La résistance aux antimicrobiens (RAM) est officiellement considérée comme l’une des 10 principales menaces pour la santé publique. Loin d’avoir disparu lors de la pandémie du Covid-19, elle s’est, au contraire, aggravée. Un état de fait qui résulte de l’omniprésence des mesures pour prévenir les infections comme, par exemple, l’application fréquente du gel antimicrobien sur les mains.
La RAM apparaît lorsque des virus ou des bactéries développent des mécanismes qui les protègent des effets des antimicrobiens. Elle entraîne environ 700 000 décès dans le monde chaque année, mais les chercheurs ont estimé vers le milieu de l’année 2020 que la pandémie du Covid-19 provoquerait 130 000 décès supplémentaires dus à la RAM. Le nombre de décès dus à la résistance aux antimicrobiens sera probablement au moins trois fois supérieur au nombre de décès dus au Covid-19 d’ici 2050. Certaines estimations suggèrent que les décès dus à la résistance aux antimicrobiens pourraient atteindre les 10 millions de décès par an.
Avant la pandémie, des programmes avaient été déployés dans le monde entier pour mettre un frein à l’utilisation excessive d’antimicrobiens dans les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée, etc. Mais tout ces programmes ont soudain été relayés au second plan.
Or, une étude réalisée par des scientifiques de l’Université des sciences médicales Shahid Beheshti en Iran, publiée dans Frontiers in Microbiology, anticipe qu’une utilisation excessive d’antibiotiques, de biocides et de désinfectants pour lutter contre le Covid-19 pourrait « avoir des conséquences désastreuses ».
Par ailleurs, outre les antimicrobiens, persiste le problème de la surconsommation normalisée d’antibiotiques, extrêmement néfaste pour le système immunitaire.
Des antibiotiques administrés aux patients du Covid-19 « au cas où »
Rappelons que le Covid-19 est causé par le virus SRAS-CoV-2, ce qui signifie qu’un traitement antibiotique est superflu. Malgré cela, les antibiotiques ont été utilisés à titre prophylactique tout au long de la pandémie pour les patients atteints de Covid-19.
L’utilisation des antibiotiques était justifiée par le fait qu’ils peuvent prévenir les co-infections bactériennes.
Cependant, le taux de co-infections bactériennes secondaires était généralement extrêmement faible, alors que l’utilisation des antibiotiques était élevée. En réalité, les antibiotiques n’ont pas été prescrits de manière stratégique en ciblant les patients développant des infections bactériennes, mais ils ont été distribués à tous les patients « au cas où ». Dans une étude portant sur 38 hôpitaux du Michigan, 56,6 % des patients atteints de Covid-19 ont reçu des antibiotiques au début de leur séjour, pourtant seulement 3,5 % d’entre eux avaient été co-infectés par une bactérie en tombant malade du Covid-19.
« Pour chaque patient qui a finalement été testé positif à la fois pour le SRAS-Cov2 et pour une infection bactérienne concomitante présente à son arrivée, 20 autres patients ont reçu des antibiotiques et il apparaissait ensuite qu’ils n’en avaient pas besoin », a déclaré le Dr Valerie Vaughn, auteure principal de l’étude. D’autres études signalent des situations similaires de surconsommation effrénées d’antibiotiques.
Dans une étude portant sur 99 patients atteints du Covid-19 à Wuhan, en Chine, 71 % d’entre eux ont reçu un traitement antibiotique, mais seulement 1 % présentait des co-infections bactériennes. Globalement, on estime que 1 à 10 % seulement des patients atteints du Covid-19 contractent une co-infection bactérienne, pourtant les antibiotiques restent le traitement principal dans la majorité des cas.
Les antibiotiques sont considérés comme un élément « courant » du traitement contre le Covid-19
Depuis des décennies, de nombreux efforts ont été déployés pour réduire l’utilisation excessive des antibiotiques. Et malgré cela, l’une des plus grandes études sur l’utilisation des antibiotiques chez les patients hospitalisés pour le Covid-19 a révélé qu’ils étaient utilisés sans discernement et de manière inappropriée. Plus de la moitié (52 %) des quelque 5 000 patients inclus dans l’étude ont reçu des antibiotiques, et dans 36 % des cas, plus d’un antibiotique.
Dans 96 % des cas, les antibiotiques ont été administrés avant qu’une infection bactérienne ne soit confirmée, soit à l’admission, soit dans les 48 premières heures de l’hospitalisation. Il s’est avéré que seuls 20 % des patients présentaient effectivement une infection bactérienne suspectée ou confirmée pour laquelle les antibiotiques étaient indiqués. Les autres les ont reçus inutilement. Les chercheurs de Frontiers in Microbiology ont expliqué :
« Il convient de souligner que l’utilisation inappropriée des antibiotiques pourrait considérablement et subrepticement conduire au développement de la RAM au cours de cette épidémie mondiale. Malheureusement, des études récentes révèlent que, dans plusieurs pays, l’utilisation courante et importante d’un traitement antibiotique pour les patients hospitalisés pour le Covid-19 est considérée comme faisant partie de l’ensemble des traitements de routine. »
Même l’OMS a clairement indiqué que les pays étaient exposés à un risque de propagation accélérée de la RAM en raison de la pandémie du Covid-19. Elle a cité des données montrant que l’utilisation des antibiotiques a augmenté tout au long de la pandémie. Environ 79 à 96 % des personnes qui ont déclaré prendre des antibiotiques n’avaient pas le Covid-19, mais les prenaient dans l’espoir de prévenir une infection, même si les antibiotiques ne sont pas efficaces contre les infections virales.
La surconsommation d’antimicrobiens peut nuire à l’immunité
Les antibiotiques peuvent avoir un certain nombre d’effets indésirables graves, dont l’un, peu connu, est la détérioration des mitochondries, qui sont génétiquement étroitement liées aux bactéries. Les mitochondries sont responsables de la majeure partie de la production d’énergie cellulaire et jouent également un rôle dans les réactions immunitaires antibactériennes et antivirales. Elles constituent une cible indirecte de certains antibiotiques, connus pour inhiber l’activité mitochondriale, la synthèse de l’ADN et la biogenèse.
« Ainsi, l’antibiothérapie pourrait être une cause importante et mal évaluée de dysfonctionnement mitochondrial. Cela peut à son tour affaiblir votre réponse immunitaire face à une infection par le Covid-19 », selon cette analyse. En avril 2020, les scientifiques exhortaient de « sortir des sentiers battus » en matière d’antibiotiques, y compris contre le Covid-19 :
« (…) les mitochondries sont vulnérables aux traitements antibactériens, interrompant leur physiologie. L’inhibition de ces processus par les antibiotiques pourrait rendre le système immunitaire moins capable de combattre les infections virales aiguës du Covid-19. »
L’influence du microbiome intestinal dans la réponse immunitaire au Covid
Les antibiotiques perturbent le microbiome intestinal, ce qui a des effets considérables sur la santé globale, y compris sur la capacité du système immunitaire à combattre le Covid-19. Ceci prouve une fois de plus que l’utilisation inconsidérée des antibiotiques est contre-productive.
Lorsque des chercheurs de l’Université chinoise de Hong Kong ont analysé la composition du microbiome intestinal de 100 patients atteints du Covid-19, ils ont constaté que la flore commensale intestinale connue pour moduler le système immunitaire était très faible par rapport aux personnes non infectées. La variété et le volume des bactéries intestinales des patients étant réduit, l’infection par le Covid-19 devenait d’autant plus grave et importante la réponse immunitaire.
Un déséquilibre du microbiome intestinal pourrait également contribuer aux symptômes inflammatoires associés au « long Covid », dans lequel les symptômes persistent pendant des mois après l’infection. Selon l’étude :
« À la lumière des rapports selon lesquels un sous-ensemble de patients guéris du Covid-19 présentent des symptômes persistants tels que la fatigue, la dyspnée et les douleurs articulaires, certains plus de 80 jours après l’apparition initiale des symptômes, nous postulons qu’un microbiome intestinal dysbiotique [déséquilibré, ndlr.] pourrait contribuer aux problèmes de santé liés à l’immunité après le Covid-19. »
Dans l’étude, 50 à 75 % des patients ont reçu des antibiotiques, pourtant moins de 7 % d’entre eux seulement présentaient des infections bactériennes. Par ailleurs, les chercheurs n’ont constaté aucune différence dans les résultats avec ou sans antibiotiques et les médicaments n’étaient en aucun cas liés à une amélioration de l’état des patients. C’est pourquoi ils ont écrit : « Il est aussi possible qu’une tendance plus élevée à administrer presque systématiquement des antibiotiques chez les patients dans un état grave ou critique puisse aggraver l’inflammation. »
L’impact des confinements sur le système immunitaire
De tous les effets négatifs résultant des confinements imposés durant la pandémie, ceux subis par notre système immunitaire sont peut-être les derniers qui nous viennent à l’esprit. Ils sont pourtant extrêmement importants concernant notre santé à l’avenir. En quoi le fait de rester chez soi a-t-il un impact sur le système immunitaire ?
Un confinement modifie le cycle lumière/obscurité de 24 heures, auquel le corps humain est adapté. En passant plus de temps à l’intérieur, on est moins exposé à la lumière du soleil, avec moins de possibilités de produire de la vitamine D. Or, la vitamine D active les macrophages dans les poumons. Entre autres activités immunitaires, les macrophages constituent une défense de première ligne contre les infections respiratoires.
Il est vrai que la prise de suppléments de vitamine D peut quelque peu compenser ce phénomène, à condition que vos niveaux soient optimisés, mais il est moins facile de remédier aux autres effets néfastes du confinement. Prenons l’exercice, un autre élément crucial d’une réponse immunitaire optimisée. L’exercice peut réduire les niveaux de stress et divers états pathologiques, comme les maladies cardiaques et le diabète de type 2, liés à des formes graves de Covid-19.
Mais par-dessus tout, rester à l’intérieur signifie être privé d’un contact régulier avec la nature, qui présente elle aussi des avantages immunitaires. Les arbres libèrent des phytoncides, que les gens inhalent et qui sont connus pour modifier les cellules tueuses naturelles. C’est pourquoi, au Japon, le shinrin-yoku, ou « bain de forêt », est réputé pour améliorer le système immunitaire. Il est difficile de passer beaucoup de temps en forêt tout en étant obligé de rester chez soi.
L’autre facteur qui ne peut être ignoré est le manque d’exposition à la saleté et aux germes quotidiens. Cette exposition n’a pas lieu d’être lorsque les gens restent chez eux, loins les uns des autres dans des espaces aseptisés. « Notre système immunitaire a besoin de travailler », déclare le Dr Meg Lemon, dermatologue à Denver, au New York Times. « Nous avons évolué pendant des millions d’années pour que nos systèmes immunitaires soient constamment agressés. Maintenant, ils n’ont rien à faire. »
Ce qui est peut-être le plus troublant, c’est que ce commentaire a été formulé en mars 2019 – avant la pandémie. Or, la situation est d’autant plus critique maintenant. Notre système immunitaire manque d’interactions avec des bactéries ou autres micro-organismes grâce auxquels il apprend, s’entraîne à réagir et se maintient en alerte tout au long de la vie.
Sans un « entraînement » approprié à intervalles réguliers, le système immunitaire peut réagir de manière excessive lorsqu’il est déclenché par des substances normalement inoffensives, ce qui se traduit par des allergies ou des inflammations. La génération des enfants maintenus isolés et masqués va-t-elle être fragilisées ? Va-t-elle subir des répercussions immunitaires une fois exposée à des virus infantiles ordinaires après la pandémie ?
D’ores et déjà, les cas de virus respiratoire syncytial (VRS), qui circule normalement en hiver, sont devenus plus nombreux en été, ce qui signale une plus grande susceptibilité aux infections.
Les nouveaux antibiotiques probablement peu utiles
Il existe 43 antibiotiques en développement clinique, mais aucun d’entre eux n’est très prometteur pour résoudre le problème de l’augmentation rapide de la RAM, car l’innovation stagne – la plupart des antibiotiques mis sur le marché ne sont que des variantes de classes médicamenteuses existant depuis les années 1980. En outre, d’après le rapport annuel de l’OMS intitulé Antibacterial Pipeline Report, les antibiotiques actuellement en cours de développement sont insuffisants pour lutter contre la RAM :
« Le rapport 2020 révèle un réservoir quasi-statique, avec seulement quelques antibiotiques approuvés par les organismes de réglementation ces dernières années. La plupart de ces produits en développement offrent un avantage clinique limité par rapport aux traitements existants, 82 % des antibiotiques récemment approuvés étant des dérivés de classes d’antibiotiques existantes ; or une résistance à ces médicaments est déjà bien établie. On s’attend donc à ce qu’une résistance aux médicaments apparaisse d’autant plus vite concernant les nouveaux produits. »
Autre problème, les systèmes de remboursements destinés aux hôpitaux poussent les établissements à se montrer réticents quant à l’utilisation de nouveaux antibiotiques coûteux. De fait, les hôpitaux ne sont remboursés que partiellement. En d’autres termes, les patients peuvent se voir administrer des médicaments plus anciens qui ne sont pas aussi efficaces afin d’éviter davantage de frais pour l’hôpital.
Une législation aux États-Unis visant à réformer cette situation (Developing an Innovative Strategy for Antimicrobial Resistant Microorganisms Act) a été introduite pour faciliter l’adoption de nouveaux antibiotiques ciblés pour les infections à superbactéries.
Mais il est surtout important de préserver l’efficacité des antibiotiques existants, et la surconsommation d’antibiotiques agricoles ne peut être ignorée dans cette équation.
Dans le monde entier, la plupart des antibiotiques sont utilisés non pas pour soigner des maladies humaines ou des animaux de compagnie, mais pour le bétail. Dans un article publié dans l’International Journal of Antimicrobial Agents, des chercheurs ont déclaré que « la pandémie actuelle repousse les limites d’une gestion optimale des antibiotiques » et ont appelé à mettre fin à l’utilisation inutile des agents antimicrobiens.
Veillons donc à toujours éviter les antibiotiques, sauf s’ils sont absolument nécessaires. En outre, choisir des aliments biologiques, y compris des viandes et des produits laitiers provenant d’animaux se nourrissant d’herbe, nous permettra d’éviter les résidus d’antibiotiques dans les aliments, tout en soutenant les agriculteurs qui ne contribuent pas à la RAM.
Il faut également faire preuve de prudence avec les désinfectants et les désinsectiseurs, en les utilisant avec parcimonie et uniquement lorsque cela s’avère vraiment indispensable, ce qui, en dehors d’un hôpital, n’est que rarement le cas.
Ressources :
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- Environ Health Prev Med. 2010 Jan; 15(1): 9–17
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- Science September 20, 2019
- Int J Antimicrob Agents. 2021 Apr; 57(4): 106324
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Le Dr Joseph Mercola est le fondateur de Mercola.com. Médecin ostéopathe, auteur de best-sellers et lauréat de plusieurs prix dans le domaine de la santé naturelle, sa vision principale est de changer le paradigme de la santé moderne en fournissant aux gens une ressource précieuse pour les aider à prendre le contrôle de leur santé. Cet article a été initialement publié sur Mercola.com.
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