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Face au réveil russe, la Suède remilitarise une île de la Baltique

avril 17, 2019 6:33, Last Updated: avril 17, 2019 6:40
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Sous une pluie battant l’île pierreuse de Gotland, des militaires suédois en tenue de camouflage prennent position à l’abri d’un tas de bois, ajustent la mitrailleuse et font feu sur un ennemi venu de la mer.

A quelques kilomètres, dans un paysage d’arbrisseaux et de rocaille blanchis par l’hiver, une autre unité arrose la ligne de front au missile anti-char, dont le souffle projette des gerbes de neige et de glace. C’est jour d’entraînement pour les jeunes recrues mobilisées sur Gotland, avant-poste du pays scandinave situé le long d’une voie navale stratégique reliant la Baltique à la mer du Nord.

Après l’annexion de la Crimée, l’approche d’avions russes au plus près de l’espace aérien des pays nordiques, le brouillage de radars civils et l’observation en 2014 dans les eaux suédoises d’un sous-marin que Stockholm soupçonne d’être russe  malgré les dénégations de Moscou, la Suède s’efforce de remplumer sa défense amaigrie depuis la fin de la Guerre froide.

Le pays a ainsi réintroduit une petite dose de conscription en 2017 et décidé de repositionner en janvier 2018 un régiment sur Gotland, île champêtre et touristique de 60.000 âmes qui n’avait pas entendu clairons et tambours depuis près de 15 ans. Entre deux sessions de tir, Ida Delin, élève-officier originaire de Göteborg (sud-ouest), se réchauffe au feu de camp dont les brandons crépitent comme des balles d’arme automatique.

« Tout le monde a le sentiment que ce que nous faisons est très important, que c’est vital pour la Suède », affirme la jeune femme, col de veste relevé pour protéger ses oreilles de la morsure du froid. Territoire de 3.000 km2 à peu près à mi-distance de la Suède et de la Lettonie  autrefois soviétique, Gotland offre un avantage crucial dans cette région d’Europe du nord pour le contrôle du ciel et de la mer, fait valoir le ministre suédois de la Défense Peter Hultqvist.

Mais sans présence militaire, même symbolique, l’île et sa forteresse hanséatique, Visby, ne sont qu’un caillou hérissé de fermes, de moulins et d’éoliennes à la merci d’une invasion. La Suède ne croit pas à une menace directe russe, mais estime que « la situation sécuritaire (de la région) est plus mauvaise aujourd’hui qu’il y a dix ans », confie le ministre à l’AFP.

Moscou, de son côté, fustige « le mythe d’une menace russe » en Europe et accuse les puissances occidentales de vouloir déstabiliser le continent. Non loin du champ de tir, le régiment organise une parade pour commémorer la création de la première unité militaire sur Gotland en 1811. Sous la houlette de son commandant, le colonel Mattias Ardin.

Ce colosse natif de l’île a commencé sa carrière ici, au crépuscule de la Guerre froide, quand la Suède non-alignée traquait les submersibles soviétiques dans ses eaux. Après la chute de l’URSS, la Suède a sabré dans ses dépenses militaires. Le régiment de Gotland a été dissous en 2005, ses baraquements vendus. Jusqu’à un vote du parlement en 2016 approuvant le retour de forces armées.

« Nous avons une Russie forte dont les activités militaires sont beaucoup plus intenses que par le passé, et nous voyons ce qui se passe en Ukraine », justifie le colonel à la fin de la parade. Non loin, bulldozers et excavatrices creusent les fondations de nouveaux bâtiments destinés à accueillir les 282 soldats du régiment et des dizaines de chars et véhicules blindés. Pays de l’Union européenne, la Suède n’est pas membre de l’Otan mais participe régulièrement aux manœuvres de l’Alliance atlantique dans la région.

« La position officielle est aussi qu’en cas de guerre dans le pourtour Baltique, nous serons tous impliqués », prévient Robert Dalsjö, de l’Agence suédoise de recherche sur la Défense. Les fortifications de Visby, inscrites avec la vieille ville au Patrimoine mondial par l’Unesco, témoignent de l’histoire tourmentée de l’île, convoitée tour à tour par les Suédois, les Danois, les Germains, les chevaliers teutoniques et même brièvement occupée par les Russes pendant les guerres napoléoniennes.

L’annonce du retour d’un régiment a suscité quelques timides remous dans la population locale mais a surtout été perçue comme une aubaine pour l’économie et la vie de la communauté. Le régiment « nous apporte de nouveaux habitants qui s’installent ici avec leurs familles, plus de consommateurs dans les commerces », constate Niclas Bylund qui travaille dans la vieille ville de Visby. « Une île plus vivante pendant la saison morte », l’hiver quand il n’y a pas de touristes.

D.C avec AFP

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