Les menaces américaines de taxer le vin français se dissipent, mais la méfiance reste : les producteurs de rosé de Provence, dont la moitié des exportations dépendent des États-Unis, se tournent vers de nouveaux marchés.
« Trump appuie là où ça fait mal pour avoir plus de force pour négocier, mais on s’y attendait un peu, ce n’est pas la première fois qu’il brandit cette menace », résume Mathieu Savatier, propriétaire récoltant du Château du Rouët, un domaine d’une centaine d’hectares au Muy, dans le Var (Sud-Est).
Après avoir menacé à plusieurs reprises de taxer les vins français en représailles à la taxation des géants américains du numérique, le président américain Donald Trump semble avoir infléchi sa position à l’issue du G7 de Biarritz (Sud-Ouest), expliquant lundi que son épouse « aimait le vin français ».
Les viticulteurs de Provence ont craint le pire
La menace « n’est plus à l’ordre du jour », a réagi dans la foulée le président français Emmanuel Macron, en prenant pour exemple le rosé qui fait « +30% chaque année » comme un signe de bonne santé de la filière. Les viticulteurs de Provence, pour lesquels les États-Unis sont de loin le premier client étranger, ont pourtant craint le pire.
« On est à la fois très perplexes car il n’y a aucune certitude que nous serons taxés et en même temps inquiets si ces taxes devaient être appliquées », commente Brice Eymard, directeur général du Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP). Il rappelle que les États-Unis représentent 50% en valeur et presque autant en volume des exportations des rosés de Provence qui comprennent trois appellations (Côtes de Provence, Coteaux d’Aix-en-Provence et Coteaux Varois).
C’est un danger d’être concentré sur un seul marché
Avec une progression annuelle de 30% des ventes Outre-Atlantique, le chiffre d’affaires des rosés de Provence a été multiplié par cinq entre 2014 et 2018 pour atteindre 134 millions d’euros en 2018, selon les données du CIVP. « Cette incroyable croissance sur le marché américain est une chance, mais on a analysé aussi depuis plusieurs mois que c’est un danger d’être concentré sur un seul marché », prévient M. Eymard.
Certes, les consommateurs américains qui sont prêts à payer entre 20 et 25 dollars la bouteille de rosé de Provence sont plus « à même d’absorber des augmentations de taxes », mais « les aléas politiques deviennent malheureusement de plus en plus fréquents et nous incitent à nous diversifier », analyse-t-il.
Porté par la progression mondiale de la consommation de rosé (+28% entre 2012 et 2017, selon l’Observatoire des vins rosé), le CIVP a prévu des actions de communication pour conquérir les marchés de l’Asie et du Pacifique à partir de l’année prochaine.
Le rosé a aujourd’hui un goût partagé mondialement
« La Chine consomme encore peu de rosé, mais cela devrait évoluer et nous sommes prêts, tout comme avec le Japon, Singapour. Même les pays Européens tels que l’Italie et l’Espagne qui ont pourtant leur propre vin, importent notre rosé », confirme Philippe Brel, directeur général de la coopérative d’Estandon dans le Var.
« On a eu une croissance extraordinaire dans les pays anglo-saxons traditionnellement consommateurs de rosé et aujourd’hui ce vin correspond à un goût partagé mondialement », se réjouit le commerçant. Une popularité « sans doute due à sa couleur douce qui contraste avec son goût intense, mais aussi car, contrairement à un vin rouge qui serait plus intimidant à déguster pour des amateurs, le rosé ne demande pas de culture œnologique », vante-t-il.
Un optimisme partagé par Mathieu Savatier du Château du Rouët: « le marché américain arrivait de toute façon à saturation. On s’est déjà investi pour démarcher les pays de l’Est comme la Russie », explique l’œnologue. Comme bon nombre de ses collègues viticulteurs, le domaine pour lequel les Etats-Unis reste le premier marché à l’export, admet néanmoins scruter de près l’évolution des menaces du président américain, adepte des revirements.
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