmente les périmètres irrigués. Entre 2010 et 2020, les surfaces irriguées en France ont augmenté de 15%.
Il y a des incitations de développement complètement contradictoires avec les limites physiques de l’environnement. Il est nécessaire que l’agriculture la plus consommatrice d’eau diminue sa consommation. Cela remet en cause la place du maïs irrigué (culture gourmande en eau quand elle est la plus rare, en été, NDLR) et celle de l’élevage : les animaux sont destinataires du maïs et boivent beaucoup d’eau. D’un point de vue climatique, il faut réduire l’élevage intensif. Il faut rééquilibrer le système par rapport à des ressources en eau qui vont continuer à diminuer.
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