Les bureaux de vote ont fermé dimanche au Cambodge au terme d’un scrutin législatif qui s’annonce comme un plébiscite pour le Premier ministre Hun Sen en l’absence de la principale force d’opposition, dissoute en novembre 2017. Nous prédisons « une immense victoire », a déclaré Sok Eysan, porte-parole du Parti du peuple cambodgien (PPC) qui a remporté toutes les élections depuis 1998 alors que son chef, Hun Sen, est au pouvoir depuis plus de 33 ans.
Les résultats préliminaires doivent être publiés par le PPC en fin d’après-midi. « J’espère que ce pays à l’avenir aura une vraie démocratie et que mes enfants vivront dans un pays libre et en paix », a déclaré à l’AFP Sony Leakhena, mère au foyer de 31 ans, à la sortie du bureau de vote. Une des questions-clés du scrutin était le taux d’abstention. Sam Rainsy, le fondateur du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), dissous fin 2017, a en effet appelé au boycott de ces législatives depuis la France où il est exilé pour échapper à la prison.
« Je ne suis pas allé voter. Beaucoup de mes amis ne sont pas allés voter », a assuré Khem Chan Vannak, ancien élu sous la bannière du CNRP. Mais, selon Sok Eysan, porte-parole de la Commission électorale cambodgienne, le taux de participation dépasserait les 75% et serait donc supérieur à celui de 2013 (69%).
Plus de huit millions d’électeurs sont inscrits sur les listes électorales et 80.000 policiers ont été mobilisés pour ce scrutin, la police se disant prête à « empêcher tout acte de terrorisme et de chaos ». Le climat s’est considérablement tendu dans le pays avec la dissolution du CNRP et l’emprisonnement de son chef, Kem Sokha.
Hun Sen, 65 ans, et son épouse, Bun Rany, ont voté à Takhmao, petite ville à une quinzaine de kilomètres de Phnom Penh, le Premier ministre brandissant devant la presse son doigt couvert d’encre comme le veut la procédure électorale. L’homme fort du Cambodge a averti qu’il ne tolérerait aucune contestation des résultats, assurant, vendredi lors de son dernier grand meeting de campagne, que « des mesures légales pour éliminer les traîtres » avaient été prises, une allusion au CNRP accusé de comploter contre le gouvernement avec le soutien des Etats-Unis.
Le plus difficile pour Hun Sen sera de convaincre la communauté internationale que son régime est tout sauf une dictature
En 2013, les électeurs, face à la corruption qui touche le royaume, avaient voté en masse pour ce parti d’opposition, qui avait raflé plus de 44% des voix, prenant le régime de Hun Sen de court. Le gouvernement a depuis brandi la menace d’une ère de chaos dans le pays encore traumatisé par le régime khmer rouge, coupable d’un génocide qui a fait près de deux millions de morts dans les années 1970.
Surfant sur cette menace, des médias indépendants ont été fermés, un autre a été repris en main par le régime, tandis que plusieurs actions en justice ont été lancées contre des représentants de la société civile. Face à cette dérive, alors que le puissant et fidèle allié chinois a annoncé dépêcher des « observateurs », Washington et Bruxelles ont suspendu leur assistance à ces élections.
Devenu Premier ministre en 1985, à seulement 32 ans, Hun Sen, ex-Khmer rouge qui a toujours minimisé son rôle au sein du mouvement ultra-maoïste, a tissé une toile au maillage serré pour assurer sa longévité politique. Il a placé ses trois fils, qui occupent des postes-clés au sein de l’armée et du parti au pouvoir, au cœur de ce dispositif et ces derniers ont participé activement à la campagne.
La vingtaine de petits partis officiellement enregistrés ont quant à eux fait une campagne discrète. Cette élection fictive « sera facile à remporter », a relevé Sam Rainsy samedi dans un communiqué, mais Hun Sen « va se retrouver face à une tâche beaucoup plus difficile, voire impossible: « convaincre la communauté internationale que son régime est tout sauf une dictature » et « tenter d’échapper à des sanctions » commerciales et financières.
DC avec AFP
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