Le Liban a tenu dimanche ses premières élections législatives en près d’une décennie, un scrutin qui a peu mobilisé et ne devrait pas bouleverser la répartition du pouvoir entre les principaux partis en place. Les bureaux de vote ont fermé à 19H00 (16H00 GMT). Mais une heure avant la fermeture, moins de la moitié des inscrits (46,8%) étaient venus déposer leur bulletin dans l’urne, selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur. Les opérations de dépouillement ont commencé dans certains bureaux, a constaté un photographe de l’AFP, mais les résultats ne devraient toutefois pas être connus avant lundi. De l’avis des experts, même si des candidats de la société civile tentent une percée, l’issue du scrutin ne pose aucune surprise, et le Parlement (128 députés) devrait être dominé par les partis traditionnels, notamment le puissant Hezbollah chiite, un allié de la Syrie et de l’Iran.
A quelques heures de la fermeture des bureaux de vote, le peu d’enthousiasme des électeurs a poussé le chef de l’Etat, Michel Aoun, ainsi que les principales forces politiques, à exhorter de nouveau les Libanais à voter massivement. Le Hezbollah a même réclamé une prolongation de deux heures, qui n’a pas eu lieu. Toutefois, les « électeurs présents à l’intérieur ou dans les environs des bureaux » après 19H00 seront autorisés à voter, selon le ministère de l’Intérieur. Avec une classe politique accusée de corruption et de népotisme, incapable de relancer une économie brinquebalante, une grande partie des 3,7 millions d’électeurs est touchée par le désenchantement. « Le faible taux (de participation) est un indicateur de la désillusion des Libanais », a indiqué à l’AFP le politologue Karim el-Mufti. La complexité du nouveau système électoral, appliqué pour la première fois, a par ailleurs laissé perplexe bien des électeurs, parfois obligés de choisir parmi des listes électorales alliant leurs candidats favoris à des partis qu’ils ne soutiennent pas.
Les dernières législatives au Liban remontent à 2009. Le Parlement a ensuite prorogé à trois reprises son mandat, invoquant notamment des risques pour la sécurité du pays liés au débordement de la guerre en Syrie, qui a fait rage depuis 2011. Ces dernières années, le pays a connu des crises à répétition, évitant, souvent de justesse, l’engrenage de la violence malgré une situation géographique sensible, entre la Syrie en guerre et Israël. Guy Farah, venu voter avec sa mère dans un quartier de Beyrouth, se veut toutefois positif. « Ces 30 dernières années, on n’a rien réussi changer, quand est-ce que ça va se passer? », s’interroge le trentenaire. « Je ne vais pas rester assis à la maison, en disant que la situation est mauvaise ».
Indépendamment de l’issue du scrutin, le Hezbollah, seule formation à ne pas avoir abandonné les armes après la guerre civile (1975-1990), devrait continuer à dominer la scène politique. « Le nouveau Parlement ne sera pas une source de nuisance pour le Hezbollah. Il bénéficiera de l’absence d’une large coalition face à lui », confirme Imad Salamey, professeur de sciences politiques à l’Université libanaise américaine (LAU), à Beyrouth. Quelque 597 candidats répartis en 77 listes étaient en lice, pour des législatives organisées pour la première fois selon un mode de scrutin proportionnel. Mais la répartition des sièges est aussi régie par un subtil partage confessionnel, entre les différentes communautés religieuses, et respecte une parité islamo-chrétienne.
Sur le terrain, plusieurs irrégularités et infractions ont toutefois été relevées par l’Association libanaise pour des élections démocratiques (LADE). Elle évoque notamment l’usage de couteaux et de bâtons dans une violente bagarre à Zahlé (est), et le passage à tabac d’une candidate dans un bureau de vote dans une localité du sud par des partisans du Hezbollah.
La nouvelle loi électorale adoptée en 2017 a encouragé des candidats de la société civile à se présenter.C’est le cas notamment de la coalition « Koullouna Watani« , qui appelle les électeurs à se mobiliser contre l’establishment politique traditionnel. Le Liban, qui accueille 1,5 million de réfugiés venus de la Syrie voisine, n’échappe pas aux répercussions du conflit. Le Hezbollah intervient militairement au côté du régime syrien, et même si cet engagement divise la classe politique, les candidats se sont abstenus d’évoquer la délicate question de son arsenal militaire. Son grand rival, le Premier ministre Hariri, soutenu par l’Arabie saoudite, devrait conserver son poste, même si sa formation, le Courant du Futur, risque de perdre plusieurs sièges. Les prochains élus devront se pencher sur des questions politiques, mais aussi économiques et environnementales, dans un pays habitué aux coupures d’électricité quotidiennes, aux pénuries d’eau et à une crise de gestion des déchets ménagers qui perdure depuis trois ans.
DC avec l’AFP
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