ANALYSES

Face aux déséquilibres mondiaux, le renseignement français fait peau neuve

janvier 10, 2025 7:21, Last Updated: janvier 10, 2025 15:35
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Les renseignements extérieurs français veulent accélérer leur mutation technologique dans un monde en plein bouleversement géopolitique dans lequel l’Occident, et la France en particulier, sont en perte de vitesse.

Guerre en Ukraine, tensions entre la Chine et Taïwan, guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, crise entre l’Occident et l’Iran… Les multiples conflits et points chauds mettent à mal les équilibres géopolitiques et menacent la sécurité intérieure.

La DGSE, popularisée par la série Le bureau des légendes, va quitter en 2028 ses mythiques locaux du XXe arrondissement de Paris, pour s’installer au Fort Neuf de Vincennes, sur une surface de 20 hectares, le double des capacités de son siège actuel.

Une renaissance pour la DGSE – qui reste à des années-lumière des capacités techniques de la NSA américaine ou encore des capacités d’espionnage chinoises -, qui sera accompagnée par une hausse des investissements pour faire face à tous les nouveaux défis du monde.

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Les défis de la DGSE, navire amiral du renseignement français

Le préfet Nicolas Lerner, jusqu’à présent à la tête de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), s’est vu confier fin décembre la sécurité extérieure (DGSE), forte de quelque 7000 personnes.

Les enjeux de la décennie à venir du navire amiral du renseignement français sont nombreux et le futur siège du service de renseignement extérieur, censé entrer en fonction en 2031, servira à atteindre ces objectifs.

Les armées françaises avaient identifié il y a quelques années le risque de retour d’affrontements militaires d’ampleur, meurtriers, coûteux et longs. Les deux dernières années l’ont confirmé.

Mais la DGSE n’a pas anticipé la guerre en Ukraine en février 2022 et cela lui a été reproché. « Il y a une nécessité de regarder avec plus d’acuité ce qui n’a pu être anticipé et essayer d’analyser les soubresauts d’un monde compliqué à lire », résume à l’AFP Alexandre Papaemmanuel, professeur à Sciences-Po.

Chine, Russie, Iran et d’autres puissances remettent ouvertement en cause le droit international hérité de l’après-guerre. Dans le même temps, le Sahel, ancien pré carré post-colonial, est devenu un trou noir pour la France, chassée du Mali, du Burkina Faso et du Niger par des coups d’État militaires successifs sur fond de sentiment anti-français.

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Lutter contre le déclassement stratégique de la France dans le monde

« Comment faire pour compenser la perte quasi-totale d’influence et de crédibilité de la France dans le monde ? », s’interroge Alain Chouet, ex-haut responsable de la DGSE. « Les gens qui me recevaient avec le tapis rouge il y a 15 ans, je ne pourrais pas les voir aujourd’hui. »

Obsession absolue du renseignement français après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, et plus encore après ceux qui ont frappé la France en 2015 et 2016 (Charlie Hebdo, le 13 novembre à Paris, Nice), la lutte antiterroriste a désormais baissé dans l’ordre des priorités.

Or les centrales jihadistes d’Al-Qaïda et du groupe État islamique n’ont plus la force de frappe du passé mais demeurent une menace réelle. Il faut aujourd’hui anticiper les nouveaux dangers « sans créer d’angles morts », souligne Alexandre Papaemmanuel.

Entamée fin 2022, la réforme de la DGSE initiée par Bernard Emié, le directeur sortant, a restructuré les services. La future DGSE devra à cet égard coopérer plus encore avec les autres agences, notamment le renseignement militaire (DRM) ou la DGSI, que le nouveau directeur connaît parfaitement.

Déménagement de la DGSE face à un monde qui change

Le futur siège du service de renseignement extérieur entrera en fonction en 2031, avec un budget de 1,3 milliard d’euros. Le Fort de Vincennes, ville limitrophe de l’est parisien, avait été désigné officiellement en 2021 pour installer les nouveaux locaux de la Direction générale de la sécurité extérieure.

La caserne actuelle, brièvement devenue prison pendant la Deuxième Guerre mondiale, avait abrité dès 1946 le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), devenu DGSE. Les locaux ont connu la guerre froide, la décolonisation, la chute du Mur, l’émergence de la Chine comme puissance mondiale, la guerre en Ukraine.

« Depuis 2017, la DGSE a augmenté ses effectifs de plus de 1000 agents. Dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM), c’est à nouveau 700 recrutements qu’elle opérera d’ici 2030 », a rappelé le directeur général du service, Nicolas Lerner. « En 2030, quelque chose me dit que nous serons confrontés à un certain nombre de menaces systémiques », a-t-il relevé.

« D’abord la menace terroriste […] qui change et évolue, la compétition entre États […] et le domaine des nouveaux champs de conflictualité, les champs physiques, technologiques, cyber, la lutte informationnelle », a-t-il poursuivi.

« Tout ça évolue, mute, change. Le projet immobilier doit nous permettre de nous adapter à toutes les formes de menace qui apparaîtront d’ici 2030 et bien au-delà ».

Le renseignement, la nouvelle fonction stratégique de l’État

Après des décennies de dédain ou d’indifférence du politique à son endroit, le renseignement a été reconnu comme fonction stratégique par le Livre blanc sur la défense de 2008, puis érigé en priorité nationale en 2017.

La tendance est en train de se poursuivre. À titre de comparaison, les services britanniques comptent environ deux fois plus d’agents que leurs homologues français.

« Nous n’avons pas de difficulté pour recruter mais plus de mal à fidéliser », a indiqué à cet égard le ministre des Armées Sébastien Lecornu, espérant que la modernité du nouveau site, qui devra « bien vieillir » dans les décennies à venir, puisse y contribuer.

Des services de renseignement de plus en plus présents

Les services de renseignement français utilisent de façon croissante des techniques « intrusives » pour le citoyen, une tendance appelée à s’accélérer et face à laquelle le contrôle doit être renforcé, estime une commission indépendante.

Micros, espionnage informatique, téléphones piégés : les espions – en particulier les services intérieurs et extérieurs (DGSI et DGSE) – multiplient les formes d’intrusion, selon le rapport annuel de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), une agence d’État française.

Le document a constaté que 24.000 personnes ont été surveillées en France en 2023, soit 15 % de plus qu’en 2022 et 9 % de plus qu’en 2019, avant l’épidémie de Covid. Cela intervient dans un contexte de menaces du terrorisme islamiste de plus en plus nombreuses sur le territoire.

Pour la première fois, la « prévention de la délinquance et de la criminalité organisées devient le premier motif de surveillance ». La lutte contre le terrorisme observe une hausse de 7,5 %.

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