ARTS & CULTURE

Fantin-Latour. À fleur de peau

janvier 24, 2017 14:57, Last Updated: janvier 24, 2017 14:57
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Le musée du Luxembourg présente, jusqu’au 12 février, une rétrospective du peintre Henri Fantin-Latour. C’est la première grande exposition consacrée au maître depuis 1982.

Cette exposition Fantin-Latour. À fleur de peau présente plus de 120 tableaux, lithographies, dessins et études préparatoires parmi lesquels une soixantaine d’œuvres emblématiques du peintre. Ignace Henri Jean Théodore Fantin-Latour, né en 1836 à Grenoble et mort à Buré en 1904, est connu surtout pour ses portraits de groupes dans lesquels figurent les personnages illustres de son temps comme pour ses natures mortes si éloquentes.

L’exposition est aussi l’occasion de découvrir un Fantin-Latour très poétique, proche du symbolisme et plongé dans l’imaginaire.

Fort de son style intransigeant, Fantin-Latour apparaît comme le dernier des romantiques pour les uns et le premier des symbolistes pour les autres. Dans tous les cas, un artiste intense et délicat cachant sous les glacis d’une peinture austère une sensibilité à fleur de peau.

Imiter les grands maîtres

Henri Fantin-LatourFleurs d’été et fruits.1866 huile sur toile ; 73 x 59,7 cm (© The Toledo Museum of Art)

Peintre inclassable, Fantin-Latour fait ses premiers pas avec son père, peintre lui aussi. Puis, à la petite École de dessin de Paris avec Louis-Alexandre Péron et Horace Lecoq de Boisbaudran, il fréquente également l’atelier de Gustave Courbet. Mais c’est surtout dans les musées qu’il passe son temps à imiter les anciens maîtres de la peinture en quête de la « mystérieuse Harmonie » qui caractérise leurs œuvres. D’ailleurs, c’est au Louvre qu’il rencontrera sa femme, Victoria Dubourg, peintre également, en copiant Le Mariage mystique de sainte Catherine d’Alexandrie avec saint Sébastien du peintre italien le Corrège (1489-1534).

Un peintre réaliste

Fantin-Latour reste indépendant, dans un siècle marqué par l’enthousiasme collectif pour l’impressionnisme.

Élève de Courbet, Fantin-Latour, soucieux de la restitution fidèle de la réalité, refuse d’adhérer aux principes de l’impressionnisme et opte pour les portraits de groupe. Cela ne l’empêchera pas d’innover par les couleurs, la lumière ou la composition.

Manet, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine et autres célébrités figurant dans ces magistraux portraits de groupe témoignent de l’effervescence artistique de la fin du XIXe siècle.

Avant de peindre les grands portraits qui pourraient être qualifiés de manifestes, il commence par lui-même. Ses autoportraits révèlent un artiste tourmenté par cette sensibilité à fleur de peau. Il se confie à son ami, marchand d’art anglais, Edwin Edwards, en ces termes :

« [Je ne peux] vous donner une idée de moi, de mon éducation, de mes premières années, de ma pauvre et tourmentée existence, de mon pauvre esprit, tout nerveux ; toujours replié sur moi-même ; de ma vie, toujours seul, toujours aspirant au bonheur, à la gloire, à l’art ; jamais content, jamais satisfait. J’ai trouvé chez vous le premier repos. »

Le parcours chronologique de l’exposition commence par ses autoportraits puis par les portraits intimes de ses deux sœurs dans des scènes de genre, en liseuses ou brodeuses, des femmes concentrées, enfermées dans un monde silencieux.

Après les autoportraits, il prendra pour modèles sa femme et sa belle-sœur. Il les représentera de la même façon, par des « études d’après nature ». Fantin-Latour se tourne vers de nouveaux modèles, exécrant vite les portraits de commande. Austères, loin de toute séduction facile, les portraits de ses proches suscitent pourtant de vibrants éloges. « C’est la vie même exprimée avec un art personnel et exquis », commente un critique en 1882.

Méconnu de son vivant, il doit sa célébrité à sa femme qui tenait à rendre aux œuvres de son époux la consécration qu’elles méritaient dans les hauts lieux de la peinture tels que le Louvre et le musée du Luxembourg ou encore à Grenoble, sa ville natale. Le catalogue raisonné qu’elle rédigera reste encore aujourd’hui une source majeure de l’œuvre de Fantin-Latour.

Une production abondante de natures mortes

C’est probablement grâce à ses peintures de fleurs qu’il est souvent considéré comme le plus grand peintre de nature morte de l’art occidental. Ses natures mortes savamment composées, et peintes avec le recul de l’apparition de la photographie, font de lui un artiste à la fois classique et moderne.

Il offrira à son épouse en 1869, à l’occasion de leurs fiançailles, l’un de ces chefs-d’œuvre intitulé Nature morte dite « de fiançailles ». Un petit format dans lequel les éléments se répondent en dialogue, où tour à tour, les jaunes, les roses et les carmins des corolles, viennent illuminer la composition que strient de vert quelques longues feuilles effilées.

Cependant, ces fleurs qui égalent un Chardin dans leur simplicité et harmonie, ont été considérées très longtemps comme « simple besogne alimentaire » car cette production, qui a dû compter entre 500 et 600 tableaux et s’étendre sur une trentaine d’années, lui a permis de vivre quand les autres œuvres récoltaient les louanges mais pas les acheteurs.

Du réalisme à l’imaginaire

Peintre réaliste à l’époque où le réalisme est critiqué, Fantin-Latour répond à sa passion pour la musique par des tableaux poétiques qu’il appelle « œuvres d’imagination ».

Inspirés de Berlioz, Schuman, Wagner, ces tableaux prennent de plus en plus d’importance pour céder finalement la place à des œuvres puisées dans son imagination.

Son tableau L’Anniversaire (1876), intitulé aussi Hommage à Berlioz, occupe dans la production de Fantin-Latour une place singulière, celle d’une œuvre charnière entre les grands hommages des années 1860-1870 et les « sujets d’imagination » d’inspiration musicale.

En opposition avec l’austérité qui caractérise ses portraits réalistes, Fantin-Latour se permet une liberté festive et colorée dans les peintures « d’imagination », dans lesquelles il rend hommage à la beauté du corps féminin, dans des scènes mythologiques aux compositions à la fois très solides et très éthérées, combinaison paradoxale de classicisme et de modernité.

L’exposition Fantin-Latour. À fleur de peau met en lumière les différentes facettes d’un artiste qui a su garder son indépendance et son unicité et s’imposer, malgré sa discrétion, comme une figure marquante de son siècle.

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