Faire ses courses en « circuits courts », c’est mieux pour l’environnement ?

novembre 23, 2017 19:06, Last Updated: novembre 23, 2017 19:06
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Si elle a toujours existé, la vente de produits alimentaires en circuit court de proximité connaît depuis une quinzaine d’années un certain essor, portée par des consommateurs en recherche de repères et de lien social dans une économie mondialisée.

« Paniers paysans », AMAP, vente à la ferme ou aux marchés de producteurs… tous ces modes de commercialisation de produits alimentaires renvoient à l’appellation « circuits courts alimentaires de proximité ».

Ces circuits visent à rapprocher le producteur du consommateur : soit sur un plan économique et social, par la vente directe ou avec un intermédiaire maximum entre le producteur et le consommateur (« circuits courts ») ; soit sur un plan géographique, avec une distance raisonnable entre le lieu de production et celui de consommation (« circuits de proximité »), variable selon le lieu et les produits d’une trentaine à une centaine de kilomètres.

Présentation du réseau des AMAP d’île-de-France (AMAP IDF, 2014).

Miel, légumes, fruits et vin

En 2010, 107 000 exploitants – soit 21 % des exploitations françaises – vendaient une partie de leur production en circuits courts (mais pas systématiquement de proximité), avec de fortes disparités régionales (2/3 des exploitants en Corse, 1/3 en PACA). Ces exploitations sont de taille inférieure à la moyenne, avec un fort besoin en main-d’œuvre. La commercialisation en circuits courts concerne toutes les filières, en premier lieu le miel et les légumes (50 % des exploitations impliquées), puis les fruits et le vin (25 % des exploitations), enfin les produits animaux (10 %).

Du côté de la consommation, environ 30 % des consommateurs achètent régulièrement (au moins une fois par mois) en circuit court « spécialisé », ce qui représenterait 7 à 10 % des achats alimentaires en France. Le nombre de points de vente augmente : on recense en 2014-2015, 600 à 1200 marchés de producteurs, 1600 AMAP, 650 ruches, 250 magasins de producteurs.

Malgré le développement de ces modes de distribution en diversité et en nombre de points de vente, les quantités commercialisées par ce biais évoluent peu. En 2014, 65,5 % des ventes de produits alimentaires s’effectuent encore en grandes surfaces généralistes, qui commercialisent principalement en circuit « long ». Toutefois, en réponse aux demandes des consommateurs, les grandes surfaces développent aussi la commercialisation de certains produits en circuits courts et de proximité.

Quels gains environnementaux ?

Pour beaucoup de consommateurs, l’achat en vente directe d’un aliment produit localement est forcément meilleur pour l’environnement. Pourtant, les modes et pratiques de production sont beaucoup plus déterminants en matière de bilan environnemental que le mode de distribution ou la distance entre le producteur et le consommateur.

À ce jour, les études effectuées révèlent la grande diversité des circuits et pratiques et l’impossibilité de généralisation quant à leurs impacts environnementaux directs. Toutefois, dès lors qu’ils sont optimisés et sous certaines conditions, les circuits courts de proximité présentent un potentiel important de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Leurs points forts, points faibles et marges de progrès sont identifiés et recensés dans un avis récemment publié par l’Ademe dont nous reprenons ici les principaux enseignements.

Produire local, oui, mais durable et de saison

La localisation des productions sur les territoires de consommation présente plusieurs avantages au niveau environnemental, mais ne garantit pas la durabilité du système de production et des pratiques agricoles. On peut cependant observer un taux nettement plus élevé d’exploitation en agriculture biologique parmi celles commercialisant en circuits courts (10 %), que parmi celles commercialisant exclusivement en circuit long (2 %).

Le maintien d’une agriculture périurbaine dynamique peut, de plus, contribuer à limiter l’étalement urbain et donc à préserver la qualité de sols souvent fertiles.

Enfin, la recherche d’une certaine autonomie alimentaire sécurise les approvisionnements, maintient l’économie locale et évite la délocalisation des impacts environnementaux.

Mais ces aspects vertueux seront mis à mal si la saisonnalité des produits n’est pas prise en compte. Car des aliments produits localement mais « hors saison » (sous serre chauffée par exemple) pourront consommer plus d’énergie et rejeter plus de gaz à effet de serre que des produits importés de pays où ils sont cultivés en plein air ; et ce même en incluant le transport.

À titre d’exemple, une salade cultivée en Allemagne sous serre en hiver aura un bilan en termes de CO2 émis (de la production à la consommation) deux fois plus élevé que le même légume importé d’Espagne, où il est cultivé en plein air (510 gr eq CO₂/salade contre 240gr eq CO₂/salade).

Que manger quand ? (www.bioconsomacteurs.org, CC BY-NC-ND)

L’organisation logistique, le point de vigilance

Si dans le cadre des circuits de proximité, les produits parcourent une distance plus faible, les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre liées au transport ne sont pas, pour autant, systématiquement plus faibles, dès lors qu’on les ramène au kilogramme de produit transporté.

En effet, les émissions par kilomètre parcouru et par tonne transportée sont environ 10 fois plus faibles pour un poids lourd de 32 tonnes et 100 fois plus faibles pour un cargo transocéanique que pour une camionnette de moins de 3,5 tonnes.

L’organisation logistique est un paramètre important. De grandes quantités, transportées sur de grandes distances, de manière optimisée, peuvent avoir un « impact effet de serre » par tonne transportée plus faible que de petites quantités, transportées sur des distances courtes mais dans des camionnettes peu remplies et revenant à vide. Pour autant, un circuit de proximité bien organisé sera plus performant que les circuits longs !

Les impacts énergétiques et effet de serre de l’alimentation sont également fortement liés au déplacement du consommateur pour acquérir les produits. La vente directe n’implique pas systématiquement un moindre déplacement du consommateur qui peut même être amené à se déplacer davantage en cas de dispersion des points de distribution.

Il est donc nécessaire d’organiser les points de distribution au plus près du consommateur (livraison de paniers sur le lieu de travail), voire de regrouper les points de distributions (sur un marché ou des points de vente collectifs), afin de présenter une offre large sur un seul point de vente.

Moins d’emballages et moins de gaspillage

Autre effet constaté : dans la plupart des circuits de proximité, les produits bruts sont peu ou pas emballés et les conditionnements liés au transport peuvent être réemployés. La consigne pour réemploi des emballages des consommateurs est régulièrement pratiquée.

La vente directe permet également de mieux valoriser des produits « hors calibre » ou présentant des défauts esthétiques, pourtant parfaitement consommables.

En revanche, en dehors des modes de commercialisation sur abonnement, les producteurs vendant exclusivement en circuits courts rencontrent parfois des difficultés liées aux fluctuations de la demande des consommateurs, par exemple au moment des vacances et jours fériés. La transformation de produits frais, parfois destinés au rebut, en compotes, conserves, soupes, par des structures locales (souvent associées à de l’économie sociale et solidaire), se développe et contribue au développement de produits locaux transformés.

En matière de conservation, les circuits de proximité permettent de limiter les procédés de conservation pour les produits consommés en saison (stockage au froid), puisque le délai entre la production/la cueillette et la commercialisation est réduit. Toutefois, les processus de conservation longue durée (congélation, conserve), s’ils sont consommateurs d’énergie et émetteurs de gaz à effet de serre (fluides frigorigènes), permettent de limiter les pertes liées au décalage dans le temps entre production et consommation.

Enfin, quoiqu’il n’y ait pas d’étude précise sur le sujet, les procédés de transformation et de conservation utilisés dans les processus artisanaux sont généralement moins optimisés que dans les industries agroalimentaires.

Redonner du sens à sa consommation

Le lien avec le producteur modifie le comportement du consommateur, même si cet aspect est plus difficile à évaluer quantitativement. Ainsi, le contact direct avec le producteur favorise la connaissance des modes et cycles de production, conduisant à une évolution des pratiques alimentaires : plus de produits frais, de saison, moins de produits transformés…

Redonner du sens, tant à l’activité de production qu’à celle de consommation, permet également de redonner de la valeur à l’alimentation, avec un réel potentiel pour encourager une évolution durable et globale du système alimentaire, incluant une meilleure répartition de la valeur économique, un consentement à payer pour des produits de meilleure qualité et issus de modes de productions agro-écologiques, une relocalisation de l’alimentation…

En conclusion, si la diversité des circuits courts de proximité ne permet pas d’affirmer qu’ils présentent systématiquement un meilleur bilan environnemental que les circuits longs, ils présentent cependant de réelles opportunités pour améliorer la durabilité des systèmes alimentaires. Complémentaires des circuits longs, insérés dans des projets alimentaires territoriaux, ils permettent, dès lors qu’un certain nombre de conditions sont remplies, de répondre localement à une partie des besoins alimentaires, de façon responsable et respectueuse de l’environnement.

Sarah Martin, Chargée de l’alimentation au sein du service « Forêt, Alimentation et Bioéconomie», Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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