Les salariés de Fessenheim font monter la pression, menaçant de braver les instructions de la direction pour retarder l’arrêt du réacteur n°1 de la doyenne des centrales nucléaires françaises, prévu dans la nuit de vendredi à samedi.
L’opération est censée débuter vendredi à 20H30 et s’achever aux alentours de 02H00 du matin samedi. Elle mettrait un point final à des années de remous, de débats et de reports sur le sort de la centrale alsacienne, bâtie dans les années 1970 tout près de la frontière avec l’Allemagne.
Mais cet arrêt définitif du premier des deux réacteurs à eau pressurisée de 900 mégawatts (MW), (le second suivra le 30 juin), pourrait être reporté. Certains salariés menacent de désobéir et de ne pas engager les procédures d’arrêt.
« Il y a trois équipes et celle qui doit procéder à l’arrêt du réacteur, cette nuit, est la plus remontée », selon un syndicaliste. « Quand on a vu l’équipe appelée à opérer les procédures d’arrêt, on s’est dit que ça ne pouvait pas plus mal tomber », ajoute ce salarié qui assure que « plus de la moitié » de ses membres entendent désobéir.
« Il y a une atmosphère très lourde à la centrale, les salariés ont les nerfs à fleur de peau », souligne également auprès de l’AFP le maire de Fessenheim, Claude Brender. Ils éprouvent « un sentiment de révolte (…) l’impression d’un gâchis ».
Sur les réseaux sociaux, fleurit le logo « Je suis Fessenheim ». Et, dans la soirée, l’éclairage public sera éteint dans le bourg où les habitants ont été invités à partager une soupe à la lueur des bougies.
« Une équipe de quart, composée de dix à quinze à personnes », doit initier vers 20H30 le processus d’arrêt du réacteur, a expliqué à l’AFP une source syndicale au sein de la centrale.
« Pour l’ensemble du personnel de quart cette nuit d’arrêt du réacteur N1, réaliser les gestes pour le découpler définitivement sera quelque chose de très difficile à vivre », explique encore cette source.
Dans les faits, le réacteur pourrait ainsi être arrêté avec plusieurs heures de retard, par les personnels de l’équipe suivante, qui prendra son service samedi matin à 06H00.
Cependant, un autre salarié estime « complètement impensable » que les procédures ne soient pas respectées. « C’est une question d’honneur. Le travail sera fait et bien fait. Tout le monde suivra les ordres ».
« Je compte sur le professionnalisme des salariés d’EDF », a réagi vendredi matin Elisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique à l’issue d’une rencontre avec les élus locaux à Colmar.
« Je n’ai pas de doute que les salariés qui démontrent depuis plus de quarante ans leur professionnalisme et leur engagement sur ce site auront à coeur que cette étape se passe dans les meilleures conditions », a-t-elle ajouté, avant de se rendre brièvement à Fessenheim à la rencontre de quelques commerçants vendredi après-midi.
De son côté, EDF a simplement observé qu’exploiter le réacteur n°1 quelques heures de plus ne présentait aucun danger et respecterait le cadre légal, si tant est qu’il est bien débranché avant samedi soir à 23H59.
La procédure d’extinction du réacteur est identique à celle d’une opération de maintenance classique. Mais cette fois, aucune remise en service n’aura lieu.
L’évacuation du combustible de la centrale sera normalement achevée en 2023. Ensuite doit se poursuivre la phase de préparation au démantèlement, processus inédit en France à l’échelle d’une centrale entière qui devrait commencer à l’horizon 2025 et se poursuivre au moins jusqu’en 2040.
Pour Matignon, la fermeture de Fessenheim « constitue une première étape dans la stratégie énergétique de la France qui vise un rééquilibrage progressif » entre les différents types d’énergies, avec une diminution progressive de la part du nucléaire – actuellement de 70%, la plus importante au monde – et une augmentation de celle de l’électricité d’origine renouvelable.
Mais la polémique sur le bien-fondé de cette fermeture ne va pas cesser avec l’arrêt du réacteur n°1. Samedi, pro-Fessenheim et antinucléaires feront entendre leurs voix en affichant une même priorité, l’écologie, mais avec des arguments bien différents.
« L’arrêt de cette centrale moribonde est un motif de célébration transfrontalière, mais pas un motif de triomphe », le combustible radioactif restant présent encore plusieurs années, a commenté l’association écologiste allemande Bund, opposée depuis des années à cette centrale et plus encore depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011.
A l’inverse, le député LR du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger a demandé aux salariés « pardon pour ce choix irresponsable dont vous êtes les premières victimes ».
Vendredi, Elisabeth Borne a confirmé le projet de « Technocentre » consacré aux déchets métalliques sur le site de la centrale après sa fermeture, même sans soutien allemand. Mme Borne a promis qu’il n’y aurait « aucune perte d’emploi » après la fermeture de la centrale.
A quelques heures de l’arrêt du réacteur n°1, le bourg de Fessenheim était particulièrement calme vendredi après-midi, à l’exception de quelques équipes de télévision occupées à tourner des images du village. A quelques centaines de mètres de là, devant la centrale, trois grandes banderoles accrochées à l’entrée du parking: « La centrale de Fessenheim est sûre… Qu’elle dure! », « La fermeture anticipée est une faute historique » et, en rouge sur fond noir, « Fessenheim sacrifiée ».
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